Quelques années plus tôt.
Les Tassonnier étaient de ceux qui se fichaient bien de plaire ou non aux autres, ce qui leur permettait d'être odieux avec à peu près tout le monde.
M. Tassonnier était ouvrier sur une chaîne de fabrication de poubelles en plastique. Son aspect petit et maigre était une apparence trompeuse qui volait en éclats quand on apercevait ses mains, façonnées par plusieurs dizaines d'années de travaux manuels en tous genres, entrouvertes en permanence comme des serres de rapaces, et dont on n'avait aucun mal à imaginer la force lorsqu'on voyait les nombreuses et imposantes veines qui les alimentaient.
Fumeur depuis toujours, il savourait chacune des trente cigarettes sans filtre qu'il se roulait chaque jour. Il avait le rire facile, mais certainement moins bruyant que celui de sa femme.
Celle-ci n'avait pas le même profil. L'importante largeur de ses formes s'opposait à celle de son esprit. Quinquagénaire sûre d'elle, elle aimait son mari plus que de raison, et sa jalousie maladive était souvent la cause principale des disputes. Elle tenait une boulangerie au centre de la ville, réputée pour sa spécialité de croissant aux amandes dont l'amertume avait été supprimée par un mystérieux procédé. Les clients s'y bousculaient le matin lorsque les pâtisseries étaient encore chaudes, à l'heure où elle les goûtait encore pour, prétendait-elle, s'assurer qu'elles avaient la même saveur qu'à l'habitude.
Le couple avait deux chiens, dont les prénoms Croquette et Caramel étaient sortis du cerveau prolifique de leur fille, Cynthia, 16 ans, inscrite dans le principal lycée de la ville. Passionnée par la musique, elle se rêvait chanteuse de R'n'B à Los Angeles. Si jamais cela s'avérait impossible, elle s'inscrirait à l'université.
La palme revenait au grand frère. A 22 ans il venait de décrocher sa première année de faculté de droit et vivait au rythme des bars de la cité dijonnaise où il était étudiant. Il avait également une autre passion, le rugby, qu'il pratiquait avec acharnement plusieurs fois par semaine. Ainé de la famille, Il faisait la fierté de ses parents qui voyaient en lui la digne descendance de leur noble blason.
La tribu comptait également un autre garçon, Pol, qui y avait été placé par la DDASS à l'âge de 8 ans lorsque sa mère n'eut plus été en état de s'en occuper.
Il s'appelait donc Pol, P-O-L, car le prénom Paul était déjà pris et qu'il fallut bien choisir pour lui un prénom qui le rendrait exceptionnel avant même sa naissance. A 17 ans il n'était pourtant pas plus déterminé ou ambitieux que les autres mais il savait en tout cas que, passé sa majorité, il était hors de question pour lui de rester plus longtemps dans cette famille.
Il avait passé son adolescence à gérer tant bien que mal les conflits réguliers qui éclataient en son sein, en rêvant du jour de ses 18 ans où ils auraient enfin le droit de s'en dispenser. Il ne savait pas qu'un appel téléphonique allait bientôt lui permettre d'exaucer ses vœux.
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Un Regard Sur Michigan
Mystère / ThrillerPol, un jeune fêtard débarquant à Paris avec quelques rêves dans les bagages, reçoit de son père disparu un mystérieux héritage. Attiré par les délices faciles de la vie, il choisira pourtant de partir découvrir ce qui se cache derrière les lignes d...