Chapitre II - Paperasse

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Un matin de juillet, le téléphone sonna au domicile des Tassonnier, occupés à ranger le garage pour que leur vieille Volvo puisse y retrouver sa place. Mme Tassonnier répondit puis passa le combiné à Pol.

- Allo ?

- Bonjour Monsieur Bralet, je me présente, Monsieur Philippe de Richebourg, notaire. Je vous contacte pour vous annoncer que vous allez bientôt pouvoir toucher l'héritage que votre père vous a réservé.

- L'héritage de mon père ? Je ne savais pas qu'il m'avait laissé quelque chose, répondit Pol, interpellé par cette annonce qu'il n'attendait pas du tout. Son père était décédé il y avait environ cinq ans et il se demandait bien ce qu'il avait pu lui laisser, sachant qu'il n'avait quasiment jamais été présent pendant toute son enfance.

- Oui il a clairement inscrit votre nom sur son testament. Vous allez être majeur dans peu de temps et vous pourrez donc recevoir tout ce qu'il contient. Je vous propose de prendre rendez-vous rapidement pour régler les formalités d'usage, demain à 14h par exemple. Pol accepta.

Son père avait travaillé aux Etats-Unis mais tout le monde ignorait quel métier il avait exercé. Pol savait tout de même que c'était dans le secteur des exportations de matières premières. Il avait rencontré sa mère à Paris, et était ensuite parti outre-Atlantique à la fin de ses études. Ils vécurent entre ce pays et la France pendant quelques années jusqu'à ce que Pol naisse. Sa mère est alors restée en France pour l'élever seule alors que son père donnait tout son temps à son travail. Le couple s'est ensuite séparé, et Pol a été placé par la DDASS lorsque sa mère, diminuée par un alcoolisme chronique, ne put plus s'occuper de lui. Depuis l'âge de huit ans il vivait dans cette famille d'accueil où il devait rester jusqu'à ses 18 ans, après quoi il serait libre de faire ce qu'il voudrait. Et comme ce jour allait arriver dans quelques semaines et qu'il avait bien l'intention de gouter à sa liberté, un héritage ne pouvait que l'aider davantage, à condition évidemment qu'il ne contienne pas que des dettes. Il voulait rejoindre la capitale pour enfin commencer à vivre.

Le lendemain il se prépara pour aller chez le notaire afin de signer quelques papiers officiels avant de recevoir ce qui lui revenait de son père.

Après quelques minutes d'attente dans le hall d'entrée du cabinet , il put pénétrer dans le bureau où l'attendait Monsieur de Richebourg. Celui-ci était assis derrière un large bureau sur lequel des documents étaient rangés en petites piles nombreuses mais ordonnées.

- Bonjour Monsieur Bralet, asseyez-vous je vous en prie, dit-il en lui montrant de la main un des deux sièges placés en face de lui. Voici un papier expliquant les démarches que vous devez effectuer avant de recevoir l'héritage. Et voilà maintenant le testament de votre père, dit-il en tendant à Pol deux feuilles dont l'une avait surement dû être pliée en quatre pendant plusieurs années au vu des pliures qui l'avaient presque déchirée.

Pol commença par jeter un coup d'œil sur le premier document que le notaire venait surement d'imprimer puis sur l'autre feuille sur laquelle était écrite une phrase de son père affirmant le souhait de lui léguer les éléments listés en dessous. C'était une des premières fois que Pol lisait quelque chose venant de son père et qui le concernait directement. Il y avait seulement deux points développés dans la liste, le numéro d'un compte bancaire et une adresse, sans plus de détails.

- Est-ce que je peux avoir les détails ? Je ne sais pas ce que c'est que cette adresse et je ne connais pas plus ce compte en banque. Il n'avait en effet jamais entendu parler d'un compte sur lequel de l'argent lui était réservé depuis sa naissance et l'adresse indiquée ne lui disait absolument rien : 511 East 5th C. 37th fl.

Cette adresse n'avait en tout cas pas l'air d'être française. Que pouvait-elle indiquer ? Une maison ? Un appartement ? Peut-être allait-il en savoir davantage le jour de sa majorité, lorsqu'il pourrait avoir tous les documents en sa possession. De retour chez lui, il trouva Mme Tassionnier sur le perron de la maison, un peignoir rose sur le dos et des pantoufles en forme de Bob l'éponge aux pieds.

- Alors gamin, t'as touché le pactole ? lui lança-t-elle.

- C'était juste pour signer des papiers, je n'en sais pas plus sur l'héritage, répondit-il, pour ne pas entamer une conversation inutile.

Cynthia, qui était en train de regarder la télévision, se joignit à la conversion :

- Et puis tu vas en faire quoi de tout ce pèze de toute façon grand frère ?

Elle avait l'habitude de l'appeler « grand frère » pour le taquiner depuis le jour où il lui avait conseillé de trouver un job étudiant pour ne pas rester à trainer dehors le week-end, alors que lui-même passait son temps libre à vadrouiller n'importe où pour faire n'importe quoi.

- Je vais acheter un billet d'avion pour ne plus jamais voir ta gueule, répliqua-t-il en riant.

Il remonta dans la salle qui lui servait de chambre en évitant les coussins du canapé jetés depuis le salon.

Il pensa à son père qu'il n'avait pas vraiment connu, l'imaginant là-bas, dans l'Illinois, et s'aperçut alors qu'il n'avait jamais pris le temps d'en savoir plus sur lui. Etait-il comme lui ? Pourquoi ne l'avait-il jamais contacté ? Pourquoi n'était-il jamais revenu en France pour lui rendre visite ? Toutes ces questions, il se les était bien entendu souvent posées mais il n'avait jamais pu en obtenir les réponses.

Mais ce jour-là, en lisant les quelques lignes qu'il lui avait laissées sur cette feuille froissée, il eut envie de tout faire pour les trouver.

Un Regard Sur MichiganOù les histoires vivent. Découvrez maintenant