Chapitre XIX - Obscurité et Précipitation

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Pol et Anna venaient d'entrer dans cette petite maison sans étage, égarée dans ce quartier glauque de la ville de Gary. Il n'y avait pas de quoi être rassuré.

Eric ne leur avait pas donné beaucoup de précision quant à l'emplacement exact des documents. Etaient-ils dans la cuisine sale qui se découvrait à leur droite à mesure qu'ils avançaient et que leurs yeux s'habituaient à l'obscurité ? Ou dans le salon, à leur gauche, toujours équipé d'un petit canapé et d'une télévision depuis longtemps éteinte ? Ils sortirent leurs téléphones pour éclairer leurs pas.

Des photos de famille étaient encore accrochées aux murs. Des visages jaunis y arboraient des sourires qui, avec les années, en étaient devenus inquiétants. Pol décida de fouiller plus en détail la plus grande des deux chambres qui occupaient le fond de la maison, donnant sur le jardin de la maison mitoyenne. Anna s'occupait de la dernière petite salle.

Un vieux matelas sur un sommier en métal, une chaise et un bureau, voilà tout ce qui se présenta à Pol quand il entra. Le dernier meuble avait quatre tiroirs dont deux étaient rentrés. Il tira le plus haut, qui était rempli de vieilles photographies sans intérêt. La deuxième pioche fut la bonne. Le second tiroir contenait une sorte de boîte à chaussures. Il la sortit et en souleva le couvercle. Sous une couche de vieux journaux était rangée une large chemise fermée par des élastiques. Pol les tira de côté et put ouvrir le dossier. Tout était enfin là, dans ses mains. Plusieurs centaines de pages qui devaient décrire tout ce dont son père avait parlé dans sa dernière lettre. Il appela Anna à travers la maison et n'eut pas à attendre longtemps pour la voir arriver. « On l'a enfin trouvé ce foutu dossier ! ». Ils sautèrent de joie dans la pénombre, soulagés.

Sans attendre plus longtemps ils ressortirent de la maison abandonnée et prirent la route du retour. Arrivés à l'appartement ils se lancèrent dans une lecture sommaire et accélérée de la centaine de pages que contenait le dossier intitulé About Michigan Project. Ils furent stupéfaits de tout ce qu'ils y découvrirent. La MWA, le lobby des armes le plus puissant des Etats-Unis, était financièrement soutenu par une société secrète qui corrompait également les membres du congrès pour qu'aucune loi ne vienne s'attaquer à leur sacrosaint Second Amendement et à son cortège de morts.

Pol comprit enfin l'importance de ce document et l'impact que sa publication aurait dans le pays le plus armé au monde. Il fallait l'apporter au plus vite à une chaîne télé pour que sa diffusion rapide soit assurée. Pol se décida à l'amener au siège de CNM, à New York, connu pour avoir déjà médiatisé de grands scandales, en espérant que les journalistes croient sans poser de questions à l'importance de l'urgence. C'était la fin de l'après-midi et il fallait faire vite.

Pol se prépara sommairement dans la chambre pendant qu'Anna essayait de contacter le journal par téléphone. Alors que Pol rangeait le document dans un sac, il entendit la porte d'entrée se fermer.

- Anna ?

Il se précipita dans la salle principale. Anna n'y était plus, comme dans aucune des autres salles de l'appartement. Pol ne comprenait pas, où était-elle partie et pourquoi ne pas l'avoir prévenu ? Il l'appela sur son téléphone en attendant qu'un ascenseur atteigne à l'étage, mais la ligne était occupée.

Arrivé au rez-de-chaussée, il courut vers la sortie pour s'apercevoir qu'Anna n'était pas dans la rue. Peut-être avait-elle tout simplement eu peur ? Pol remonta pour récupérer les documents et ressortit à nouveau de la tour pour appeler un taxi, bien décidé à aller à l'aéroport direction New York et en finir avec tous ces mystères.

C'est arrivé à O'Hare qu'il les aperçut à nouveau. Plusieurs hommes en costumes semblaient guetter la masse des voyageurs qui n'en finissait pas d'aller et venir dans le hall principal. Pol se fondit dans la masse pour atteindre la salle d'embarquement où il n'eut pas, à son grand soulagement, à patienter trop longtemps avant de pouvoir monter dans l'avion. Il s'installa à une place près d'un hublot pour surveiller le terminal illuminé. Le ballet de la foule semblait normal, jusqu'à ce que Pol vît plusieurs hommes se diriger rapidement vers le guichet placé juste avant la passerelle menant à l'avion dans lequel il venait de monter. La panique le gagna. Comment savaient-ils que c'était dans cet avion qu'il se trouvait ? Quelqu'un l'avait-il repéré ? Plusieurs minutes angoissantes passèrent jusqu'à ce que Pol entende le bruit d'une lourde porte qu'on ferme, comme une libération.

La passerelle fut retirée et l'avion s'ébranla, rejoignit la piste et s'envola pour New York. La prochaine étape, l'aéroport JFK, n'allait sans doute pas être de tout repos.

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