Pol était enfin majeur. Un de ses amis avait préparé une soirée en son honneur dans l'appartement de ses parents, en petit comité, lui avait-il précisé avec insistance.
L'après-midi passa vite, il avait prévu d'aller chez le notaire le lendemain mais en attendant il avait une incroyable envie de profiter de la nuit, sa nuit.
Le soir venu, il se prépara pour aller à la soirée organisée pour lui. Il démarra ensuite sa Vespa grise, sa fidèle « moto » qui l'avait déjà suivi dans toutes ses aventures.
Comme c'était l'été Pol n'était pas beaucoup habillé, et le vent doux et agréable qui faisait onduler son polo sous l'effet de la vitesse lui rappela toutes les soirées qu'il avait passées dans cette ville, tous les après-midis à déambuler avec ses acolytes, à rire, à régler ses comptes, à se prendre la tête, à draguer, à ne penser à rien d'autre qu'au moment présent, à vivre.
Combien de fois avait-il parcouru ces rues qui défilaient sur les côtés. Chaque recoin de la ville lui rappelait un souvenir différent. Pol aimait souvent rêvasser, mais ce n'était pas toujours au meilleur moment.
Il n'avait pas remarqué cette voiture, à une des intersections du carrefour dans lequel il venait de s'engager. Il ne remarqua pas non plus qu'elle ne s'était pas arrêtée au feu alors qu'il allait passer. Il sortit de son rêve alors que le véhicule, pleins phares, lui arrivait dessus.
Il eut tout juste le temps de braquer un grand coup sur le côté pour l'éviter, ce qui lui sauva probablement la vie mais ne l'empêcha pas de terminer sa course dans un fourré du bas-côté, après avoir pris de plein fouet un haut trottoir. Le choc le déséquilibra et il tomba lourdement de son scooter.
Après avoir repris ses esprits, il se releva, indemne, et s'aperçut qu'il était tombé dans une décoration paysage qui lui avait permis d'amortir sa chute. Il n'y avait plus aucune trace de la voiture, à part celles qu'elle avait laissées sur l'asphalte du croisement.
Tout était allé très vite, comme toujours. Il releva tant bien que mal son deux-roues, mais le geste réveilla une douleur dans son coude droit. Il était en sang mais rien n'était cassé. Il finit son trajet et arriva à destination sans rencontrer d'autres voitures folles.
Après s'être garé, il enleva son casque, pénétra dans le bâtiment où avait lieu la réunion et profita du miroir géant du hall pour se recoiffer grossièrement. Arrivé dans le couloir de l'appartement en question, il se demanda s'il ne s'était pas trompé de bâtiment à l'écoute du silence qui avait l'air d'occuper tous les logements. Un autre détail l'interpella, la porte de l'appartement où il avait rendez-vous était entrebâillée, et aucune lumière ne s'échappait de l'ouverture. Il y avait quelque chose d'anormal.
Il poussa délicatement la porte et pénétra dans l'entrée. La lumière était éteinte et personne ne répondit quand il appela. Il commença à s'imaginer le pire. Y-avait-il eu un cambriolage? Où étaient ses amis ? Il marcha à tâtons en essayant de trouver un interrupteur mais il ne connaissait pas assez l'endroit pour savoir où ils se trouvaient. Il ne voyait rien devant lui, ce qui n'était pas pour le rassurer. Soudain toutes les lumières s'allumèrent en même temps et une foule de personnes l'accueillit en chantant à tue-tête pour lui souhaiter un joyeux anniversaire.
Il fut surpris mais rassuré, et voir autour de lui tous ses amis rassemblés lui fit énormément plaisir. Ce n'était pas le petit comité prévu pour une soirée « posey », mais plutôt une multitude de joyeux fêtards prêts à lui offrir de nouveaux souvenirs inoubliables au cours d'une soirée bien chargée. Et chargée, elle le fut.
Les beuveries étant pour eux le seul moyen de s'échapper quelques heures de leur existence trop monotone, ils étaient dans la période de la vie où le foie a ses raisons que la raison ignore.
Pol oublia une bonne partie de la nuit, et se réveilla le lendemain matin sur un canapé également occupé par une autre personne. Elle était de dos et bien endormie contre lui. Il se demanda quelle sublime beauté il avait encore réussi à convaincre de terminer la nuit avec lui. Il se releva pour contempler le visage de sa conquête. Son sourire satisfait disparut instantanément de son visage: c'était Steeve, son meilleur ami, son complice, son pote de gaffe, son « con » à lui, avec qui il avait surement dû se battre pour avoir une place sur ce lit improvisé.
On aurait pu croire que l'appartement avait été frappé par un typhon. Les cadavres de bouteilles partageaient l'espace avec des cendriers débordants et des loques humaines qui comataient sur le sol devenu collant au fur et à mesure que les verres s'étaient renversés dessus. Il fallut le reste de la matinée pour tout remettre en ordre, et tous ceux qui étaient aptes furent réquisitionnés.
Après être revenu chez lui pour préparer les documents nécessaires, il partit chez son notaire qui lui remit son héritage en mains propres. La première page lui annonçait son droit de recevoir cet héritage, il la tourna pour découvrir les feuillets suivants qui décrivaient en détail ce qu'il comprenait.
Le premier annonçait le versement imminent d'une somme de 88 378.50 euros sur son compte bancaire. Le deuxième concernait un logement au 875 North Michigan Avenue, Chicago, IL 60611, USA, la mystérieuse adresse qui était marquée sur la première feuille que Monsieur de Richebourg lui avait remise. Il s'agissait probablement de l'appartement de son père. Il n'avait pas été présent lors de son enfance et aujourd'hui il lui léguait un appartement à Chicago. Pol se dit à lui-même que c'était peut-être une façon de rattraper ses erreurs de père absent.
Quoi qu'il en soit il avait hâte de découvrir cet appartement dans cette ville qu'il ne connaissait qu'à travers les films américains. Chicago, ses gangsters, ses hauts gratte-ciels, ses nombreux ponts enjambant la rivière du même nom et ses rues sombres où les plaques d'égout laissent passer une curieuse vapeur d'eau, voilà à peu près la représentation qu'il se faisait de cette ville. Ces pensées lui donnaient envie de traverser l'Atlantique sur le champ pour découvrir si tout ça n'était que des clichés ou bel et bien la réalité. Mais il avait signé pour son travail et il se voyait difficilement en trouver un autre dans un pays où il ne connaissait personne, du moins pour le moment.
Il voulait vivre quelque temps à Paris avant d'envisager un quelconque voyage, et cette ville allait être parfaite pour lui permettre de s'épanouir. Il avait trouvé un travail de coursier et une petite chambre à louer sous les combles d'un immeuble du XXème arrondissement, et espérait que son salaire lui permettrait au moins d'en payer le loyer.
Il partirait la semaine suivante et le simple fait d'y penser le remplit de joie même si le stress du départ commençait doucement à arriver. Il avait attendu ce moment pendant tellement longtemps qu'il n'y croyait pas encore.
Celle-ci passa rapidement, et Pol prépara sa valise pour déménager le dimanche. Le moment venu, il descendit son énorme valise et dit au revoir à toute la famille.
Il s'éloigna ensuite pour aller prendre le train qui devait l'emmener là où son avenir se dessinait.
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Un Regard Sur Michigan
Mystère / ThrillerPol, un jeune fêtard débarquant à Paris avec quelques rêves dans les bagages, reçoit de son père disparu un mystérieux héritage. Attiré par les délices faciles de la vie, il choisira pourtant de partir découvrir ce qui se cache derrière les lignes d...