Chapitre VIII - Urgence

2 0 0
                                    

Il se souvint vaguement d'un bruit de sirène et de plusieurs personnes présentes autour de lui, qui discutaient. Etait-ce pour l'achever ou pour le soigner ? Ses pensées se perdirent et il finit par s'évanouir.

Il se réveilla enfin, comme après une mauvaise nuit. Une salle blanche et bleue clair, une perfusion, une fine blouse ouverte en guise de pyjama, il était allongé dans un lit d'hôpital. Il ne savait pas quel jour ni quelle heure il était mais dehors le quartier lui était familier. Il devait être à l'hôpital Saint-Louis près duquel il avait dû avoir son accident. Au bout d'un quart d'heure une infirmière passa la tête dans l'ouverture la porte et lui sourit.

- Bonjour jeune homme, vous êtes enfin réveillé ! Vous avez dormi plus de 20 heures ! Vous avez eu de la chance, vous n'avez que quelques méchantes égratignures mais rien de cassé. Votre casque vous a sauvé la vie, lui dit-elle.

Pol n'avait pas encore fait l'inventaire de ses dégâts corporels, mais une douleur le gênait à la jambe droite. Il souleva ses draps et put voir que tout son côté droit était protégé par une série de grandes compresses et d'un grand bandage. Son coude droit était couvert de la même façon. De précédents bandages, tachés voire imbibés de sang sec, étaient encore roulés en boule dans la poubelle qui n'avait pas été vidée.

- Ah oui, de méchantes égratignures... soupira-t-il. Je ne me souviens plus de rien, pouvez-vous m'en dire plus ? demanda-t-il à l'infirmière.

- Vous vous êtes fait renverser par un bus vers la station Belleville. Le chauffeur sera heureux d'apprendre que vous allez mieux.

- Aller mieux... plus ou moins. Une voiture me suivait, c'est à cause d'elle que je n'ai pas pu respecter la priorité.

- Alors ça il faudra voir avec la Police, vous pouvez toujours essayer de leur raconter ça, des fois ça passe...

- Non mais je vous assure c'était même une Chrysler, avec une plaque verte, et des vitres teintées ! Elle a essayé de me rentrer dedans, les mecs sont des cinglés ! se défendit Pol avec confusion. Ils avaient déjà essayé de me renverser l'année dernière quand j'étais sur mon scooter ! Pas celui-là, un autre que j'ai à Langres, là où habite ma famille d'accueil, une vespa mais j'ai dû m'en racheter un autre parce que coursier en vélo c'était fatigant et, oui au début j'utilisais un vélo pour...

- Mais oui d'accord je vous crois, coupa l'infirmière avant de quitter la chambre en ajoutant pour elle-même: "Il a une imagination débordante ce gamin."

Pol ressentit une profonde frustration. Il avait failli être tué par ces mystérieux poursuivants, un bus lui avait sauvé la vie en l'envoyant à l'hôpital et la première personne qu'il voyait en se réveillant ne croyait pas un mot de ce qu'il disait. Il n'avait même pas eu le temps de demander combien de jours il devait rester dans cet hôpital. Un médecin vint le voir le soir pour lui expliquer le déroulement de son séjour :

- Qu'entendez-vous par « séjour » ? demanda Pol, fébrile.

- Il faut que vous restiez ici environ une semaine, le temps que les plaies cicatrisent, lui annonça le médecin.

- Une semaine ? Mais je suis censé n'avoir que de petites égratignures non ?

- Tout le côté droit de votre corps a glissé sur plusieurs mètres, et vos vêtements ne vous ont pas protégé, votre peau a donc été brûlée sur une sacrée surface, c'est pourquoi il faut que ça cicatrise pendant une semaine. Mais vous verrez ça passera vite ! conclut-il.

Pol comprit après coup que c'était de l'ironie, puisque le lendemain fut interminable. La télévision était bloquée sur une seule chaîne qui ne passait que des jeux de question-réponse, et il était seul dans sa chambre.

Il pouvait un peu marcher dans le couloir mais il avait du mal à plier la jambe sans ressentir la douleur de sa peau meurtrie à chaque fois qu'elle était étirée. La soirée fut tout aussi ennuyante, passée à lire de vieux Paris Match et quelques Closer récupérés dans la pile de la salle d'attente. Quant à la nourriture c'était celle d'un hôpital bien entendu, donc un plateau-repas dont l'humilité était tout à fait justifiée. Le bâtiment était relativement calme surtout le soir après 21h quand toutes les personnes âgées avaient enfin pris leur somnifère. Vers minuit Pol éteint les lumières et essaya de s'endormir, mais il n'y arrivait pas. Il pouvait entendre parfois des infirmières passer à la hâte dans le large couloir avant de s'éloigner.

Alors qu'il commençait à s'endormir dans sa chambre plongée dans l'obscurité, il entendit le bruit d'une poignée qu'on tourne discrètement. Il regarda la porte de sa chambre et son cœur s'accéléra instantanément. Aux pieds de la porte, là où d'habitude il peut voir une ligne de lumière émaner du couloir, il pouvait voir que cette ligne était interrompue par deux fois. Quelqu'un était juste derrière la porte et s'apprêtait à entrer. Mais les infirmières n'entraient jamais dans les chambres à cette heure-ci, et encore moins en prenant soin de ne faire aucun bruit. Pol pensa à ceux qui avaient voulu le tuer, étaient-ils de retour dans cet hôpital pour terminer le travail que le bus leur avait empêché d'accomplir ? Il coupa son souffle, réfléchissant à toute vitesse à ce qu'il devait faire si la personne entrait. Il n'avait aucune issue, il devrait donc faire face comme il le pouvait. Mais la porte ne s'ouvrait pas, personne n'entrait bien que les deux ombres des jambes entravaient toujours la lumière. Enfin Pol entendit dans le couloir deux infirmières qui se rapprochaient en discutant, et l'ombre derrière la porte disparut.

Pol ne dormit pas de la nuit, trop stressé à l'idée que quelqu'un puisse venir le tuer dans son sommeil, et trop occupé à s'imaginer de quelle façon son meurtrier s'y prendrait. L'étouffer avec un oreiller ? Une balle en pleine tête ? Défenestré de force pour faire croire à un suicide ? Étranglé avec ses compresses sales ? Son imagination tournait à plein régime, et cela se fit sentir le lendemain où il dormit une bonne partie de la journée.

Les infirmières passaient souvent le voir, ce qui l'empêchait d'enchaîner plus de vingt minutes de sommeil à chaque fois, d'autant plus qu'elles se montraient relativement désagréables avec lui. Ça commençait à l'agacer et il comptait bien leur faire comprendre qu'il ne souhaitait plus être dérangé. Après une énième visite, quelqu'un frappa à nouveau à sa porte :

- S'il vous plaît arrêtez de venir me faire chier! J'y arrive très bien seul ! s'exclama-t-il, à bout.

La porte s'ouvrit et une des infirmières désagréables entra :

- Il va falloir être un peu plus poli jeune homme ! Je vous amène une petite nouvelle qui va s'occuper de vous.

Elle n'était pas seule, une jeune infirmière passa devant elle et se présenta :

- Bonjour Monsieur Bralet, je m'appelle Anna et je fais mon stage de médecine dans ce service. On m'a demandé de m'occuper de vous.

Elle était magnifique.

Un Regard Sur MichiganOù les histoires vivent. Découvrez maintenant