Chapitre 2

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Stiles n'avait pas prononcé un mot de tout le trajet mais son comportement avait été pour le moins éloquent : des tics nerveux, il en avait eu. Le plus flagrant aux yeux d'Isaac, ça avait été sa manière de cligner les yeux. Il l'avait fait rapidement et de nombreuses fois, c'était impulsif et compulsif. Aussi, son doigt avait régulièrement tapoté le bord du volant usé de la Jeep et Stiles s'était souvent mordu la lèvre inférieure. S'il avait assuré à Isaac, en démarrant le moteur, que tout allait bien, le loup savait que la réalité était toute autre et pas seulement parce que son cœur l'avait trahi. Son odeur, ses tics, l'expression tendue de son visage : tout parlait pour lui. Si les mots ne passaient pas la barrière de sa bouche, sa tension extrême le faisait. Au mieux, il était sous le choc, au pire, il ressassait. Si Stiles n'avait, au départ, montré qu'une grande incrédulité à l'entente de la proposition de l'homme, sans doute avait-il fini par comprendre la portée et l'indécence de la chose. Isaac n'en avait aucun doute. Stiles était intelligent et il avait souvent une longueur d'avance, à l'instar de Lydia. Ces deux-là formaient la paire et composaient la partie « cerveau » de la meute. Ne pas les écouter, c'était risquer le suicide lors de missions à caractère surnaturel.

Stiles se gara devant le loft, un peu abruptement selon Isaac, qui se garda bien de le lui dire. Il était dans ce genre de situation où il ne voyait pas pourquoi il irait lui faire la remarque alors qu'il n'était clairement pas dans son état normal. En fait, il ne savait même pas quoi lui dire, comme si chaque mot qu'il pouvait potentiellement prononcer jetterait un froid entre eux. Même si Isaasc n'était fautif en rien dans cette histoire, c'était l'impression que cela lui donnait. Stiles était, à l'heure actuelle, un mur.

Isaac sortit de Roscoe les lèvres serrées, ne sachant s'il devait laisser Stiles repartir ainsi ou s'il pouvait lui dire au revoir. Le saluer n'était pas un drame, si ? D'ordinaire, le bouclé pouvait plus ou moins toujours prévoir la réaction approximative que pouvait avoir Stiles, mais pas cette fois. La surprise le prit lorsqu'il vit l'hyperactif sortir de son épave à son tour. La portière claqua et il verrouilla la voiture avant de lever un regard qui se voulait inexpressif vers Isaac.

- Je monte avec toi, je dois récupérer un truc chez Derek, dit-il simplement.

Isaac hocha la tête mais fut incapable de lui répondre même un simple « ok ». Il ne savait pas quoi penser de tout ça. Que pouvait-il dire ? Avait-il le droit d'essayer de le rassurer, de parler de cet incident avec lui ? Le visage fermé de Stiles l'en dissuada. Il ne voulait pas en discuter, pas tout de suite en tout cas. Plus tard, peut-être ? En attendant, il suivit Stiles qui, loin de l'attendre, marchait déjà en direction de l'entrée de l'immeuble. La montée de quelques étages qui les séparaient du loft fut longue, tout simplement parce qu'à l'intérieur de l'ascenseur, Stiles garda le silence. Isaac trouva que cela ne lui allait pas. La parole était la marque de fabrique de l'hyperactif, alors le voir garder la bouche close était diablement troublant. Mais il le comprenait : Stiles était on ne peut plus perturbé, il ne pouvait pas lui en vouloir.

C'est Stiles qui toqua à la porte du loft qui s'ouvrit quelques secondes plus tard sur un Derek au sourcils froncés. Sans rien dire, Stiles passa à côté de lui, ne lui jeta pas un seul regard et s'enfonça dans un des petits couloirs du loft. Perplexe, Derek ne chercha même pas à le rabrouer, ni même à le retenir et se contenta d'écarquiller les yeux. Il se tourna vers Isaac, qui souffla :

- Apparemment, il a un truc à récupérer chez toi...

Derek hocha la tête, même s'il ne voyait pas vraiment ce que l'hyperactif pourrait avoir oublié chez lui – il venait régulièrement à cause des réunions de meute récurrentes, mais tout de même. Pantois, il ferma la porte derrière Isaac qui alla déposer ses quelques affaires au milieu du salon. Le bouclé n'avait pas l'air surpris, plutôt inquiet et son expression tendit l'ancien alpha. Stiles revint rapidement, un livre à la main. A la couverture que Derek entrevit brièvement, il en déduit que l'hyperactif comptait se tuer à faire des recherches sur d'innombrables phénomènes surnaturels et créatures s'y reliant. Alors qu'il se dirigeait déjà vers la porte sans intention de dire au revoir – à ce qu'il semblait –, Derek se sentit obligé de lâcher :

- N'y passe pas la nuit.

C'était sa manière à lui de lui faire signifier qu'il s'inquiétait. A savoir si Stiles allait capter le message. D'ordinaire, il esquissait un sourire de vainqueur qui s'adoucissait lentement, jusqu'à montrer qu'il appréciait l'intention. Il avait mis du temps à gagner l'attention de son petit Sourwolf : et même s'il n'y avait rien d'autre entre eux que de l'amitié, c'était déjà beaucoup pour lui.

Là, Stiles se contenta d'un léger regard perturbé mais froid et d'un haussement d'épaules. Sans un mot, il fit grincer l'immense porte et disparut dans l'ascenseur.

Lorsqu'il s'en fut allé, Derek reporta son attention sur Isaac qui le regardait d'un air contrit. Presque aussitôt, l'ancien alpha lui demanda ce qu'il s'était passé durant leur petite sortie – oui, il était au courant. Il alla même jusqu'à l'interroger sur une hypothétique relation ayant conduit à une dispute ou quelque chose de ce genre. En fait, c'était la première fois qu'il voyait Stiles aussi silencieux et froid alors forcément, il se sentait obligé de s'y intéresser, parce que c'était inhabituel. Le silence de l'hyperactif était aussi rare qu'une invasion de créatures surnaturelles – c'était effectivement rare depuis quelques mois, la ville était plutôt tranquille. Isaac eut l'air gêné, sincèrement gêné. Enfin, il finit par ouvrir la bouche :

- Le problème est... Extérieur, disons. Entre Stiles et moi, il n'y a rien.

Il s'était senti comme obligé de préciser ce détail, histoire de ne pas créer d'ambiguïté. Puis, sincèrement, Stiles n'était pas son genre. Il était mignon, adorable, mais un autre homme un peu plus mature avait capturé son cœur bien des semaines plus tôt. L'hyperactif restait pour lui un frère, un parent, une sorte de maman. La maman de la meute.

- Un homme est venu à notre table et il a... Je crois qu'il a mal interprété certaines choses.

Derek croisa les bras sur son torse. Il écoutait religieusement Isaac et attendait la suite, désireux de comprendre ce qui avait pu mettre l'hyperactif dans un tel état de froideur qui cachait beaucoup de choses. Une forme de souffrance, notamment, couplée à une indignation et à une véritable surprise. Si Derek n'était plus un alpha, il avait gardé son odorat encore plus développé que celui d'un bêta normal.

- Je sais que Stiles est un peu embêté financièrement en ce moment alors j'ai décidé de lui offrir son bubble tea. Je savais dès le départ que j'allais le lui payer. On allait partir. Stiles avait décidé de m'amener chez toi plutôt que de me laisser venir à pied. Cet homme est arrivé et il lui a demandé... Combien c'était pour l'heure.

Isaac prononçait ces mots avec gêne, parce que c'était gênant. Il ne voulait pas et ne pouvait pas associer ces mots à son ami qui n'était pas... Il n'allait pas continuer cette phrase dans sa pensée. Ni oralement.

- Ensuite, il a posé un billet de cent dollars sur la table et lui a demandé si c'était suffisant pour une heure...

Derek haussa un sourcil et son regard changea rapidement alors que l'information faisait tout de suite sens dans son esprit. Par la suite, Isaac lui expliqua qu'il avait pris Stiles avec lui pour l'emmener loin de cet homme étrange qui avait plus que mal interprété leur relation. Qui l'avait souillée. Pervertie. En quelques secondes. Isaac s'en voulut même pour ne pas bien avoir compris sur le moment, si bien que Derek le rassura à sa manière, avec des phrases courtes, des mots simples, un peu abrupts, les mots de ce grand-frère qu'il aurait dû avoir. De son côté, l'ancien alpha cacha son véritable ressenti et se promit de parler à Stiles, plus tard. D'abord, il le laissait digérer, sachant très bien que chercher à lui parler tout de suite ne servirait à rien et n'aurait d'autre résultat que de le brusquer. A force, il commençait à le connaître : lorsque quelque chose arrivait, Stiles attendait toujours un moment avant de parler. Et ça, c'était lorsqu'il le faisait. Toutefois, il était si perturbé que Derek était d'avis qu'il faudrait revenir sur ce sujet d'ici un jour ou deux, le temps que ça se tasse dans sa petite tête d'hyperactif. Alors, il tranquillisa Isaac et s'en alla démarrer la vieille console qu'il ne gardait que pour le plaisir du bouclé, qui aimait beaucoup y jouer. C'était sa manière à lui de le soutenir et de l'aider à se détendre. Isaac adorait les jeux-vidéo et avait longtemps tanné Derek pour ressortir ses vieux jeux du placard pour en profiter encore un peu. Tant qu'ils marchaient... Autant les utiliser de temps en temps.

De son côté, Derek garda le visage constellé de grain de beauté de l'hyperactif à l'esprit. Il lui parlerait, c'était certain.

Le seul problème, c'était de savoir s'il s'y prendrait à temps.

La chute de l'étincelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant