Chapitre 18

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Stiles avait toujours eu des difficultés à passer des nuits tranquilles. Souvent à cause de son cerveau, d'ailleurs : il avait tendance à laisser celui-ci s'emballer, déballer toutes ses idées et envies pour les jours prochains. Passait souvent dans ce chaos organisé un petit film de sa journée, que Stiles se refaisait parfois en imaginant comment il aurait pu corriger tel ou tel moment, de sorte à le rendre plus agréable à ses yeux. Il s'agissait pour lui d'une façon d'occuper son esprit, de le calmer pour le préparer justement à s'éteindre momentanément, laisser la plus grande place possible au sommeil dont son corps avait toujours tant besoin.

Cette nuit-là, c'est ce jour infernal qu'il se refit en boucle. La seule alternative qu'il avait trouvée ? Ne pas sortir du lycée pour aller se chercher un petit quelque chose à manger. Voilà son erreur, une si stupide et minuscule erreur... Qui ne lui avait jamais causé aucun tort jusqu'à présent. Il se repassait le film de ce moment dans sa tête, presque sans arrêt...

... Ce qui n'empêchait pas le reste de se rappeler à sa mémoire écorchée vive.

Mais Stiles faisait une fixette sur la façon dont on l'avait enlevé, comme pour se concentrer sur le moins douloureux de cette journée cauchemardesque, le moins sanguinolent. A ce moment-là, seule la peur dominait : oui, la peur de ne pas savoir ce qui allait lui arriver, où on l'emmenait... Ce que cet homme, qu'il n'avait pas tout de suite reconnu, désirait lui faire. Dans son véhicule, il lui avait beaucoup parlé... De cette obsession sordide qu'il avait développée le concernant et sa lucidité quant à ce fait. Il avait clairement conscience de sa déviance mais ne ressentait pas la moindre envie de s'en détacher.

Il avait décidé qu'il le voulait lui, Stiles Stilinski, et qu'il n'en serait pas autrement.

Et Stiles ne s'expliquait pas ce qu'il s'était passé. Disons qu'il en avait eu une vague idée et s'était retrouvé complètement paralysé, incapable de se protéger si l'idée en question devenait réalité... Mais il s'était passé autre chose.

L'homme lui avait dit ne pas vouloir se presser, désirer attendre le bon moment et, en attendant... De le rendre intouchable. De le marquer à sa manière tout en lui donnant un aperçu de ce dont il était capable.

Stiles serra de ses mains tremblantes cette couette qui lui tenait trop chaud mais qu'il avait à cœur de ne pas repousser. Il préférait la chaleur au froid de la chambre, qu'il trouvait glacial. Et le froid, ça lui rappelait l'endroit dans lequel il avait été si brièvement détenu mais qui, déjà, s'était imprégné en sa chair et son esprit. Son âme, elle s'en retrouvait entachée, salie de rouge et de suie. Aurait-il préféré qu'il se passe autre chose, ce à quoi il s'attendait ? Rien n'était certain, ni moins sûr. Dans tous les cas, c'était et ç'aurait été l'enfer. Il ne savait même pas s'il serait capable de se relever après ce qu'il avait vécu, encore moins s'il en avait les moyens psychiques. Les évènements les plus récents de sa vie – liés à cet homme, d'ailleurs –, l'avaient déjà passablement affaibli. Autant dire qu'il se retrouvait désormais mentalement sans défense. Si l'on parlait physique et concret, il était dans un tel état qu'il ne pouvait pas assurer sa propre protection – quoiqu'il n'aurait pas pu faire grand-chose, sinon se montrer le plus prudent possible.

Disons que la seule chose qui le rassurait dans tout ça, c'était de se savoir au loft, en sécurité, étroitement surveillé par un loup-garou particulièrement dangereux – ancien alpha de son état. Il ne voyait pas comment, de cette façon, l'homme pourrait à nouveau s'en prendre à lui. Si Derek avait pu sentir son odeur édulcorée dans sa chambre... Il ne manquerait pas de remarquer sa présence à la seconde où il tenterait de pénétrer à l'intérieur de ce grand appartement.

En ce qui concernait tout le reste, Stiles se sentait bien moins positif, optimiste ou rassuré. Il avait l'impression d'avoir été, quelque part, détruit. Plus que son corps, c'était son âme que l'on avait dégradée. Son agresseur avait eu beau ne rien faire d'autre que de s'amuser à le faire saigner, il n'avait pas créé que des plaies physiques. Et c'était sans doute ça, le plus gros problème.

Stiles avait toujours eu des complexes par rapport à son corps... Des ressentis par rapport à ce qui lui déplaisait et qu'il cachait à autrui, par simple besoin de ne pas se compliquer la vie en se rajoutant des soucis. Mais il n'était jamais allé jusqu'à le haïr. Cette dépréciation avait vu son importance se décupler lorsque cet homme avait fait voler une partie de son innocence en éclat : il avait souillé sa dignité, changé la vision que Stiles avait de son propre corps. Avec ce qu'il lui avait fait, c'était encore pire.

Stiles se refusa à penser aux plaies qui parsemaient son torse, son dos et ses bras dans leur individualité. La globalité suffisait à le rendre malade, d'autant plus que son agresseur avait visé des endroits qui ne se voyaient pas, sans aller jusqu'à des frontières que l'hyperactif jugeait intimes. Il n'était pas allé près de son pantalon, ne s'était pas aventuré là où ses mots convergeaient pourtant. Mais c'était tout aussi fort, intrusif.

Violent.

Et Stiles ne cessait de ressasser, sentait à ces pensées sa gorge se serrer davantage.

Parfaitement réveillé, il entendit sans mal la porte de la chambre dans laquelle il se trouvait s'ouvrir et n'en fut pas surpris. Derek l'avait prévenu qu'il passerait régulièrement lui prendre sa douleur, y compris durant la nuit. Stiles, perturbé qu'il était par ses propres réflexions, n'y faisait pas attention. Sa tête lui faisait trop mal pour qu'il songe au fait qu'elle n'était pas la seule. Il tourna néanmoins légèrement la tête vers la porte entrebâillée, laquelle laissait entrer dans la chambre un rai de lumière suffisamment fort pour qu'il distingue sans mal la silhouette forte de son hôte. Ce qu'il eut en revanche du mal à comprendre, c'est la raison pour laquelle il n'entendait pas ses pas. Stiles savait pertinemment que Derek, en plus d'être quelqu'un de naturellement discret, avait la capacité de rendre ses déplacements presque entièrement silencieux. Mais ce détail, aussi bête et connu soit-il, le troubla.

- Tu es réveillé.

Stiles ne savait pas s'il devait interpréter cette phrase comme une question ou une affirmation tant le ton de Derek lui semblait indéchiffrable, mais le fait est que réfléchir à cela eut le mérite de reléguer ses réflexions au second plan. Momentanément, certes.

Stiles laissa Derek faire ce pourquoi il était venu, à savoir lui prendre cette douleur qu'il ne ressentait toujours pas vraiment à cet instant. Sa gorge, toujours atrocement serrée, lui fit comprendre qu'il ne pourrait pas prononcer le moindre mot de sitôt... Et l'hyperactif se persuada que ce n'était pas grave et que de toute façon, il n'avait rien à dire. D'un autre côté, son odeur parlait pour lui. Il fit cependant au mieux pour réprimer la vague de honte qui le submergea lorsque Derek retroussa quelque peu sa manche pour se saisir, avec une extrême délicatesse, de son poignet que l'on avait légèrement débandé par avance, de sorte à ce que sa douleur puisse lui être prise n'importe quand. Mais cette précaution, aussi utile soit-elle, ne plaisait pas à Stiles. Il... N'aimait vraiment pas l'idée que certaines plaies soient visibles. S'il ne les avait jamais réellement vues à proprement parler, il avait malgré tout une idée un peu trop précise de leur forme. Il les savait moches, nombreuses, trop profondes à ses yeux.

Il ferma les siens et subit la prise de douleur... A tel point que cette pratique, censée le soulager de ses maux physiques, prenne fin au plus vite. Son visage se crispa comme si elle lui faisait mal.

Et Derek, au-dessus de lui, ne put rien faire d'autre que détourner le regard, impuissant à soulager ces souffrances-là.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 25 ⏰

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