Chapitre 15

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Stiles se sentait lourd... De mémoire, jamais il n'avait eu à témoigner de pareille sensation – pas à ce point-là, en tout cas. Autour de lui, il y avait du bruit... Un peu, pas beaucoup. Il le percevait de façon déformée, ne l'entendait pas à proprement parler. C'était flou, difficile à décrire tant certains sons étaient étouffés, au contraire d'autres, qui lui paraissaient un peu trop forts. Ce petit manège, loin d'être agréable pour lui, le poussa à sortir petit à petit du sommeil dans lequel il avait l'air d'avoir été plongé. Et malgré son éveil graduel, Stiles se sentait épuisé, mais pas... Pas comme il avait pu l'avoir déjà été. Cette fatigue-là, elle était étrange. Vraiment lourde, pesante. Anormale. Il bougea un peu ses doigts, fronça les sourcils en constatant qu'il avait du mal : commença alors à tenter d'ouvrir les paupières et peina tant à le faire que l'angoisse apparut. D'abord née au creux de son ventre, elle se diffusa à l'intérieur de son corps... Et le fit se sentir mal, comme à l'étroit dans ce corps qui n'avait pas retrouvé toutes ses sensations.

De sa bouche sortit alors un souffle tremblant, le genre de souffle qui traduisait son état psychique à l'heure actuelle. Il comprenait une confusion certaine, une peur presque primitive et un besoin irrépressible de bouger pour reprendre possession de soi-même. Les souvenirs n'étaient pas là, pas encore, mais Stiles se faisait confiance à ce sujet-là : ils reviendraient au compte-goutte. Ils revenaient toujours, qu'il s'agisse des bons ou des mauvais, que ce soit au bon ou au mauvais moment... Alors oui, toujours.

Mais voilà, Stiles s'impatienta, s'efforça de reprendre le contrôle de son corps le plus rapidement qu'il le put. Il avait ce besoin presque primitif de vouloir avoir le dessus en cas d'urgence... Tout en sachant que c'était impossible. Le temps de se réveiller complètement était et serait assez long pour permettre à quiconque voudrait lui faire du mal de s'en donner à cœur joie...

... En laissant glisser la lame d'un couteau sur sa peau, par exemple.

Stiles se raidit violemment tant les images l'assaillaient à une vitesse prodigieuse, comme s'il s'agissait de l'ordre naturel des choses. Se réveiller, se rappeler. Cette fois-ci, ses doigts agrippèrent quelque chose avec force – les draps qui le recouvraient. Et ils les serrèrent. S'il percevait certains bruits extérieurs, il n'entendit pas ses propres gémissements, qu'il poussa de façon si faible qu'ils étaient presque inaudibles. Pourtant, il n'avait pas mal... Mais peur, oui. En lui, c'était la terreur qui dominait, jouant au coude à coude avec le choc, cet état qui ne passait pas.

Mais soudain, une caresse. Répétée, sur son front. Une caresse douce. Et des mots, qu'il eut du mal à entendre mais dont la voix leur fit tout de même prendre un certain sens. Stiles comprit ainsi qu'on essayait de le rassurer, et il sut qu'il n'était pas seul.

Cela n'empêchait toutefois pas cette terreur primitive de continuer à vivre en lui. Lorsqu'il réussit à ouvrir les yeux quelques minutes plus tard et qu'il se rendit compte qu'en plus de caresser son front, l'on avait pris sa main droite pour l'empêcher de serrer davantage les draps de ce côté-là... Stiles eut un souffle tremblant. Regarda son père avec peine – il y avait trop de lumière et ses yeux lui paraissaient trop clairs.

Au départ, il ne comprit rien. Ni sa présence auprès de lui, ni son installation étrange, cette odeur de stérile que son nez humain pouvait percevoir... Pas plus que la présence de ces murs blancs qui, à eux seuls, ne faisaient qu'accentuer cette impression de lumière trop vive qui lui agressait la rétine. Ainsi, il referma les yeux à plusieurs reprises avant de les rouvrir, assailli par ces images teintées de pourpre. Extrêmement fraîches, il ne les oublierait pas de sitôt. Mais il avait effectivement besoin qu'on le rassure... Et Noah s'y attela en faisant preuve de patience – autant qu'il le pouvait. Il n'avait pas besoin de sens lupins pour notifier l'angoisse notoire de son fils. Elle transpirait par tous les pores de sa peau, dans son regard complètement alarmé, dans ces pauvres gémissements plaintifs qu'il avait poussés... Dans toute la détresse que lui renvoyait l'intégralité de son être. Alors, l'expression de Noah devint plus sombre et il parla un peu moins fort, mais d'un ton qui fit instantanément comprendre à Stiles qu'il ne lui parlait pas à lui.

- Papa... ? Articula-t-il péniblement d'une voix brisée.

Noah le regarda à nouveau, bougea les lèvres. Stiles ne comprit rien, le regarda d'un air confus. Il eut droit à un sourire – peu sincère, mais qui se voulait rassurant. Quelques instants plus tard, un bruit supplémentaire – mais toujours flou. La tête de... Melissa McCall apparut dans son champ de vision. Elle aussi lui fit ce sourire un peu perturbant, tout en lui prenant l'autre main – elle aussi crispée sur le drap. Que se passait-il ? Pourquoi n'arrivait-il pas à entendre correctement ? Pourquoi les couleurs étaient si vives, dans son champ de vision ? Pourquoi la moindre lumière semblait-elle capable de l'aveugler ? Pourquoi... On le redressa sans qu'il s'y attende. Sa tête tourna. Il souffla un mot incompréhensible et le haut de sa tunique disparut... Il eut froid mais, très vite, on lui fit enfiler quelque chose – un pull. Il ne comprit pas, se laissa faire par la force des choses en se demandant ce qu'il se passait, sans avoir la force d'articuler quoi que ce soit de plus. Le débarrassa des couvertures, des draps et ses jambes se retrouvèrent rapidement nues, à la merci de l'air frais de la chambre. Stiles frissonna, ferma les yeux et lorsqu'il les rouvrit, un tissu gris assez épais partait de ses chevilles pour arriver à sa taille. Un pantalon de jogging, facile à enfiler. On l'avait bougé, manipulé... Sans qu'il ressente la moindre douleur, sans qu'il comprenne un traître mot de ce qu'il entendait, sans qu'on tente, par extension, de lui expliquer quoi que ce soit... Stiles chercha alors du réconfort dans la voix de son père, dans son visage rassurant.

Il n'y trouva que froideur et sérieux. Ne comprit pas. Chercha des réponses dans son regard qui ne faisait plus rien d'autre que l'éviter. Il s'activait, parlait à Melissa et à Derek, que Stiles ne remarqua qu'à cet instant précis. S'il se questionna sur sa présence ici ? Bien évidemment, mais le nombre d'interrogations qui le taraudaient était si grand que la nouvelle n'eut pas autant d'impact que les autres. Elles étaient toutes beaucoup trop... Envahissantes et Stiles se sentait beaucoup trop faible pour non seulement y réfléchir, les poser et entendre chacune des réponses qui pourraient le soulager. A côté de cela, il y avait sa faiblesse, sa confusion on ne peut plus nette...

... Et cette impression de solitude qui, déjà, le bouffait. On l'avait changé, on s'occupait de lui... Tout en l'ignorant, en n'ayant pas l'air de faire réellement cas de sa présence. Stiles voyait le monde dans la chambre s'activer, s'égosiller, bouger dans tous les sens, préparant il ne savait quoi, sans qu'il puisse être en capacité d'écouter ou de comprendre ce que l'on pouvait bien lui dire. Il entendait sans réellement entendre tant chaque son qu'il percevait était flou.

Noah se positionna devant lui, encore. Lui prit les mains. Stiles vit ses lèvres bouger, son air on ne peut plus sérieux s'ancrer davantage sur son visage ridé. Son regard froidement intense, quant à lui, ne le lâchait pas. L'hyperactif se demanda ce qu'il essayait de lui dire, mais ne réussit pas, malgré ses efforts, à comprendre le moindre de ses mots. C'était un peu... Comme si ses oreilles étaient bouchées. Complètement bouchées. A côté de cela, la lumière de la chambre lui brûlait la rétine.

Et puis des mains se posèrent sur lui, l'attrapèrent. L'une d'elle vit ses veines noircir alors que Stiles se rendait compte... Qu'il ne ressentait pourtant pas la moindre douleur, du moins... Il n'en avait pas l'impression. Mais une fatigue familière le gagna et ses yeux voulurent se fermer – l'humain résista. Il avait besoin de savoir ce que l'on voulait faire de lui... On le souleva et un instant le plus tard, il perdit connaissance, comme si son corps ou sa tête avait considéré sa conscience trop épuisée pour l'instant... Et décidé de la mettre au placard pour un temps donné.

Melissa soupira et attacha les sangles adéquates, de sorte à ce que Stiles ne puisse tomber du fauteuil sur lequel on venait de le déposer. Elle lança un regard inquiet à Noah, dont les doigts s'étaient d'ores et déjà enroulés autour des poignées en métal.

Le shérif se contenta d'un rapide signe de tête en guise de remerciement et laissa Derek Hale lui ouvrir la porte de la chambre.

La chute de l'étincelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant