Chapitre 13

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« Forêt. »

C'était avec ce mot qu'il l'avait retrouvé, baignant dans une flaque de branches et de feuilles mortes. Avec ce mot qu'il avait su où chercher... Et imaginer tant de scénarii qu'il aurait pu tuer le premier passant venu tant l'angoisse s'était mélangée à la colère, la fureur de savoir qu'il avait malgré lui manqué à son devoir. Qu'il s'était passé quelque chose.

Si les sens de Derek Hale étaient saturés par toutes les informations olfactives qui le submergeaient, il eut suffisamment de sang-froid pour agir correctement. Prendre Stiles dans ses bras, le porter jusqu'à sa voiture tout en lui prenant sa douleur. Elle n'était pas particulièrement forte mais... C'était comme si elle était partout, comme si elle traversait l'intégralité de son corps.

Pour être franc, Derek n'avait pas réfléchi. Sur le moment, il avait fait ce qui avait semblé le plus juste et le plus honnête. Cela s'était d'abord traduit par un appel au shérif pendant qu'il conduisait l'hyperactif à l'hôpital de la ville. Puis, il avait rapidement envoyé un message à Isaac pour le prévenir du fait qu'il avait retrouvé Stiles... Sans lui préciser son état. Pour lui, ce fait n'entrait pas dans la catégorie de ses priorités – à raison.

Et maintenant, il attendait, marquait la salle d'attente par son immobilité et son expression des plus fermées. Le shérif l'avait rejoint il y a peu, après avoir donné certaines directives à Melissa McCall, qu'il savait de garde en ce jour. Si l'appel de Derek l'avait autant surpris qu'horrifié, il avait suffisamment de neurones et de sang-froid pour ne pas lui cracher toute sa colère à la figure. Certes, Stiles était sous sa responsabilité, mais... Ce qu'il s'était passé avait eu lieu alors que l'hyperactif était au lycée, là où il était censé rester. En cela, Noah allait devoir avoir une conversation avec Isaac, Lydia et Scott, ceux qu'il savait le plus proche de son fils. Une chose était toutefois certaine : Noah n'avait plus l'intention de prendre le moindre risque.

Dans la salle d'attente, vide de toute présence sauf de la leur, sa voix grave se fit entendre :

- Je ne veux plus qu'il aille au lycée jusqu'à nouvel ordre.

Derek ne répondit rien mais hocha la tête. Noah n'avait même pas besoin de le lui dire puisqu'il avait lui-même pris cette décision de son côté. Si l'agresseur de l'hyperactif avait pu s'introduire dans le lycée après cette fois-là où il avait déposé quelques petites choses dans la chambre de Stiles... Mieux valait prendre de plus grandes précautions.

- Je sais qu'au loft, il ne lui arrivera rien... A la condition que tu restes avec lui.

Par cela, Noah entendait en permanence. Si Derek devait s'aviser de sortir du loft, ce serait en emmenant Stiles avec lui. Nouveau hochement de tête. Il était clair que le loup-garou s'en voulait. Cependant, il ne se laissait pas submerger par la culpabilité : il se devait d'être alerte et continuait de réfléchir activement à tout ce que son odorat lupin avait perçu.

Il avait emmené Stiles aux urgences de l'hôpital, pour la simple et bonne raison qu'il avait senti sur lui une forte odeur de sang. S'il n'avait pas cherché à savoir d'où provenait précisément l'effluve, c'était parce qu'il l'avait embaumé de loin, comme si les blessures de Stiles étaient multiples. A côté de cela, Noah avait expressément demandé à Melissa de faire en sorte que l'équipe fasse passer des examens supplémentaires à son fils. Des examens en profondeur.

Car Derek avait senti une autre odeur. Celle qu'il avait sentie dans sa chambre la fois où Stiles lui avait demandé de venir. Elle était là, partout, sur ses vêtements. Et il craignait le pire, d'autant plus... Qu'il avait trouvé Stiles dans un état de choc si puissant qu'il n'avait pas osé tenter d'en apprendre plus par lui-même. Tout ce qu'il avait fait, en plus de lui prendre sa douleur, ç'avait été de lui parler vaguement, de lui dire l'essentiel. Qu'il l'emmenait à l'hôpital, en sécurité, là où plus personne ne pourrait lui faire le moindre mal.

Il avait essayé de s'excuser, même si ce qui s'était passé n'était pas vraiment de sa faute. Alors oui, il avait essayé. Mais les mots n'étaient pas sortis. Là aussi, il s'en voulait.

- De mon côté, je vais faire monter l'affaire, fit Noah, et mettre davantage de monde sur le coup. Maintenant, on n'a plus affaire à une filature, mais à une agression.

Et le shérif n'avait pas la moindre intention de laisser passer ça. Si l'angoisse le prenait tout autant à la gorge de Derek si ce n'est plus, il faisait aussi au mieux pour prendre sur lui et attendre. Attendre de savoir ce qu'il s'était passé. Stiles n'était pas capable de s'exprimer ? Les examens qu'il aurait passés parleraient pour lui. Ainsi, l'on saurait ce que cette ordure lui avait fait. L'idéal serait toutefois que Stiles puisse leur parler rapidement. Il avait sans doute vu le visage de son agresseur et... Pourrait permettre à la police de Beacon Hills de faire un portrait-robot, quelque chose qui pourrait aider à son identification et ainsi, procéder à une arrestation le plus rapidement possible. Il s'agissait du scénario le plus optimiste. Dans les faits, l'on ne savait pas à quel point Stiles était atteint, à quel point ce qui lui avait été fait l'avait ébranlé, si ce n'est brisé. Pour l'instant, on ne savait rien – et la frustration était de mise. De son côté, Derek retenait juste son état de choc et cette odeur de sang qui semblait ne pas vouloir quitter ses narines, comme si elle s'y était incrustée de manière définitive. Il aurait pu regarder ce qu'il avait, retrousser ses manches ou bien relever son haut, mais... Il s'était dit que Stiles, s'il avait pu lui donner son avis de manière éclairée, n'aurait pas voulu. Et comme il n'avait pas été en état de le faire, eh bien... Le loup-garou s'était abstenu. Il l'avait fallu. Et maintenant, son cerveau tournait en rond avec ces questions-là, avec toute cette zone d'ombre bien opaque que seuls des examens médicaux pourraient éclairer.

- La meute est à votre entière disposition, finit par dire Derek.

Même s'il n'était pas l'alpha de ladite meute, c'était lui qui était là, lui qui savait, lui qui devait pour l'instant jouer ce rôle d'autorité par la force des choses.

- J'apprécie, Derek, répondit le shérif.

Des instincts et sens surnaturels ne seraient pas de trop dans cette affaire. Puis Noah ne comptait pas refuser la moindre aide qui pourrait se présenter à lui. Stiles était son fils, son bébé, la chair de sa chair et s'il lui était arrivé de se montrer négligeant à son égard, ce n'était jamais de façon volontaire.

En tous les cas, il fallait que les choses bougent : Stiles ne devait plus avoir à subir quoi que ce soit. Il fallait le protéger au mieux de ce malade qui était allé jusqu'à le kidnapper alors qu'il était censé être au lycée. Quelle idée aussi avait-il eue d'aller s'acheter à manger à l'extérieur au lieu d'aller avec ses amis ? De cela aussi, il discuterait avec l'hyperactif, une fois que celui-ci irait mieux – physiquement et moralement. Enfin, Noah pouvait comprendre la démarche, mais en ces temps incertains, il aurait été préférable qu'il demande à quelqu'un de l'accompagner. Certes, Stiles ne pouvait pas s'attendre à ce qu'un malade lui tende une embuscade pour l'enlever et... Le laisser partir. Ça aussi, c'était étrange. Trop précis pour être laissé au hasard. La démarche, inhabituelle par son déroulé, n'était pas à négliger.

- Shérif ? Hale ?

Les deux hommes tournèrent la tête d'un même mouvement vers Melissa, qui venait à leur rencontre.

- Suivez-moi, fit-elle d'un air pas très avenant.

Elle était tendue, le visage sombre, fatigué, l'odeur pleine d'émotions négatives. Si les deux hommes s'exécutèrent, Derek ne cessa d'analyser ce qu'il percevait. La mère de Scott était en général une femme lumineuse et positive par bien des aspects. Cette fois-ci, il n'y avait pas grand-chose de bien qui émanait d'elle – et cela lui laissa rapidement craindre le pire. La culpabilité le fit se taire et attendre de voir où elle les menait. S'il s'attendait à ce qu'elle les amène dans sa chambre, ce n'était pas le cas de la réalité : Melissa les fit tout bonnement sortir de l'hôpital. Elle s'arrêta à quelques pas de l'entrée et poussa un soupir.

Les deux hommes se regardèrent un instant et eurent la même pensée : celle que ce que risquait de leur dire l'infirmière n'allait définitivement pas leur plaire.

La chute de l'étincelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant