Chapitre 12

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Derek gara la Camaro à la place qu'il avait l'habitude d'utiliser : pas trop devant, mais suffisamment pour qu'on puisse l'apercevoir. A peine arrivé, il fronça les sourcils. Disons qu'à cette heure-ci, il devrait apercevoir une foule d'élèves, pas quelques petits groupes ici et là. Néanmoins, il ne s'en préoccupa pas plus que nécessaire et attendit tout simplement Stiles. Celui-ci avait coutume de sortir pile à l'heure, n'appréciant pas rester au lycée plus que nécessaire. Il était du genre à respecter à la lettre un horaire de cours. Ainsi, lorsque sonnait sa fin, Stiles ne restait pas une minute de plus. Fut un jour où il lui avait expliqué que, les professeurs étant à cheval sur l'heure à laquelle il fallait arriver, Stiles faisait de même concernant le départ du cours. On ne pouvait pas exiger de lui qu'il reste plus de temps que nécessaire dans la mesure où on lui faisait la morale sur les notions de respect et de ponctualité.

Et c'est en regardant l'heure quelques minutes plus tard que Derek en vint à se dire que quelque chose clochait. Un quart d'heure que Stiles devrait avoir pointé le bout de son petit nez, et il n'en voyait pas l'ombre. Derek décida alors de faire une chose simple mais qu'il détestait toutefois à un point inimaginable. C'est donc avec un agacement non feint qu'il porta son cellulaire à son oreille. Il écouta chacune des tonalités... Jusqu'à tomber sur le répondeur de l'hyperactif. Derek pesta contre lui : sans doute avait-il mis son téléphone en silencieux, au fond de son sac... Et en même temps, cela ne lui ressemblait pas vraiment. Ainsi, l'ancien alpha laissa son agacement s'envoler rapidement au profit de tout autre chose.

De l'inquiétude.

Ainsi, il réitéra, en appelant cette fois-ci Isaac. Quitte à appeler alors qu'il détestait les conversations téléphonique et tout effort oral en général, autant contacter quelqu'un avec qui il était plutôt à l'aise – ou qu'il supportait mieux que d'autres. Puis il y avait autre chose, qui rendait son choix plus crédible encore : Isaac et Stiles étaient dans la même classe, ils passaient donc un temps fou ensemble au lycée. Alors voilà, celui qu'il considérait comme son petit frère adoptif devait bien savoir où se trouvait l'hyperactif – peut-être même avec lui. De ce qu'il en savait, Isaac aimait bien inviter Stiles à sortir ici et là, c'était quelque chose qui les rapprochait amicalement et qui leur permettait de s'évader un peu de toutes les missions et évènements liés au surnaturel qu'ils avaient à affronter. Une chose était certaine, leur vie d'adolescents n'était pas de tout repos.

Par chance, Isaac décrocha rapidement – et exprima sa surprise quant au fait de recevoir un appel de celui qui l'avait mordu, avec qui il entretenait une excellente relation malgré leurs différences de caractère. De son côté, Derek ne petit pas de temps et s'empressa d'exposer sa demande, à savoir si Stiles se trouvait avec lui.

La réponse que lui donna Isaac ne le rassura pas le moins du monde.

- Non... Je ne l'ai pas vu depuis la fin des cours de ce matin. A midi, il voulait aller s'acheter quelque chose à manger.

Derek haussa un sourcil et n'apprécia pas l'idée que son protégé ait pu se retrouver seul, même pour une activité aussi banale que de prendre quelque chose à grignoter.

- Et il n'est pas revenu depuis ?

- Non, en fait... On n'a pas eu cours cet après-midi. Lydia et moi, on est vite revenus au lycée et on a eu une info comme quoi notre prof était absent, du coup... J'ai envoyé un message à Stiles pour l'informer qu'il pouvait directement rentrer chez lui.

Derek parcourut le campus du regard. L'inquiétude s'installa définitivement en lui et il décida, sans attendre, de révéler quelque chose à Isaac.

- Stiles vit chez moi depuis quelques jours, il n'est pas censé rentrer chez lui.

- Quoi ? Entendit le loup de naissance.

Disons qu'Isaac n'était au courant de rien, encore moins de ce fait. Noah et Derek avaient pris le parti de garder leur petit arrangement secret et de ce que l'ancien alpha constatait, Stiles n'avait pas jugé utile non plus d'en informer ses amis. Finalement, peut-être auraient-ils dû le faire. En tout cas, le sang de Derek ne fit qu'un tour.

- Isaac, prends ta voiture.

Derek démarra la sienne en trombe.

xxx

Stiles avançait sans trop savoir où il allait. Autour de lui, des arbres, des arbres, et encore des arbres. S'il reconnaissait sans mal la forêt de Beacon Hills, ce n'était pas pour autant qu'il savait se repérer dans cet amas de végétation presque sauvage. Enfin en temps normal, peut-être l'aurait-il pu, en usant de ses souvenirs, en se repérant grâce à eux. Après tout, n'avait-il pas passé des heures aussi bien le jour que la nuit, à poursuivre bon nombre d'enquêtes sur fond de surnaturel ? Techniquement, il connaissait la forêt. Pas par cœur, mais suffisamment pour faire quelque chose.

Mais pas ainsi, transi de peur et de douleur.

Le pire, c'est qu'il avait son téléphone sur lui. Il l'avait entendu sonner. Ce n'était pas pour autant qu'il avait eu le courage de le sortir de sa poche, d'affronter les conséquences de son ignorance. Evidemment, Stiles s'était dit après coup qu'il aurait dû rester avec ses amis, manger avec eux, tout comme il aurait dû dire à Isaac que l'homme... Avait récidivé, placé quelque chose dans son casier, puis s'était introduit dans sa chambre... Oui, il aurait dû. Les larmes qui coulaient sans retenue sur ses joues démesurément pâles ne faisaient que mettre en lumière ce regret qui lui cisaillait le cœur et qui avait probablement précipité sa chute.

L'étincelle en lui s'éteignait doucement.

Vint un moment où ses jambes cessèrent de le porter, de lui assurer cette stabilité qui lui permettait de marcher. Si Stiles ne s'autorisa aucune plainte concernant sa situation, il ne put s'empêcher de trembler, trembler, trembler... Pleurer, paralysé. Sentir le sang imprégner ses vêtements, collant le tissu contre sa peau moite et sale. Son visage rencontra la terre, les feuilles mortes, les racines dépassant du sol. Techniquement, il était censé continuer de fuir, mais il n'en avait pas la force. N'avait-il pas, dans un sens, provoqué cette situation ? Pour sa défense, Stiles était à mille lieux de s'imaginer qu'aller s'acheter à manger l'enverrait tout droit en enfer. Il connaissait d'ailleurs désormais le visage du diable, qu'il avait rencontré en personne.

Il avait l'allure d'un homme lambda, le genre d'homme qu'on pourrait croiser dans la rue, aux abords d'un magasin, d'un café. Un regard rieur, barbe et moustache bien taillées. Propre sur lui et le visage sympathique, il n'avait, en apparence, rien du psychopathe qu'il était en réalité. Si Stiles n'avait pas vraiment fait attention à ses traits lors de leur première rencontre alors qu'il était avec Isaac, ceux-ci étaient désormais ancrés dans sa mémoire.

A jamais.

Alors qu'il était à terre et immobile, son corps uniquement secoué par des spasmes tremblants, Stiles entendit son téléphone sonner, encore et encore. Il ne savait pas combien de temps s'était passé depuis qu'il avait été kidnappé, encore moins depuis qu'il avait été délibérément relâché... Mais le jeune homme se doutait bien qu'on le cherchait. Que Derek devait être venu au lycée, qu'il avait dû l'attendre en vain. Tout ce dont il était au courant, c'était du message d'Isaac concernant l'absence de leur professeur, message que son kidnappeur lui avait lu en riant, avant de lui rendre son téléphone une fois qu'il l'eût jeté dans la forêt. Il s'agissait d'une longue histoire qu'il voulait juste... Oublier. Oublier à tout jamais.

Mais ce qu'il désirait par-dessus tout... C'était ne plus sentir. Ne plus rien sentir. Ni les picotements qui parcouraient son corps, ni le sang qui s'écoulait de chacune de ses plaies, ni le tissu poisseux de ses vêtements.

Alors, Stiles eut la force de s'emparer de son téléphone, de sélectionner « Sourwolf » malgré sa vue brouillée par les larmes qui ne cessaient de couler malgré lui. De taper fébrilement quelques lettres tout en sachant fort bien qu'il était incapable de prononcer un seul mot. L'instant d'après, il laissa son téléphone reposer au sol et se recroquevilla sur lui-même.

L'étincelle se mourut.

La chute de l'étincelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant