Chapitre 17

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- Pour ta sécurité, tu n'iras plus en cours jusqu'à ce que cette histoire soit terminée et... Tu ne sortiras pas du loft sans Derek.

Noah essayait vraiment de rendre sa voix un peu plus douce, moins... Tranchante que ses mots, mais c'était difficile. Parce qu'il détestait jusqu'à l'idée d'imaginer son fils prisonnier de quelque chose, de quelqu'un, d'un endroit. Avec les conditions de vie qu'il était en train de lui imposer, il avait l'impression de le mettre en cage, de couper lui-même les ailes de Stiles. Son fils était, par définition, un électron libre, un oiseau qui allait ici et là, partout, tout le temps. Et par sa décision, Noah se faisait l'impression d'être un monstre, de détruire son fils.

Pourtant, Stiles pouvait comprendre et... C'était d'ailleurs déjà le cas. Il comprenait, ne lui en voulait pas. La rancœur, il ne savait même plus vraiment ce que c'était. La colère ? Non plus. En fait, il ne ressentait pas grand-chose tant il se sentait figé, autant physiquement que mentalement. Son corps était d'une lourdeur incroyable, l'empêchait de se mouvoir comme il le voudrait. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle il était coincé dans ce stupide fauteuil roulant, à ne pouvoir marcher seul. Il avait essayé pourtant et techniquement, il pouvait y arriver. Mais ses jambes frottaient l'une contre l'autre quand il marchait et... Il avait mal. Sa peau le piquait et les bandages qui recouvraient ses plaies n'y faisaient rien. A croire qu'aucune couche de tissu ou autre ne semblait capable de le protéger de ses propres blessures. Ainsi, pour éviter les frottements, il ne bougeait pas, c'était plus simple, quant au reste... Il n'en parlait pas.

Il ne parlait pas tout court, en fait.

De toute façon, il n'en voyait pas l'intérêt, pas devant son père en tout cas. Outre le fait que Stiles n'était pas du genre à se confier, expliquer à son père ce qui lui était arrivé... Il n'arrivait pas à se l'imaginer. C'était, à ses yeux, inconcevable. D'autant plus qu'il était d'avis que... Savoir qu'il avait dû être hospitalisé devait avoir suffi à lui plomber le moral. Si Noah Stilinski avait l'habitude de se confronter à l'horreur de par son métier, la chose prenait des accents différents lorsque l'affaire concernait son fils – et ce dernier en avait bien conscience. Alors, il n'essayait pas de communiquer et de toute façon... Il n'arrivait pas à parler. En lui, tout était bloqué pour un temps qu'il ne saurait définir.

Alors, il ne fit rien de plus qu'hocher mollement la tête parce qu'il voyait que son père... Attendait un semblant de réaction de sa part, une forme d'acceptation, de validation de sa décision. Car Noah, s'il se montrait autoritaire, n'était absolument pas sûr de sa démarche et ça, Stiles le voyait. Le fait qu'il se retrouve incapable de prononcer le moindre mot ne le rendait pas aveugle à ses autres sens.

- Mais je veux que tu saches que... Tu n'es pas en prison, Stiles. Cette situation est temporaire et... C'est mieux pour ta sécurité.

Je sais, Papa. Stiles n'était pas bête, il comprenait fort bien ses intentions – plus que cela, elles étaient clairement lisibles.

- Je viendrai te voir régulièrement.

Faux, tu n'auras pas le temps. Parce que son métier lui en prenait énormément. Et Stiles ne lui en voulait pas : il était simplement conscient de la réalité des choses, de ce que Noah refusait de voir pour se donner bonne conscience... Pour chercher à se rassurer, aussi. Se donner l'espoir d'une chose qui n'arriverait pas aussi souvent qu'il le disait. D'ailleurs pour être honnête, Stiles n'était même pas certain de désirer une certaine récurrence concernant sa présence. S'il s'écoutait, il pourrait même essayer de lui demander de se taire. Pas qu'il l'agace réellement, simplement... Stiles n'était pas réellement d'humeur à accepter la discussion, même si celle-ci n'allait que dans un sens. Il avait besoin de silence, de solitude, de tout ce qui pourrait lui permettre de lâcher prise.

Car contrairement à ce que son visage des plus inexpressifs semblait laisser croire, Stiles en ressentait, des choses. Beaucoup, sans doute trop. Des choses diverses et variées qui, parfois, étaient liées les unes aux autres. Des choses... Qu'il gardait pour lui. De toute façon, il était incapable de s'exprimer pour l'instant, ainsi le silence lui apparaissait comme le cours normal des choses.

Arriva le moment de se quitter, Noah devant partir. Il se rapprocha de Stiles, le salua de la tête. C'était bête, car l'hyperactif aurait bien aimé un câlin, un contact physique de sa part. Quelque chose de rassurant qui lui rappellerait qu'il était son père, son héros, son protecteur. Mais Noah, terrifié à l'idée de lui faire du mal, de rouvrir l'une des nombreuses blessures qui lui zébraient le corps, avait préféré l'éviter. Enfin, Stiles n'avait rien dit. Pourquoi l'aurait-il fait ? Pourquoi aurait-il essayé de lui faire entendre le fond de sa pensée et cet appel à l'affection dont il avait si terriblement besoin ? Il n'était même pas foutu de parler, encore moins de démêler ses propres émotions. Stiles ferma les yeux.

Lorsqu'il les rouvrit, Stiles constata qu'il ne se trouvait plus assis dans le fauteuil roulant qu'on lui avait attribué, mais allongé sur le canapé du salon. Sa main droite agrippa quelque chose sur lui, un plaid rouge. Sa tête, quant à elle, reposait sur un oreiller si moelleux qu'il serait bien capable de sombrer s'il fermait à nouveau les yeux. Cela voulait-il dire qu'il avait dormi ? Pas sûr. Assoupi, sans doute. Quelque chose de léger qu'il n'avait pas senti venir, mais qui ne le plombait pas pour autant. Stiles tourna la tête dans le but d'observer le salon pour s'occuper un instant et tomba sur des yeux qu'il connaissait et qui le fixaient. Confortablement assis sur le fauteuil en similicuir juste à côté du canapé, Derek le surveillait. L'humain vit sa main apparaître et déposer un livre sur la table basse. Une certaine surprise le prit. Alors comme ça il lisait ? Stiles ne l'imaginait pas avoir ce genre de passe-temps, mais soit. Le sentiment, presque de l'ordre de l'émotion, disparut aussi vite qu'il était venu. Cela avait été si bref que le jeune homme n'eut absolument pas conscience de la réaction qu'il avait eue. Il était las. Las et ailleurs. Plus l'un que l'autre, peut-être – il ne savait pas vraiment et n'y accordait pas grande importance.

- T'as mal ?

Stiles ne s'attendait tellement pas à le voir ouvrir la bouche qu'il mit un temps monstrueux à comprendre que ces mots lui étaient adressés, que Derek lui avait posé une question. Le genre de chose qui nécessitait une réponse. Puisque parler ne lui venait toujours pas, il pourrait secouer la tête, au moins lui faire comprendre que non, il n'avait pas mal. En fait, il ne ressentait pas vraiment son corps de façon générale. Stiles ne se souvenait pas d'avoir pris un médicament... Mais ça restait possible, il savait que parfois, son esprit se déconnectait un peu de son corps et il avait du mal à l'y fixer. Des absences, voilà ce que son cerveau avait trouvé pour parer au traumatisme contre lequel il se battait sans un mot.

Devant l'absence de réponse de l'hyperactif, Derek se rapprocha de lui et saisit doucement son poignet, qu'il dégagea lentement de la manche. Il y avait des choses, là aussi – raison de plus de faire attention.

- Je peux ? Demanda-t-il malgré tout.

Cette fois-ci, Derek eut droit à un léger mouvement de tête de la part de l'hyperactif – lequel, il ne pouvait le nier, l'inquiétait beaucoup. C'était plus ou moins pour cette raison qu'il insistait pour s'assurer de son consentement, histoire de bien lui montrer que celui-ci avait et aurait toujours son importance et ce, quel que soit le sujet. Car ce concept des plus concrets ne se bornait pas au sexe : le consentement, c'était tout simplement le respect. Une règle d'or.

Evitant de frôler les zébrures pourpre foncé sur la peau blanche, Derek pressa légèrement celle-ci et laissa son âme lupine prendre le relais.

La douleur qui lui parvint n'avait rien de fort – mais elle existait et c'était peut-être tout ce qu'il y avait à retenir. Et évidemment, Stiles n'en parlait pas. La ressentait-il seulement ou son corps tardait-il à émerger ? Cela faisait un moment qu'il dormait, qu'il avait glissé dans l'insouciance de l'inconscience. Dans tous les cas, Derek ne pouvait pas se permettre de minimiser ce qu'il pouvait ou non ressentir. Il n'y avait que sur ce plan qu'il pouvait le soulager de façon directe, alors il se devait de le faire.

Il finit par relever ses yeux, lesquels finirent par rencontrer deux paupières closes. Stiles ne dormait pas – pas encore. Il recommençait tout juste à somnoler. Le loup-garou ne se mordit peut-être pas la lèvre inférieure, mais l'air préoccupé qui tendait les traits de son visage, il ne chercha pas à le dissimuler outre mesure.

Lui qui n'avait jamais réellement eu à prendre soin de quelqu'un au sens propre du terme allait devoir apprendre... Rapidement.

La chute de l'étincelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant