22 septembre 2/2

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Aéroport d'Orly, Massy, Rochefort-en-Yvelines, Saint-Martin-de-Bréthencourt, les noms de villes inconnues s'enchainent sur les panneaux d'autoroute et Anelie conduit sans y prêter attention. Ce ne sont que des lettres alignées les unes derrières les autres et le discours moralisateur de sa mère ce ne sont que des sons mis bout à bout. Elle est en pilote automatique, plus rien n'existe à part la route. 

C'est fini. Retour à la case départ. A l'appartement vide. Au travail sans goût. A l'absence. "Toutes les bonnes choses ont une fin" sa mère a raison. Venir à Paris avec sa grand-mère, vouloir retrouver un amour perdu, tout ça était égoïste et maintenant il faut se confronter à la réalité. "La réalité c'est pas le cinquante mètres carré dans les beaux quartiers de ton cousin, c'est affronter la vie, tous les jours, avec tout ce qu'elle a de plus difficile". 

"Anelie ? Tu m'écoutes ?" Carole a changé de ton subitement : "Il faut que tu sortes à la prochaine sinon on va tomber en panne ! Tu sais combien ça coûte de se faire remorquer sur l'autoroute ? Je ne peux pas croire que tu ai laissé le niveau descendre jusqu'à la réserve, c'est pas bon pour le moteur." Elle décroche son téléphone. "Eric ? On s'arrête à la prochaine, on doit faire le plein d'essence... Je sais, je sais. Qu'est-ce que tu veux, les jeunes..."

Anelie s'exécute et sort vers l'aire de repos, "tu sais que le carburant coûte deux fois plus cher ici... C'est quand même dommage de pas y avoir pensé avant..." commente Carole. Elle s'arrête à la pompe et Eric se gare aussi. 

"Maman doit faire une pause toilettes.

- Tu l'accompagnes ?" ordonne Carole à Anelie qui obéit, encore une fois.

L'aire d'autoroute est assez fréquentée pour un vendredi matin. Elles entrent dans le bâtiment qui fait restaurant, café, supermarché, vente de souvenirs et surtout WC. Trois personnes patientent devant elles et elles ne laisseront pas passer une vieille dame, il y a des instincts primaires qu'on ne peut pas combattre. 

Tandis que Madeleine et Anelie font la queue, Eric et Carole entrent dans le bâtiment et leur font un signe pour leur indiquer qu'ils vont prendre un café. Anelie articule sans son "On arrive". Les secondes passent au ralentit et elle évite de croiser le regard de Madeleine. Elle n'aurait jamais dû l'amener ici.

"Je suis désolée, commence sa Madeleine, je pensais pas que tu rentrerais toi aussi...

- Ne t'excuse pas mamie. C'est moi. C'était stupide de venir.

- Non... Tu voulais me donner une chance... De retrouver Pierre... Tu pouvais pas savoir.

- Mais on n'a pas réussi...

- Non.  Mais tu sais, c'est peut-être un signe. J'y crois moi. Peut-être que c'était pas fait pour arriver. Après tout, à mon âge, j'ai vécu beaucoup de beaux moments, il faut accepter que le meilleur est derrière soi."

Cette dernière réponse terrifie Anelie. Et si elle avait raison ? Et si pour elle aussi le meilleur était derrière ? Une place se libère enfin et Madeleine entre dans le coin dames pendant qu'Anelie se dit que la vie n'est qu'un amoncellement de bonheurs perdus. Puis son portable vibre, c'est un WhatsApp d'Emilien : "Rappelle moi dès que tu peux, on a retrouvé Pierre Martin".

Anelie sent tout son corps se réveiller. Une dernière chance! Quand sa grand-mère revient vers elle, elle lui tend le téléphone. "Le voilà ton signe !" dit-elle.

Madeleine proteste mais Anelie peut le voir dans ses yeux : il faut qu'elle sache. Elles se glissent en dehors du bâtiment, montent dans la voiture et, alors qu'Eric et Carole sont installés dans la véranda du bar, elles démarrent et reprennent l'autoroute en direction de Paris.


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