18 septembre

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Anelie a probablement pété un câble, mais après tout, c'est peut-être ce qui lui faut ! Emilien lui a servi une tasse de thé bien chaud, elle a repris ses esprits et lui a raconté l'histoire de A à Z. Il a écouté sans rien dire et quand elle a eu fini, il s'est levé, a attrapé son ordinateur portable et a tapé "Pierre Martin, Paris" dans le moteur de recherche.

"Quoi ? Tu crois pas qu'on va s'arrêter sur une fausse adresse ! Il va pas s'en tirer comme ça !" a-t-il dit. Il a évité de rajouter "ce connard" parce que Madeleine pouvait entendre et qu'une sorte de respect pour les personnes âgées lui est venue tout à coup.

Un espoir soudain est apparu sur le visage d'Anelie et ils ont ainsi passé la matinée à chercher l'amour de jeunesse / prétendant / menteur / vieil arnaqueur de leur grand-mère (oui, ils ne savent toujours pas bien comment le qualifier).

Toutefois, la recherche d'un Pierre Martin à Paris semble aussi compliquée que celle d'un bon rôle. Des tas peuvent prétendre l'être mais seul un est le bon. Les réseaux sociaux donnent plus de 130 000 résultats, ils ont essayé de chercher dans l'annuaire, de rappeler la jeune femme de la rue Daviel mais il ne sont pour l'instant tombés que sur des impasses. Bien-sûr, la meilleure solution serait de demander directement à Madeleine si elle sait comment le joindre mais aucun d'eux n'a osé, leur grand-mère ne s'est pas levé de son lit et ils ne veulent pas remuer le couteau dans la plaie.

"Comment ils ont repris contact ? demande Emilien

- Par téléphone je crois...

- Elle doit savoir son numéro alors !

- Elle l'a marqué dans son carnet... qui est à la ferme."

Ils se regardent et se comprennent.

"J'appelle pas mon père, c'est peine perdue, il ne nous dira rien.

- Et moi j'appelle pas ma mère... J'ai balancé mon portable de tout façon."

Emilien reste sans voix puis il sourit en imaginant l'engin se fracasser alors que Carole harcèle sa fille de messages. Oui, Anelie a vraiment pété les plombs.

"Tu connais pas quelqu'un qui pourrait nous aider ici ? Comme un détective ou quelque chose comme ça ?

- Bein oui, j'ai une ligne directe avec l'inspecteur gadget...

- Je sais pas... comme t'es acteur...

- Quel rapport ? Je te rappelle qu'on joue des rôles, aucun de mes contacts n'est vraiment flic ou enquêteur. Ils ont déjà du mal à se rappeler de leurs répliques alors..."

Emilien tente de prendre le ton le plus hautain possible mais au même moment il pense à Maxime. Son frère travaille pour une boite de production spécialisée dans le journalisme d'investigation. C'est d'ailleurs lui qui l'a pistonné pour ses premiers spots télé. Il fait semblant de continuer à chercher sur internet alors qu'il analyse cette solution. L'énigme pourrait être résolue en quelques coups de fils. Et ils auraient le cœur net sur les intentions de Pierre.

D'un autre côté, il faudrait qu'il demande de l'aide à Maxime. Il voit déjà son clin d'oeil condescendant et l'imagine raconter cette anecdote dans les diners mondains. Hors de question. Il ne peut pas tolérer qu'il se sente encore plus supérieur.

"Je vais réveiller mamie. On va voir avec elle..." dit Anelie.

Emilien revoit le visage creusé de sa grand-mère la veille. Et s'il l'avait vraiment arnaqué ce fumier ? Et en voyant qu'elle avait une famille autour d'elle, il aurait pris la fuite. Est-ce que ça vaut le coup de lui faire vivre ça ? Elle n'a pas déjà assez souffert ? Mais si c'était vrai ? Et que la famille Deymes ait une fois de plus brisé des rêves qui n'étaient pas si fou...  

Emilien ferme l'ordinateur portable d'un geste et d'une voix plus assurée que ce qu'il est en réalité dit : "Non. Je sais quoi faire."

Les moments ordinairesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant