19 septembre

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Quand Maxime Tamisier lui à tendu un casque de scooter et l'a invité à monter derrière lui, le cœur d'Anelie a manqué un battement. Elle n'est pas vraiment du genre groupie, mais il faut avouer qu'il est si beau qu'il paraît irréel. "Je la ramène entière, t'en fais pas" a-t-il glissé à Emilien qui n'a pas paru apprécier le moment du tout. Puis elle s'est accroché à sa taille, ils ont pris la route et son cerveau s'est déconnecté de son corps, tout ce qu'elle a pu faire c'est sentir : le vent s'infiltrer dans son cou, l'odeur du parfum de Maxime, les vibrations de leur monture, les abdos de son chauffeur sous ses mains. 

Elle n'a vraiment repris ses esprits qu'une fois dans le bureau de Fabien, le frère aîné de Maxime, le journaliste sensé l'aider à retrouver Pierre.

"Alors... Vous voulez retrouver l'ami de votre grand-mère c'est ça ?" Fabien a cet espèce de soupir dans la voix qui laisse transparaître  son total manque de motivation.

Anelie est encore un peu dans les nuages, elle hoche simplement la tête. 

"Bon. Qu'est-ce que vous savez de lui ?"

- Je sais comment il s'appelle...

- Pierre Martin merci. Il ne pouvait pas faire plus commun. Un autre détail ?

- Il a vécu dans le village de Cambrac... Ou un village voisin.

- Hum, hum.

- Il...

- ...

- Il a fait la guerre d'Algérie.

- Ah, un ancien combattant donc. Voilà enfin un élément. Quoi d'autre ?"

Elle a conscience de paraître totalement niaise mais rien ne vient à son esprit.

"A quoi il ressemble ?" demande Maxime gentiment.

Ses neurones se reconnectent. Elle parvient à faire une description physique assez précise, puis elle se remémore les bribes de l'histoire d'amour que sa grand-mère lui a raconté dans la voiture. Fabien note, Maxime ponctue le récit de petits "oooohh", "c'est beau" qui l'encouragent à continuer. A la fin de l'entretien, elle a l'impression que c'est elle qui a vécu l'histoire de Madeleine.

"J'adore ! Tu as tant de passion dans la voix !" dit Maxime.

Elle rougit et regarde machinalement l'horloge, ça fait presque une heure qu'ils sont là.

"Bien. J'en ai assez je pense. Ca devrait pas être trop compliqué avec tout ce que vous m'avez raconté." Fabien lui n'a pas l'air plus enthousiaste qu'au début et elle est presque sûre qu'il prétend avoir une réunion importante pour les raccompagner vers la sortie. Elle a droit à une poignée de main molle à laquelle elle s'attendait mais elle est surprise quand il prend Maxime dans ses bras et lui dit "A bientôt" d'une voix douce. 

"C'est un ours au cœur tendre mon frère", commente Maxime quand ils sortent.

Il est presque dix heures et Paris s'est réveillé. Les voitures klaxonnent, les passants marchent vite. Une jeune fille d'une quinzaine d'années traverse la rue et manque de se faire écraser par un taxi. Anelie enfourche le scooter sans voir que l'adolescente se place devant l'engin. 

"Max ? glousse-t-elle. On peut faire un selfie ?"

Le jeune homme pose sans broncher et elle s'en va sans dire un mot de plus. Elle l'a à peine regardé. Elle a simplement sourit à sa caméra et est partie en criant. Anelie reste interdite.

"Elle n'était pas très bavarde elle ! plaisante Maxime.

- Ca t'arrive souvent ?

- De plus en plus. C'est bizarre. Je vais pas me plaindre, mais c'est bizarre. J'ai pas l'impression d'être un être humain."

Elle hausse les sourcils sans le vouloir.

"Ah c'est marrant ! 

- Quoi ?

- Tu as la même expression qu'Emilien quand il se fou de moi.

- Quoi ? Non... C'est pas...

- T'en fais pas. Tu as raison je pense. Je suis sûrement un petit acteur avec une grosse tête.

- Pas du tout... c'est pas... Non. C'est pas ce que je pense.

- Qu'est-ce que tu penses alors ?

- De quoi ?

- De moi ?

- Qu'est-ce que ça peut faire ce que je pense ? C'est pas important non ?

- Dis moi.

- ...

- Je vous ai aidé, je mérite ça non ? Un peu d'honnêteté.

- Je pense que c'est sympa de ta part d'avoir accepté de nous aider comme ça. Et d'être venu me chercher pour m'amener voir ton frère. Et d'avoir relancé la conversation tout à l'heure quand je savais pas quoi dire.

- C'est pas désintéressé tu sais..."

Ce ton la met mal à l'aise. Max Tamisier lui ferait-il du charme ? Pourquoi lui ferait-il du charme ? Que peut-il bien lui trouver à elle alors qu'il peut avoir n'importe qui ? Elle se sent devenir pivoine. Elle ne sait plus où regarder. Son cœur bat à mille à l'heure. Pourquoi dirait-il ça ? Il ne se connaissaient même pas deux heures auparavant. S'il lui sort qu'il a fait ça pour elle, il ment forcément.

"... J'aime bien qu'Emilien me doive quelque chose."

Bien-sûr. Comment a-t-elle pu croire autre chose? N'importe quoi. Plaire ? Moi ? A un mec comme ça ? Le seul a qui j'ai jamais plu c'est Geoffrey. Et encore. Peut-être que personne ne m'aimera plus jamais. 

Le trajet de retour lui semble beaucoup plus long que l'aller et arrivée en bas de l'appartement d'Emilien, Anelie se sent encore pire que quand elle est partie. Maxime coupe le contact et range son casque dans le porte bagage.

"Tu sais c'était pour rire... quand j'ai dit que je voulais qu'Emilien me doive quelque chose. Il lance ça comme un appel désespéré avant qu'elle n'ouvre la porte d'entrée. Je... Je suis pas comme ça en vrai."

Anelie ne sait pas vraiment quoi répondre. Elle le fixe en se pinçant les lèvres.

"Je suis désolé. Je suis con d'avoir dit ça. Prenez bien soin de votre grand-mère. La famille, il n'y a que ça qui compte"

Il redémarre et disparaît à l'angle de la rue tandis qu'Anelie se demande encore si cette matinée était vraiment réelle.


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