Musique : Bamboo Flute | by 陳悅
- Dis-moi Yhsan, comment imagines-tu la mort ?
Quand on m'a posé cette question pour la dernière fois, j'ai ricané en levant les yeux au ciel. À cette époque, je me disais encore que la fin était comme dans les films, une salle blanche où tout ce qui était imaginable prenait vie si on allait au paradis. Ou au contraire, entouré par les flammes et les démons si on partait en enfer après avoir passé le jugement dernier.
D'un point de vue strictement personnelle, j'ai toujours imaginé la mort semblable à un endroit sombre, mais pas pour autant morbide. Lucifer, Satan, Dieu, Hadès, Héla, Nergal ? Qu'importe le nom du grand patron qui dirige en bas, dans tous les cas, l'enfer est forcément un endroit bien surveillé. Avant que les âmes soient redistribuées dans le monde des mortels et qu'ainsi, un nouveau cycle commence. Comme si tout était écrit d'avance et si on dévie de ce qui est écrit, tout devient instable pour au final finir par s'effondrer. C'est une vision plutôt pessimiste mais tellement réaliste lorsqu'on y réfléchit bien. Évidemment il s'agissait simplement des réflexions d'une adolescente en pleine quête d'identité.
J'ai toujours eu une âme de rebelle. Une pro-féministe comme ils aimaient si bien le dire. Pourtant, je reste convaincu qu'une partie de la raison pour laquelle les hommes ont été à l'avant-garde de tant d'innovations tout au long de l'histoire n'est pas à cause du manque d'éducation des femmes, mais parce qu'ils étaient libres de faire plus car les femmes portaient plus de travail domestique et émotionnel à la maison.
Il y avait tant de choses auxquelles je croyais à cette époque... Mais ce que j'ignorais avant qu'une épidémie affectant la moitié de la population s'abatte sur nous, c'était que le paradis tout comme l'enfer existait. Je l'ai appris à mes dépends et cela de manière totalement inattendue. Parfois, il existe des rencontres qui nous bouleversent puis nous changent à jamais. Je sais que notre rencontre a marqué un tournant dans l'humanité. L'espoir a germé. Et grâce à lui, j'ai compris qu'il fallait apprendre à s'aimer soi-même, avant de pouvoir aimer les autres. Mais pour commencer une histoire, il vaut mieux tout raconter depuis le début. Vous êtes prêt ? Oui ? Parfait. Alors allons-y.
9 Avril 2023, dans l'une des cellules de prison au sein de la capitale.
- Dis-moi, comment imagines-tu ta mort ?
Lorsque cet homme chargé de monter la garde me posa cette question, je me souviens avoir été enfermée dans une cellule ne faisant que huit mètres carrés depuis des heures. Pourquoi étais-je prisonnière ? La réponse à cette question me paraissait évidente.
- Va te faire foutre, crachai-je assise derrière les barreaux.
- Yhsan, c'est bien ça ? Aussi vulgaire que redoutable. Aucun doute possible, tu es bien la petite prodige des Rebelles. Au vu de la situation je pense que c'est toi qui va te faire foutre aujourd'hui, ricanait-il avec le visage dissimulé dans la pénombre de la pièce. Nous t'avons capturé car tu as une valeur inestimable pour les Rebelles. Je suis persuadé qu'ils vont mettre un sacré paquet sur la table pour te récupérer.
Les Rebelles, c'était ainsi qu'étaient nommés ceux qui avaient choisi de fuir la capitale plutôt que de rester et se rallier aux Conformistes. Cette dissociation des survivants engendra naturellement des conflits. Le sang finit par couler. Et c'est ainsi que les forces humaines s'affaiblissent face au véritable ennemi. J'ai le malheur d'être né et d'avoir grandi parmi les rebelles. Je souris, puis ricane face à l'ironie de la situation. Moi, je n'ai jamais cru à la cause pour laquelle je me battais. Telle une marionnette je n'ai fait qu'obéir et suivre des ordres. Que se serait-il passé si j'étais né parmi les Conformistes ? Eux prétendent se battre pour créer un bloc uni. Ils pensent que défendre la capitale est la clef de la survie. Quant aux rebelles, ils préfèrent s'étendre au monde pour rallier des groupes isolés à leur cause afin de survivre. Nous avions un ennemi commun et deux méthodes différentes. Laquelle est la meilleure ? Le temps choisira son verdict. Pour ma part, je n'étais encore qu'une adolescente insouciante qui avait menti sur son âge afin d'intégrer les forces spéciales des Rebelles. Je prétendais avoir 18 ans, mais je n'en avais que 16. Ce qu'ignorent les Conformistes, c'est ce que peu importe l'individu, aucun Rebelle ne vient en aide d'un autre Rebelle s'il se retrouve capturé. C'était l'une des premières leçons qu'on apprenait à l'académie. Livré à moi-même pour ma propre survie, il ne me restait donc qu'une seule issue possible : Me rallier à leur cause.
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Father's diary
Science FictionQuand le monde tel que vous le connaissiez n'existe plus, quand la ligne entre le bien et le mal devient floue, quand la mort se manifeste au quotidien, jusqu'où iriez-vous pour survivre ? Pour Nede, militaire retraité au cœur tendre, la survie est...