Father's diary

Chapitre 5 : Un tir parfait.

Musique : Spider-man across the spider verse (Start a band)

Un homme qui choisit la fuite est un homme qui accepte la peur.

Mais qu'est-ce que la peur ? C'est ce qu'éprouve Nede au moment où il traverse le terrain de football en direction de la forêt. Malgré une abondance de sang à l'abdomen, il ne ralentit pas. Il court. Il titube. Il laisse volontairement couler une trace rouge derrière lui afin d'accaparer son attention. Nede l'a compris : le sang l'attire. Il doit l'éloigner des civils. Il doit la protéger d'elle-même. Que se passerait-il si elle venait soudainement à retrouver son état normal ? La réponse à cette question le pousse à prendre de la distance avec les potentiels victimes. Il doit agir étape par étape. Dans un premier temps, sa mission est de désamorcer les lieux. 

Nede parvient à atteindre l'entrée de la forêt où des grands arbres s'élèvent à plus de vingt mètres. La pluie s'est calmée. La nuit ne va pas tarder à tomber. Nede va y arriver. C'est ce qu'il pense lorsque des gouttes de sueur soulignent son état physique : il est fatigué de fuir. Lorsqu'il se retourne pour reprendre son souffle, il aperçoit Louise effectuer un sprint inhumain. Il estime la barre du neuf secondes sur cent mètres battus. Comment pourrait-il semer un être dont les facultés physiques sont décuplées ? De sa mémoire, Louise n'a jamais appris à se battre. Pourtant, elle parvient à échanger quelques coups au corps à corps et même à le blesser sévèrement. Est-elle devenue trop forte ? Ou est-il devenu trop faible ? Le souffle saccadé, Nede reprend sa course. Avançant sans direction à l'aide de ses bras, il encaisse de plein face un tronc d'arbre dont l'impact est si violent qu'il l'assomme. Il s'écroule aussitôt à terre au pied d'un arbre. Les yeux rivés vers le ciel orangé, il a du mal à reprendre ses esprits.

- Samy... murmure-t-il en essayant de ne pas perdre conscience.

Il y a 20 ans.

Âgés de cinq et quinze ans, deux frères erraient dans les rues insalubres de la capitale. À cette époque, ils n'avaient ni toit, ni nourriture. Dormir sous le pont, dans un parc, devant une église, ils s'adaptaient selon l'humeur des gardes de nuit. Chaque miette de pain et les restes de restaurants représentaient une bénédiction pour eux. Le grand frère veillait sur le plus petit. Ils ne restaient jamais l'un sans l'autre. De caractère rigide et stoïque, l'adolescent devait survivre pour deux. Il enchaînait diverses tâches pour des truands du quartier, telles que la vente de drogues et l'accomplissement de règlements de compte. Même lorsqu'il fut pris au piège, il était doté d'une intelligence d'esprit capable de lui sauver de nombreuses situations. Pourquoi n'effectuait-il pas un travail légal ? Pour la simple raison qu'il n'avait pas l'âge requis pour le faire. Il avait essayé de vivre honnêtement, mais la vie l'a poussé à renier ses convictions. Il était prêt à tout pour son petit frère. Sa seule condition résidait dans une chose : que son frère ne soit pas impliqué dans toutes ses histoires. Il espérait au fond de lui qu'ils puissent s'en sortir et qu'un jour son frère trouve un travail honnête.

Assis en haut d'un toit pour passer la nuit, les deux frères avaient une splendide vue sur toute la ville. Le calme régnait sur la capitale.

- Grand frère, murmurait le plus petit. Pourquoi a-t-on quitté la maison ?

- Parce que nous n'avions pas le choix.

- La maison me manque...

- Je sais. Mais même si nous n'avons plus de toit, tu m'as toujours moi.

Le grand frère avait les mots justes pour rassurer le petit. Il souriait, l'idolâtrait même. Il espérait qu'il deviendrait comme lui en grandissant. Il n'avait pas l'intelligence de son grand frère mais possédait un talent naturel pour la maîtrise des armes. Malgré des dons qui leur ont permis de survivre jusqu'à là, ils vivaient chaque jour en pensant que c'était le dernier. Bercés dans la violence et l'indifférence, ces deux enfants ignoraient qu'ils allaient s'en sortir. Mieux encore. Le plus grand deviendrait le soldat ultime, capable d'être l'unique survivant d'un groupe de vingt envoyés en mission suicide. Quant au plus petit, il finira par être un atout majeur des forces spéciales. Une unité d'élite dont l'existence suffisait à faire frémir les plus grandes organisations du crime.