22 octobre

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Peut-être que ma confession de la veille l'a encouragé, ou s'est-il rendu compte qu'il avait envie de partager ce poids, mais Leo a décidé de me parler de son passé.

Je ne lui ai rien demandé, mais je dois avouer que je suis curieux. Alors quand il a commencé à parler, après le dîner, quand nous étions assis en face du feu avec chacun une tasse de tisane brûlante, j'ai écouté avec attention.

Il a vécu l'enfer en ville. Même si je sais que la situation y a rapidement dégénéré, je n'ai pu m'empêcher d'être choqué. Leo a mentionné la façon dont les hommes sont d'abord tombés victimes de leur propre panique, puis de la maladie. Comment les corps ont commencé à s'accumuler dans les rues. Les clans de survivants, les affrontements et les morts qui n'en finissaient plus.

Au tout début, nous étions encore assez nombreux, a-t-il déclaré en jouant avec sa tasse. L'organisation était sommaire, mais ça fonctionnait. On vivait reclus, on excluait ceux qui étaient malades, et on mettait en quarantaine tous ceux qui pouvaient potentiellement l'être. Puis la folie a frappé.

J'essaye d'imaginer Leo, alors âgé de quinze ans, essayer de survivre au sein d'une communauté qui sombrait peu à peu dans la paranoïa.

Tout le monde pensait que son voisin était malade. Il suffisait que quelqu'un éternue à cause du froid, ou qu'un enfant ait de la fièvre, pour que les accusations commencent à pleuvoir. Et comme on appliquait la philosophie du « mieux vaut prévenir que guérir », on écartait aussitôt les individus pointés du doigt.

J'aurais aimé dire que je ne comprenais pas leur réaction, que je n'aurais jamais fait pareil, qu'ils auraient dû avoir honte. Mais cela aurait été un mensonge. Alors j'ai préféré garder la bouche fermée, et continuer à écouter Leo.

Je suis parti avant qu'ils ne décident que j'étais le prochain malade, a-t-il ensuite dit. Ça n'a pas été facile. Vivre seul, je veux dire. Je devais constamment être sur mes gardes. Éviter les piles de cadavre, trouver de quoi me nourrir, et veiller à ne pas croiser les survivants qui rôdaient dans les rues.

Je lui ai demandé s'il en avait vu beaucoup, des survivants.

Quelques-uns, au début. Puis de moins en moins. Cela fait plus d'un an que je n'ai croisé personne d'autre.

Le sous-entendu a plané longtemps dans l'air entre nous deux, le temps que je rassemble mon courage et que j'attrape sa main, essayant lui offrir le même soutien qu'il m'avait communiqué la veille.

Tu n'es plus seul. Plus maintenant.

Et moi non plus.

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