Chapitre 32 - Melcrith

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Mordre sa chair était comme percer de la soie avec une aiguille. Mes crocs le pénétrèrent sans rencontrer de résistance.

Son corps brûlant tremblait contre le mien d'un violent désir. Son odeur était suave, altérée par l'envie, plus sucrée que d'habitude, comme un appât. Comme si son corps avait cru nécessaire de me convaincre de le vouloir, de le choisir lui, de convoiter son sang.

Ses chairs fermes emprisonnaient mon sexe dans une étreinte chaude et possessive. Je me sentais fragmenté. Chaque partie de mon corps était saturée de lui et tentait d'accaparer la totalité de mon esprit.

Mais le goût de son sang emporta toute autre sensation. Ce n'était pas que le fer, que l'épaisseur riche qui glissait dans ma gorge comme un nectar interdit, ce fut tout ce que charriait ce sang...

Cobalt était follement excité, je le sentais à la saveur presque âpre, doucereuse qu'il m'offrait. Il avait encore la tête pleine de réticences, sans doute l'effet que lui avait fait le salon en y entrant ; et sa méfiance infusait son goût d'une pointe de sel et laissait subsister une légère tension dans les muscles de son dos, et jusque dans l'anneau tonique qui me serrait étroitement.

Mais il y avait autre chose de plus fort que tout cela. Une sorte de dévotion, une acceptation absolue. Aucun humain ne m'avait voulu en lui à ce point, avec ce parfum de miel, et de vin d'été, et de fleur éclose, de neige fraîchement tombée, de pluie chaude sur les fruits mûrs des vergers où j'avais passé mon enfance. Son goût était tout cela.

Cobalt était à moi jusqu'au point que son sang était dépourvu de cette très légère touche d'anxiété qui précédait toute morsure, cet instant où l'instinct des humains se cabrait en eux à la sensation d'un prédateur se repaissant de leur fluide vital. Cobalt n'avait pas une goutte de cette amertume.

Mais il en avait une autre, inattendue. Une tristesse profonde, lancinante, comme une lame de fond que je n'avais pas sentie monter. Elle me submergea en dernier, se mêla à mon sang, se déploya comme une fleur de poison dans mon cœur.

Je connaissais déjà cette émotion, j'avais la même terreur au fond de mes tripes. Je savais que je ne pouvais plus me protéger de lui. Je l'aimais à chaque seconde, aussi profondément que son sang se confessait à moi. Comment avais-je pu imaginer que boire Cobalt serait seulement un repas très excitant ?

Lorsque je retirais mes crocs, j'étais à vif et égaré, vulnérable comme si j'étais celui qui avait le corps fouillé par le membre d'un autre, comme si j'étais celui qui avait été mordu, dévoré, qui pouvait se briser à chaque seconde.

J'écartai mon visage pour le contempler. L'intensité de ce qu'il y avait entre nous m'écorchait jusqu'à l'âme, mais je l'embrassai avec la passion qu'il méritait. Le goût de son sang sur ma langue ne sembla pas plus le faire reculer que l'impression d'avoir le cœur plein d'épines ne m'empêcha de frotter tendrement ses chairs intimes jusqu'au paroxysme d'un plaisir qui le consuma.

Je tenais ses hanches, le soulevant pour l'abattre sur moi. Je n'entendais que son cœur, que son souffle, que ses gémissements, je ne sentais que son sang, sa peau de braise, la moiteur soyeuse de l'intérieur de son corps, les courbes merveilleuses qui se cambraient sous mes caresses, les muscles souples qui se tendaient, et l'écho terrible au fond de son regard de chacune de ses redditions.

Combien je me sentis vaincu quand je me libérai entre ses hanches... Ce que je lui avais pris il me l'avait pris aussi. Et si aucun de nous n'avait eu l'intention de blesser l'autre, s'unir ainsi était une agonie, c'était cent fois trop puissant et mille fois trop insuffisant.

Nous demeurâmes immobiles de longues minutes. Reprenant nos respirations comme après une bataille perdue. Il reposait sur ma poitrine, sa joue pressée contre mon cœur, son intimité toujours serrée autour de moi, ses cuisses fermes enserraient les miennes... Je passai une main dans ses cheveux humides de transpiration et j'embrassai lentement son front.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 28, 2022 ⏰

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