J'écoutais avec attention les conversations autour de moi. J'aurais certainement pu intervenir et poser des questions, j'étais certain qu'aucune des deux femmes ne s'en serait offensée. Surtout pas Lucerne que je n'arrivais pas du tout à considérer comme une esclave. Elle n'y arrivait pas non plus visiblement.
Mais je faisais de mon mieux pour m'entraîner à me comporter comme on attendait qu'un esclave se comporte. Et au fond, il n'y avait rien de difficile, il suffisait de se faire oublier. Je n'avais plus bougé depuis que j'avais reposé ma tasse et celle de Melcrith sur la table basse. J'étais installé sur ses genoux, l'un de ses bras entourait ma taille et j'avais appuyé la tête sur son épaule.
Je n'avais rien manqué de la conversation, pourtant. J'avais observé l'air grave, alarmé des deux héroïnes de la guerre, la peur que leur inspirait le pouvoir de l'obsidienne. Et je repensais aux neuf cadavres, leurs expressions d'horreur, la façon dont l'épée qui les avait tués avait fracassé leurs os, tordu leurs membres. J'en revis un dont l'abdomen avait été tranché de l'épaule au milieu du torse pour y atteindre le cœur. Même avec une hache, un tel coup transversal n'aurait pas pu s'enfoncer assez loin dans les os, les muscles, les chairs. Plus de dégâts qu'un escadron de mâchefers... Ces mots tournaient dans ma tête. Où était cette lamelugubre en cet instant ?
Je formais dans mon esprit l'image d'un homme, un esclave asservi pour le divertissement, à qui on aurait donné une lame ensorcelée. J'imaginais la pierre noire, la terreur sourde, la corruption progressive. Avait-il eu conscience de tuer neuf de ses semblables ou était-il réduit à l'état de monstre possédé par les scories d'obsidiennes, entortillées autour de son âme comme les volutes d'un poison mortel ? Était-il en ce moment-même entravé, retenu dans une geôle, attendant d'être à nouveau exhibé pour massacrer d'autres esclaves et servir de spectacle à ses maîtres ? Cette pensée me révolta. Mon père était-il mort ainsi ? Livré à une lamelugubre, n'ayant aucune chance de survivre, pour amuser ses tourmenteurs par ses vaines résistances ?
Mon cœur s'emballa douloureusement et comme s'il l'avait immédiatement perçu, Melcrith posa sa main libre sur ma poitrine. Il discutait avec Khalkôs et le mouvement doux de son pouce sur l'un de mes tétons était clairement inconscient.
La pression de la pince faisait pointer mes mamelons et me ramena au présent d'une manière douce qui m'ancra et m'évita de me perdre dans un flot de colère. Le léger frottement me rendit plus érectile, et pas seulement au niveau de la poitrine... Je me sentis affreusement gêné de réagir, mais je ne lui dis rien et m'efforçai de réprimer toutes mes réactions.
― Pardon, me souffla soudain Melcrith qui venait seulement de réaliser l'état dans lequel il m'avait plongé.
Sa brusque culpabilité trahissait sa sincère bienveillance : jamais il ne m'aurait volontairement mis dans un état gênant, il n'avait fait que me toucher parce qu'il aimait me tenir dans ses bras.
― Ce n'est rien, répondis-je sur le même ton. Vous pouvez continuer, c'est doux.
Je l'avais vouvoyé au cas où des oreilles traînent et il me gratifia de l'un de ses sourires complices qui me faisaient chavirer. Melcrith n'était pas quelqu'un de naturellement souriant ou ouvert aux autres. Il respectait des valeurs de justice et de loyauté, il était bienveillant et attentionné, mais il n'avait pas l'aisance excessive de Khalkôs. Et c'était peut-être ce qui faisait que ses sourires me réchauffaient le cœur. Quand il me regardait de cette façon, je me sentais important et chéri.
Son pouce s'égara sur mon autre mamelon et un délicieux picotement s'étendit sur ma peau. Le sang pulsait dans mon membre, et mes bourses me faisaient presque mal. Le phallus d'œil de tigre n'y était pas pour rien. Cette pierre était à la fois un délice et un calvaire. Je ne l'aurais jamais avoué devant un autre humain libre, mais j'adorais la porter.
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Mâchefer
VampirosLe Royaume d'Argyre vit une époque sinistre. Le règne des humains n'est plus depuis l'avènement des mâchefers, des êtres aux crocs d'acier buveurs de sang. Et des meurtres inexpliqués terrifient les habitants de la capitale. Cobalt, un inspecteur hu...