Chapitre 17 - Cobalt

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Après avoir retourné deux fois le contenu de la malle à vêtements, je convins que le peignoir en velours était de loin la tenue la plus couvrante et la plus décente à ma portée.

Nous avions terminé de manger – un repas incroyablement copieux et riche en viande de toutes sortes – et nous étions assis devant la cheminée de la chambre de Melcrith, penchés sur des documents.

L'administration mâchefer, dont on m'avait toujours vanté l'organisation et la rigueur en comparaison de Lenclume, me semblait très lacunaire en matière de suivi des esclaves. Apparemment, les habitants de Titane étaient bien plus doués pour violer les esclaves à leur arrivée que pour conserver des archives fiables de leurs changements de propriétaire.

Les recherches furent longues, fastidieuses, et sans réelle progression. Mais cette partie de la journée eut au moins l'avantage d'être familière et rassurante.

Je ne cessai pas de m'étonner du confort de cette maison et à de nombreuses reprises, je levai les yeux de mes documents pour regarder le bon feu de cheminée, les élégants fauteuils, les moulures complexes du plafond et des fenêtres, les vitraux et le paysage incroyable du parc aux saules pleureurs.

Melcrith aussi leva les yeux de son travail à plusieurs reprises, mais c'était pour me demander comment j'allais et si j'avais besoin de quelque chose. Et étonnamment, j'allais bien et je n'avais besoin de rien. C'était d'ailleurs peut-être ma plus grande source de surprise : je n'avais pas l'impression d'être devenu un esclave, mais une sorte de prince habitant une riche demeure à l'élégance centenaire.

Vers la fin de l'après-midi, Agate vint nous annoncer que nous avions de la visite et qu'elle servirait le thé au salon.

Nous descendîmes alors pour trouver Lazuli, Khalkôs et Jade assis dans des fauteuils autour d'une table sur laquelle reposait un grand plateau contenant petits gâteaux et thé fumant.

Jade se leva d'un bond. Je me sentis d'autant plus gêné d'être en peignoir – sous lequel j'étais nu ! – qu'elle bondit de son fauteuil et me serra dans ses bras.

― Cobalt ! Qu'est-ce qui t'a pris ? C'est la pire idée que tu aurais pu avoir !

― Moins fort ! chuchotai-je. Les domestiques ne sont au courant de rien.

Elle s'écarta un peu de moi et ses cheveux noirs glissèrent sur ses épaules quand elle secoua la tête, consternée.

― Comment Devard a-t-il pu te laisser faire une telle chose ? reprit-elle sur le même ton. C'est dangereux, au-delà de tout ce que tu as jamais affronté, sans parler de... de...

Elle désigna mon peignoir.

― J'allais justement dire que ça te va très bien, Cobalt, fit remarquer Khalkôs avec un regard appréciateur en trempant un biscuit dans son thé.

― Khalkôs, taisez-vous, cingla froidement Jade.

Il me sembla déceler un sourire amusé sur les lèvres de Lazuli. Je remarquai que Melcrith, qui se tenait tout prêt de moi, semblait légèrement tendu et que Jade, elle, avait toujours les mains posées sur mes flancs. Peut-être qu'il craignait qu'un domestique nous trouve dans cette position et comprenne quelque chose. Ou alors il était seulement possessif. Cette pensée me troubla.

Je m'écartai lentement, en serrant affectueusement ses mains avant de les lâcher.

― Je vais bien, Jade. Je te remercie pour ta sollicitude. Et je suis heureux que ce soit toi que Devard ait envoyée pour me remplacer. Une personne compétente de plus ne sera pas de trop sur cette affaire. Je te présente le lieutenant Melcrith de Leïr ; Melcrith, l'inspectrice Jade Vitroves.

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