Chimène appréhendait le moment où son frère allait la récupérer, à tel point que la boule qui s'était formée au fond de son ventre transparaissait sur le point de rompre ses tissus. Elle enfonça un peu plus ses écouteurs dans ses oreilles et l'ongle de son pouce dans son index, espérant, vainement, noyer et tromper la peur qui la rongeait toujours plus.
Elle sentit Anaïs freiner, son pied plus léger que ceux des garçons qui la conduisait habituellement, comme si tout ceci faisait partie d'un ballet mené à la perfection. Comme si les voix dans la tête de la jeune fille avait été prédites, leur doux murmure poussant aux idées les plus sombres. L'adolescente inspira, prenant tout l'air qui lui était possible, jusqu'à en tituber intérieurement, saoule de ses propres pensées.Elle ouvrit la portière, n'osant regarder plus loin que le bout de ses chaussures ; elle savait que Bill la fixait, le poids de ses yeux lui rompant les épaules. Une balle de revolver entre ses deux yeux aurait paru plus aimant. Chimène avança vers lui, d'un pas incertain, craintif de ce qui allait advenir. Sans un mot, son frère la prit dans ses bras, la serrant assez fort pour lui briser une côte, camouflant son visage dans les cheveux blonds de sa cadette.
Dans ce contact, elle ressentit toute la terreur qui les avaient saisie, leurs bras tremblants, les soubresauts de leur cœur poussant les larmes hors de leurs yeux. Même si elle savait que Bill se contenait, devait se contenir, elle ne put retenir les torrents et ce hurlement cassé de peine et de peur. Il la serra, plus fort, s'assurant qu'elle était là, qu'elle ne disparaîtrait pas de la même façon que dans les rêves qui le torturaient.
Au loin, Jaeden et Anaïs rejoignaient un Darius plongé dans ses pensées, absent du moment présent. Kassidy était absente au tableau, mais cela n'avait aucune importance aux yeux de Chimène. Elle ne voulait plus ressassé la veille, toutes les émotions qu'elle avait vécu, et la fatigue dans tout son corps ne réclamait que le calme dans ses pensées.
- Ne me refais plus jamais un coup pareil, gronda Bill, la gorge nouée, l'éloignant légèrement afin de voir son visage, puis il essuya de ses pouces les quelques gouttes qui subsistaient encore.
- Je... je suis désolée. Tout me paraissait si irréaliste que j'ai cru qu'il s'agissait d'un rêve.
- Tu aurais dû venir m'en parler.
- Mais, Bill, tu es toujours si...
Elle s'interrompit brutalement. Nunavik gravissait les quelques marches de l'Hôtel Lumière d'un pas féroce. Bien décidée à éclairer la situation, la blonde adressa une rapide esquisse de sourire à son frère avant de filer vers l'elfe. N'osant s'emparer du bras de l'adolescente, elle prit tout de même soin de signifier sa présence par un petit raclement de gorge timide. Nunavik pivota si rapidement que c'en était presque irréel.
- Nuna, est-ce qu'on peut parler ? Demanda la Voyageuse Invisible, ne se rendant pas même compte de son emploi du surnom de sa thélény.
Cette dernière grogna une réponse indicible, tenant la porte après son passage. Chimène se précipita à sa suite, cherchant à ne pas énerver plus l'autre jeune fille. Nunavik la mena d'un pas sûr vers l'un des petits bureaux-bibliothèques qu'abritait le rez-de-chaussée du bâtiment. S'engouffrant dans la pièce, l'elfe indiqua à l'Enfant du Crépuscule d'en faire de même.
- De quoi voulais-tu m'entretenir ? Lâcha alors sèchement la brune, jaugeant les réactions de son ancienne amie, appuyée contre le bureau de bois usé accolé contre la fenêtre.
- Je ne voulais surtout pas te blesser, murmura Chimène en réponse, ses yeux rivés sur ses pieds. Je suis perdue, pour être honnête. Je ne sais plus ce qui est réel et ce qui ne l'est pas. J'ai ces vagues de souvenirs qui viennent et repartent, inlassablement. Et tu es là, dans chacun de mes souvenirs, sans que je ne parvienne à comprendre ton rôle dans ma vie.
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Derrière le Miroir
ParanormalQuand les étoiles saignent "Je ne les laisserai pas détruire ce monde qui est devenu mien. Je sais ce que la destruction fait, j'en suis le résultat. Je veux voir des enfants rires, sourire aux personnes âgées, sentir la pluie sur ma peau, rattraper...