Chapitre 10_offensive

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La demi-heure qui avait suivi avait été d'un chaos sans nom, mélange de panique, de peur accrue, de réaménagement complet d'un plan en un nombre interminable d'étape, d'espoir, et de calcul de probabilité de mort imminente.

Après un certain nombre de discours réconfortants qui ne m'ont moi-même pas du tout détendu et le calme en apparence revenu, des solutions avaient été trouvées.

Le général pensait-il avoir pris le dessus ? Nous avoir poussés dans une impasse ? Avoir gagné d'avance ? Et bien, il se fourvoyait complètement. Nous n'avions absolument pas l'intention de lui rendre son fils. Pas tout de suite du moins, nous avions encore besoin de lui, et Axel ne semblait pas vraiment presser de partir.

Respirant l'anxiété environnante, je pris le temps de m'observer quelques secondes dans le petit miroir crasseux de la chambre. J'avais revêtu l'armure peu reluisante fournie par l'armurier de Neflya, qui avait fourni un travail formidable. Les armures n'étaient certes pas de la plus grande beauté, mais elles couvraient l'intégralité du corps, étaient particulièrement bien renforcées à certains endroits stratégiques, n'étaient pas trop lourdes, et si elles étaient encombrantes, elles ne gênaient pas les mouvements, mais surtout, il en avait fourni une centaine en un temps extrêmement réduit.

Après toutes ces observations, je me rendis au réfectoire, pour la quatrième fois de la journée, alors que je n'avais encore avalé qu'une seule pauvre pomme. Lorsque j'entrais dans la grande salle, les soldats m'attendaient déjà, en rang, par espèce.

Les lions ailés à droite, les griffons à gauche, et au milieu, une rangée d'elfes, et une rangée de trolls. Derrière, les griffons, les trop jeunes, les trop vieux, et les blessés non rétablis restaient en retrait.

- Tout le monde est près ? Questionnais-je.

Tous me répondirent avec des hochements de tête, la plupart plutôt hésitants, d'autre plus déterminés.

- Des dernières questions ?

Au fond du rang de lions ailés, une tête poilue se redressa.

- Oui ! Quand est-ce qu'on va les ratatiner ? Demanda Astro, les babines étirées en un sourire mesquin.

- Maintenant ! Tous en formation !

Les elfes montèrent sur les lions, les trolls sur les griffons. Tout était près.

Je croisais les doigts à m'en faire mal, me retournais, et menais la troupe jusqu'à la porte de sortie, où je les fis sortir un par un, avant de m'envoler à mon tour.

Tandis que tous se dispersaient dans les nuages, en direction de la forêt, j'allais me poser sur la branche la plus haute de Faymow, tout près du petit coin où j'avais rencontré personnellement la reine pour la première fois.

Je ne resterais pas longtemps sur mon perchoir, je voulais juste m'assurer que tout se passe à la perfection, sans quoi tout le reste risquerait de dégénérer.

Doucement, je commençais à compter à voix basse.

- 1, 2, 3, 4, 5

Au loin, un chant s'éleva. Aussitôt, je mis les bouchons d'oreilles fournis par June. Tout le monde les avait enfilés avant de sortir.

- 6, 7, 8, 9, 10

Peu à peu, des soldats humains émergèrent de la forêt, et se dirigèrent à grand pas vers la crique aux sirènes. Personne ne pouvait résister à leur chant envoûtant. Lorsque vous l'entendiez plus de quelques secondes, c'était déjà trop tard.

Un a un, ils glissèrent dans les bras écailleux des femmes poissons. J'attendais de tous les voir se faire emporter dans les tréfonds de l'eau sombre avant de retirer mes bouchons d'oreille, puis je repris :

- 11, 12, 13, 14, 15

De petits points lumineux apparurent à l'orée du bois. Les mystiques petites créatures, très discrètes, nommées « Fées ». Après tout le temps qu'ils avaient passé dans les bois, j'étais tout de même convaincue qu'aucun d'entre eux ne les avaient encore rencontrer. J'eus probablement raison, étant donné le nombre d'humains qui se précipitèrent derrière elles lorsqu'elles disparurent entre les arbres. Quelques minutes plus tard, il fallut que je tende l'oreille pour entendre les hurlements de terreur qu'ils produisirent lorsque les racines puissantes des arbres les tirèrent sous terre.

- 16, 17, 18, 19, 20

Dans un timing parfait, une pluie de lions ailés et de griffon apparu a un kilomètre de là.

- Comment ça « pas fini » ? Axel, tu m'avais dit très fièrement que tu aurais largement assez de temps !

- Je sais, je suis désolé Phiyra, je pensais que ce serait beaucoup plus rapide. Il me manquait certains morceaux, et en plus, c'est pas comme si je montais moi-même des bombes tous les jours, c'est la première fois que j'essaie.

- La première fois... ? La première fois ?! Axel ! La première fois ? Tu m'avais juré que tu savais faire !

- En théorie, oui, j'ai déjà vu des gens faire plusieurs fois, et j'ai retenu toutes les étapes par cœur, j'ai juste jamais essayé tout seul avant.

Je m'éloignais de quelques pas et tournais en rond, comme un lion en cage, alors que tout un tas de scènes catastrophe me parvenait.

- Combien de temps ? De combien de temps, tu as encore besoin ? Demandais-je dans un souffle.

- Je sais pas, je suis pas sûr... Peut-être une demi-heure ?

- Je ne peux pas te donner autant de temps, c'est littéralement une question de vie ou de mort. On devrait déjà être en train de ressortir. Si jamais on met trop de temps, les humains vont s'apercevoir de la supercherie et vont nous prendre de vitesse. Je peux te donner dix minutes, pas plus.

Et sans attendre sa réponse, je sortis de la pièce, abandonnant les pages claires des livres bien rangés pour gagner l'ombre inquiétante des couloirs.

Je n'étais déjà pas sûre que mon plan puisse vraiment fonctionner, si en plus on manquait de bombes, ou qu'on mettait trop de temps à réagir, nous n'avions plus aucune chance. L'heure était déjà presque écoulée...  

NeflyaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant