Chapitre 6

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Cette nuit-là ne changea pas des autres. En plein milieu de la nuit, Emile vint se glisser dans le lit de Stiles et presser son corps empli de désir contre le sien. Et c'est ainsi qu'il le réveilla.

Le lendemain, Stiles se leva, la mort dans l'âme. S'il n'était pas utile de détailler ce qu'il avait pu vivre entre les quatre murs de sa chambre, il était clair que chaque matin, ouvrir les yeux était un défi. Car il en avait de moins en moins envie. Oh, bien sûr, il aurait pu s'épargner cette nuit d'horreur, de luxure morbide, mais il l'aurait payé cher en revenant. Il avait déjà bien donné de sa personne pour obtenir le droit d'aller à la réunion. C'étaient des petits bouts de lui-même qu'il avait sacrifiés.

Partir du loft avait été difficile pour lui, mais nécessaire. Derek avait insisté pour qu'il reste un peu plus longtemps, lui avait même proposé de dormir sur place, mais Stiles n'en avait pas démordu. Il devait rentrer, et il l'avait fait. Il avait toutefois tenu à rassurer le loup en lui disant qu'il lui enverrait un message lorsqu'il arriverait. En soi, il n'avait pas menti : il le lui avait envoyé juste après s'être garé devant sa modeste maison. Mais à ce moment-là, il n'était pas encore chez lui. En descendant de sa Jeep ce matin-là, Stiles pensa longuement à Derek, à son étonnante patience, à sa prévenance inattendue. L'hyperactif ne lui avait pourtant jamais fait de cadeau. Au contraire, il avait toujours eu tendance à vouloir l'asticoter et Derek le lui avait bien rendu en le plaquant contre les premiers murs qui venaient. En soi, cela faisait longtemps que ce n'était pas arrivé, chacun s'étant plus ou moins assagi sur certains points. Néanmoins, sa bienveillance de la soirée l'avait sincèrement touché. D'abord, il lui avait pris sa douleur avant de l'isoler dans une pièce dans laquelle il pouvait prendre le temps de se calmer avant de le rejoindre et de calmer sa crise de panique et, lorsque la réunion fut finie – réunion dont il l'avait exempt –, Derek avait patiemment cherché à le faire parler. Il lui avait montré une facette de lui qu'on ne voyait que bien peu : cette douce prévenance couplée à une inquiétude peu commune pour lui. Si Stiles n'entretenait pas son secret depuis si longtemps... Oui, peut-être qu'il aurait pu parler. Peut-être... Peut-être qu'il aurait eut une chance de réussir. Parce que Derek était un loup, qu'il savait faire la différence entre la vérité et le mensonge. Mais surtout, il était impartial et honnête : c'étaient des qualités dont il avait plusieurs fois fait la démonstration ces dernières années.

Oui, mais Derek pouvait tout aussi bien ne pas vouloir le croire malgré les preuves évidentes de sa sincérité. Après tout, son père l'avait bien traité de menteur jusqu'à ce que cet horrible mot s'ancre en lui et conditionne son comportement des années qui avaient suivi. Depuis lors, Stiles s'était évertué à mentir, puis se forcer à oublier. Pour la voie de la dissimulation, c'était réussi. Pour l'oubli... Non, il n'avait jamais vraiment pu arrêter d'y penser. Pourtant, cela n'avait pas été faute d'y penser. Dans un sens, la meute l'avait aidé étant donné que, devant s'investir à fond dans les affaires surnaturelles, Stiles devait forcément mettre ses démons de côté.

Avec le retour d'Emile, c'était devenu mission impossible.

Et maintenant, Stiles avait la trouille. S'il avait craqué une fois, il pouvait très bien recommencer. Il se sentait d'ailleurs fragile, comme si quelque chose en lui s'était ouvert et laissait voir à tous ce qu'il ne pouvait exprimer. Il savait que ce n'était pas vraiment le cas mais cette sensation d'être mis à nu le poursuivait sans arrêt, si bien que lorsqu'il descendit de sa Jeep, Stiles eut l'impression de quitter son seul rempart contre le monde extérieur. Et il se retrouva, fébrile et souffrant, à pénétrer dans le lycée. C'était là que le plus difficile commençait. Il devait au mieux avoir l'air normal, au pire arborer un air neutre. Rien n'était simple lorsque l'on n'avait qu'une envie : s'effondrer. Objectivement, il était épuisé. Ses blessures lui faisaient un mal de chien et il avait mis deux pansements sur chacune de ses brûlures en espérant ainsi atténuer le frottement causé par ses vêtements, mais c'était comme s'il n'avait rien fait. En passant devant les vestiaires, il ressentit la brusque envie de se doucher. Pourtant, ce n'était pas faute de s'être levé plus tôt pour se laver, tenter de retirer de son corps cette souillure incrustée en lui. Là encore, il avait l'impression que les mains sales d'Emile s'amusaient avec sa peau, passaient à des endroits indécents. Et lorsqu'il repensait à ce qu'il lui avait fait et qu'il continuait de lui faire subir... La nausée montait. Il la retenait fort bien, mais pour combien de temps ? S'il avait de la chance, sans doute ne vomirait-il qu'en rentrant des cours... Sinon, il lui faudrait trouver une excuse pour s'isoler à un moment ou à un autre. Pour l'heure, il se mentalisa au mieux pour carrément éviter de régurgiter ses tripes.

La Vérité dans le mensonge 2.0Où les histoires vivent. Découvrez maintenant