Le Sauveur aux deux couleurs

Chapitre 14

Le petit matin pointe le bout de son nez. Qu'est-ce que j'aime mon pays à ce moment-là de la journée. J'entends au loin des cris d'encouragement, ce doit être les jeunes joueurs de foot du club . Je n'aime pas particulièrement ce sport mais le groupe a pas mal de fans.

Sauf que ce matin-là est différent. Je suis rassuré de ne croiser personne sur mon chemin. J'aurais du mal à expliquer pourquoi je trimballe un homme blessé en pleine rue.

Mon oncle m'attend devant son portillon, tout en vérifiant de ne pas attirer d'œil indiscret.

- Entre mon garçon, tu me raconteras tout à l'intérieur, fait-il tout en me tirant doucement par la manche.

Délicatement, il m'aide à installer le Protecteur dans son canapé. Je vois qu'il a déjà tout préparé : plusieurs coussins pour bien maintenir sa tête, un plaid, de l'eau chaude, des bandages, du désinfectant, des médicaments pour la douleur... Mon oncle me surprendra toujours.

- Je vais préparer un bon galbi pour ce midi, ça devrait vous requinquer tous les deux.

Sa voix me réconforte immédiatement et je salive déjà à l'idée du plat qu'il va préparer.

Le galbi est une spécialité culinaire de la ville de Suwon. Un plat fait de boeuf mariné avec une sauce soja coréenne, mon oncle sait que j'adore ça. Et il n'y a pas de plat plus agréable, plus réconfortant quand on a un coup dur.

Je l'aide en cuisine jusqu'au début de l'après-midi, avant de m'assoupir à côté du Protecteur. Mon corps et mon esprit sont soulagés que la pression soit enfin retombée.

J'entends soudain Sélianaël bouger. Je me tourne de suite vers lui pour lui demander s'il va bien. Il me fait signe qu'il se sent bien mais légèrement migraineux.

Il saisit doucement ma main, la caresse, tout en fermant les yeux. Ce simple geste a l'air de lui faire du bien.

- Tu vas pouvoir te reposer, on est en sécurité ici, énoncé-je comme si j'avais entre mes mains le plus précieux des trésors.

- Merci Soohan, fait le Protecteur en déposant un léger baiser sur le dos de ma main qu'il n'a toujours pas lâché.

Je me retourne pour voir mon oncle commencer les soins.

- Sélianaël, je te présente Young-Jae Vyl'Karmi, mon oncle adoré. Et voici Sélianaël, le Protecteur du juge dont je t'ai parlé.

Les deux hommes se serrent la main chaleureusement.

- J'aurais aimé te rencontrer dans un autre contexte jeune homme, confesse mon parent en rigolant.

Mon oncle et moi nous occupons de la blessure de Sélianaël, puis lui donnons un anti-inflammatoire et un autre médicament pour dormir un peu.

Vers l'heure du dîner, la bonne odeur du galbi secoue mes narines. Je me dirige vers le cuisto pour lui demander s'il a besoin d'aide.

- Et si tu me racontais ce qu'il s'est passé en mettant la table s'il te plait ?

Je raconte en détail tout ce qu'il nous est arrivé : le message codé, la grotte, l'embuscade, et notre fuite.

- Et bien vous avez eu de la chance cette fois, conclut-il lassement.

- Je sais, et tu te doutes bien que ça m'agace de marcher dans le noir.

Mon téléphone sonne brusquement. Je vois que c'est Mona qui essaie de m'appeler. Et qu'elle a déjà essayé une bonne dizaine de fois. Mince, je n'ai pas du tout entendu ses appels !

Je m'isole dans le jardin pour ne pas réveiller l'alterien qui dort profondément.

Je ne peux m'empêcher de l'admirer, de le trouver beau, tout simplement. Je sens un engourdissement léger mais palpable dans ma poitrine. La sensation s'envole très vite en entendant la voix de Mona.