La première fois que nous nous sommes embrassés

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29 juillet 2009 – 22h56

Je négocie le dernier virage dans un dérapage, et la ligne d'arrivée apparait enfin devant moi. Je fonce en ligne droite et me rapproche à toute allure de l'arche finale, talonné par Luigi sur sa moto. Assis à côté de moi, Celio est tendu comme un arc, penché vers l'écran comme si ça pouvait faire accélérer son véhicule. Aucune chance, mon pote... je sens déjà les picotements familiers de satisfaction s'éparpiller dans mon cou alors que je m'apprête à franchir la ligne sous les hurlements déchainés de la foule lorsque...

- Mais noooon !!!

Une carapace rouge vient percuter mon kart, qui enchaine deux ou trois saltos dans les airs et laisse filer Luigi vers la victoire. Dans un mouvement rageur, je jette la manette sur la table basse et bascule en arrière contre le dossier du canapé la tête entre mes mains, tandis que Celio se lève d'un bond, complètement hystérique :

- J'ai gagné !! Putain les mecs ! J'ai battu Matteo à Mario Kart !!! J'y crois pas !!! Je suis arrivé premier !!! Regardez ce classement !!! C'est légendaire, ça... Est-ce que quelqu'un peut prendre une photo, s'il vous plait ?

Manifestement, il a autant de mal à croire ce qui vient de se produire que moi. Bordel. Tous les visages convergent vers Celio qui pointe son doigt en direction de l'écran, les yeux exorbités, avant d'entamer une danse de la victoire au milieu du salon, provoquant un éclat de rire général. S'il continue, je vais le tuer... tout simplement. A la place, je grogne d'une voix bien forte :

- Va te faire foutre !

Il ne trouve rien de mieux que d'éclater de rire et insiste, les poings levés vers le ciel :

- J'ai gagnéééé !! J'ai mis une mine à Matteo Bravetti !!!

Eh, oh ! Il faut qu'il se calme, là : je suis quand même deuxième... putain, seulement deuxième. Il cherche à me faire péter un boulon, en fait. Hors de question que je lui donne ce plaisir : je me contente de l'observer d'un œil noir tandis que les autres se tordent, hilares. Ils savent que je déteste perdre. Surtout aux jeux vidéo. Surtout à Mario Kart. Pfff... je suis un vrai gosse... même si, pour être honnête, ça me fait rire moi aussi de le voir gesticuler comme un fou. Mais plutôt mourir que de l'avouer.

- Allez, poussez-vous, c'est notre tour !

L'intervention de Giada et Silvio met fin au cinéma de Celio, qui consent enfin à rejoindre Alessia à l'autre bout du canapé, à moitié suffoquant. Je saisis ma canette de Sprite et me lève pour laisser ma place. Assis sur le dossier d'un fauteuil, je suis d'un œil distrait le départ de la course quand un léger tapotement sur mon épaule attire mon attention :

- Ça va aller, mon pote... m'encourage Tomeo d'un air compatissant.

Je plisse les yeux, dubitatif : Tomeo et la compassion, c'est comme si on essayait de mélanger de l'huile et de l'eau – c'est juste pas possible, en fait. Son expression apitoyée se transforme d'ailleurs après une seconde ou deux en un sourire moqueur :

- ... tu verras, tu finiras par t'habituer.

Qu'est-ce que je disais ? Espèce d'enfoiré. Et ces gars-là font partie de mes meilleurs amis ? C'est une blague ?

- Toi aussi, je t'emmerde, répliqué-je dépité alors qu'il pouffe comme un crétin.

Je lui envoie un coup sec dans les côtes pour qu'il comprenne bien le fond de ma pensée – avec lui, c'est ce qui fonctionne le mieux. Il se tord en deux comme s'il venait de recevoir un boulet dans l'estomac.

- T'es malade ? couine-t-il en manquant de s'étouffer.

Sofia, qui ne se trouve jamais bien loin de lui – et je dirais même qu'au fil des jours, elle est de plus en plus près -, se précipite et passe un bras autour de ses épaules d'un air choqué :

Le prime volte (Les premières fois)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant