Chapitre XXVI

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- Tu...tu es venue ? J'étais estomaquée, je devais avouer que j'avais proposé cette idée surtout pour retarder la mise en application du plan de Mathieu. Et accessoirement pour me permettre de trouver une meilleure idée.

- Ben oui ça se voit, non ? Je répète ma question : Quand est-ce qu'on part ? Si je suis ici pour vous voir m'observer bouche-bée je peux aussi repartir, répondit-elle les sourcils froncés. Rassurez-moi quand même, vous ne m'avez pas menti ? nous interrogea-t-elle suspicieuse, nous avons bien une quête à remplir ?

Mathieu reprit ses esprits plus vite que moi.

- Oui, oui enfin je veux dire non nous ne t'avons pas menti, pour l'instant tu rentres avec nous chez la dame chez qui nous logeons. Nous partirons le plus vite possible, le temps d'établir le chemin que nous allons prendre pour retrouver Adrien, le 4ème Elémenti.

- Je n'arrive pas à croire que je suis en train de faire ça, soupira Anna, mais bon c'est entendu, je vous suis.

Je lui souris.

- Merci !

- Oh ne me remercie pas, si cette « quête » s'avère un tant soit peu trop risquée, je n'hésiterais pas à faire demi-tour.

- Mais...protestais-je.

- Écoute si tu n'es pas contente, je peux aussi m'en aller tout de suite, me coupa-t-elle.

- Non, non, reste ! Je suis sûr que Gabrielle comprend très bien cela. N'est-ce pas ? répondit Mathieu en me fusillant du regard et en m'incitant fortement à répondre par l'affirmative.

Pff, ce petit prétentieux pouvait toujours rêver. Vexée, je détournais le regard. D'autant plus qu'il avait raison, mieux valait ne pas remettre en cause le choix fragile d'Anna pour le moment. Malheureusement, elle se rendrait vite compte qu'une quête sans aucun risque était à peu près aussi courant que du raisin sans pépins.

Je décidai de les laisser me distancer et de renouveler ma tentative téléphonique avec Éric. Au bout de la troisième sonnerie, j'entendis une voix bourrue au bout du fil.

- Allô Gabrielle, tout va bien ? Il vous est arrivé quelque chose ??

- Non, non, ça va, m'empressai-je de le rassurer (puis baissant la voix), nous avons récupéré Anna, nous sommes en train de rentrer chez Mlle Joline.

- Pardieu ! J'savais bien que vous en étiez capables ! Vous pouvez être fiers de vous !

Je perçus ensuite des grésillements avant de l'entendre de nouveau.

- Bon, j'dois te laisser maintenant.

- Non attendez !

- Écoute Gabrielle, si ce n'est pas urgent tu m'expliqueras après tu veux ?

Je décidai d'employer la manière forte.

- Je vais abandonner la quête.

- Comment ?! s'exclama-t-il. Mais tu es complètement fada !

- Non. Seulement tant que vous ne nous aurez pas donné plus d'informations, je ne pourrais pas continuer. Enfin franchement, nous ne savons même pas à quoi ressemblent nos ennemis !

- Si tu es prête à abandonner la quête juste par curiosité alors tu n'es pas prête à l'accomplir tout court, Gabrielle.

- Vous voulez dire que vous refusez de me donner plus d'informations ?

- Exactement. Non mais sérieusement tu as perdu la tête ! Je ne peux rien te dire de plus pour l'instant en tout cas.

- Alors vous pouvez considérer que je ne fais plus partie de votre quête insensée !

J'avais dit cela, les larmes aux yeux, sous le coup de la colère sans penser aucun de mes mots, mais c'était trop tard : d'un ton las Éric répondit :

- Je suis désolé même si j'avoue que tu me déçois beaucoup, Gabrielle mais bon, c'est ton choix. Tu devrais tout-de-même y réfléchir. Bonne soirée.

Sans me laisser le temps d'ajouter quoique ce soit, il raccrocha. « Par curiosité » ? Non mais pour qui se prenait-il ? Un inconnu me demandait de risquer ma vie et je devais en plus lui obéir à l'aveugle ! Ma rage était telle que sans faire attention où je marchai, je trébuchai sur une dalle de travers, me retrouvant affalée par terre. Mon menton heurta le sol. Je serrai les dents. Enfin quoi, j'avais parfois l'impression d'être un aimant à mouises !

Le bruit alerta Mathieu et Anna qui, en pleine conversation, m'avaient bien sûr entièrement oubliée. Mathieu secoua la tête, exaspéré, comme s'il était désormais habitué à me voir tomber, ce qui n'était pas si faux. Mais surtout il semblait sur le point de se retenir de rire. C'est vrai que c'était excelleeeeemment drôle de me voir tomber ! Anna, elle, me demanda gentiment :

- Euh...ça va ?

- Oui tout va bien, merci, répondis-je sèchement, en me relevant tout en époussetant mon jean.

- Oh...D'accord, très bien.

Au fond de moi, je me trouvais injuste. Anna m'avait simplement demandé si j'allais bien, pourquoi fallait-il que je rabatte toujours ma mauvaise humeur sur les autres ? Je savais bien qu'en fait j'étais simplement énervée et honteuse. Honteuse parce qu'Éric avait raison. Et Mathieu aussi. Refuser de faire la quête était une réaction curieuse et égoïste que je justifiai un peu par l'aspect dangereux qu'elle contenaît. Je devais cesser de me mentir à moi-même. Éric savait bien que ce n'était pas encore le moment opportun pour tout nous expliquer, sinon il l'aurait déjà fait. Il n'avait aucune raison de nous voir risquer notre vie si ce n'était pas important. C'était quand même...mon grand-père. Curieusement c'est à cet instant, alors qu'il venait de me réprimander, que j'eu pour la première fois la sensation qu'il était vraiment celui qu'il prétendait être. Soit le père de ma chère maman...Elle me manquait tant...

Et maintenant, je l'avais déçu. Et je décevrais aussi Mathieu lorsqu'Éric lui expliquera que je m'étais retirée de la quête. Tout ça à cause de mon orgueil qui m'avait empêché de reconnaître qu'il avait raison sur le moment.

Tout à mes pensées, je n'avais pas remarqué que nous venions d'arriver. Je devrai maintenant parler avec Anna de tout ça, ce dont je ne me sentais pas encore capable pour l'instant. C'en était trop. Je fonçai aux toilettes et fondis en larmes : je ratais toujours absolument tout.

Adversus TenebrisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant