Chapitre XXIII

5 2 11
                                    

Avec Mathieu, nous n'avions plus reparlé de notre dispute même s'il semblait plus distant. À moins que mon imagination ne me joue des tours. En tout cas j'avais continué d'aller aborder Anna, sans succès malheureusement. Mathieu quant à lui prenait simplement des notes...dont il ne voulait pas me parler. Les journées se succédaient, Sam ne m'embêtait plus depuis que Mathieu l'avait menacé de le retrouver à la fin des cours ou bien d'aller le dénoncer au proviseur s'il s'avisait de recommencer.

De toutes manières, le plan de classe avait changé et je me trouvais maintenant à côté de Juliette et d'un garçon nommé Théo, un geek plutôt sympathique qui déjeunait maintenant avec nous en plus de Juliette. À part avoir appris auprès de Juliette que Cicéron, nom du célèbre orateur romain voulait en fait dire « pois chiche » ou bien que le mot « swag » avait été inventé par Shakespeare dans Le songe d'une nuit d'été et signifiait fanfaronner, je n'étais pas plus avancée qu'au début. Nous étions déjà vendredi. Il ne nous restait qu'une semaine. À la fin de la journée, je décidai d'aller voir Mathieu :

- On ne peut pas continuer comme ça, il nous faut un plan. Dans cinq jours si je ne compte pas cette après-midi, ce sera la fin des cours !

- J'ai proposé une idée, tu n'es pas d'accord, je ne peux rien faire de plus.

Il se détourna mais je réussis à le rattraper par le bras avant qu'il ne s'en aille. Le fixant dans les yeux, je lui répliquai :

- Bien sûr que si, il y a forcément un autre moyen !

- Écoute, Éric m'a appelé hier en m'expliquant que nos adversaires devenaient de plus en plus nombreux et qu'il était désormais certain qu'ils sont au courant de notre existence, et ne me demande pas comment parce que je n'en sais rien. Alors nous n'avons pas forcément le temps de trouver « un autre moyen », répliqua-t-il sèchement.

Oubliant ma stupeur quant à cette révélation, je me concentrai sur un autre point :

- Éric t'a appelé et tu ne m'en as pas parlé ?

- Je pensais que tu ne changerais pas d'opinion de toutes façons.

- En effet, mais ça ne veut pas dire que tu dois me dissimuler ce genre d'information !

- D'accord, souffla-t-il, exaspéré, je te dirais la prochaine fois si tu veux. En tout cas, la situation est grave. Qui sait ce qu'ils pourraient nous faire s'ils nous retrouvaient ? Alors, je veux bien chercher une autre idée mais si on n'en trouve pas une avant lundi, on fait ce que j'ai proposé.

Je réfléchis un instant puis je soufflai à contrecœur :

- D'accord. On peut déjeuner rapidement puis aller sur le banc à l'arrière de la cour pour en parler.

À l'évocation de nos déjeuners, je vis l'ombre d'un sourire naître sur le visage de Mathieu.

- Tu penses que Juliette nous parlera de quel auteur cette fois-ci ?

- Qui sait peut-être aurons-nous un repas normal où nous parlerons des profs et des cours, répondis-je amusée.

- Je n'y crois pas une seconde.

Mathieu avait eu raison de ne pas y croire. À peine étions nous assis qu'elle nous demanda d'un air malicieux :

- Avez-vous déjà entendu parler de ...

- Et si on parlait d'autres choses que de tes meilleurs amis les poètes pour une fois ? grogna Théo ce qui eut pour effet de nous faire rire avec Mathieu.

- Pourquoi ? Que pourrait-il y avoir de plus intéressant ? s'étonna Juliette.

- Je ne sais pas moi, soupira-t-il. Les mangas, les jeux-vidéos, le rugby...tu t'extasies devant des gens morts depuis super longtemps là !

- Pff, tu n'y comprends vraiment rien, puis se tournant vers nous, pas vrai ?

- Ah vrai dire, commença Mathieu hésitant, la main dans les cheveux, j'aime bien les auteurs classiques, leurs vies et tout mais Théo n'a pas tort, il y a d'autres sujets de conversation.

Juliette croisa les bras, boudeuse.

- Et bien on a qu'à essayer d'autres sujets pour voir, proposai-je, aujourd'hui c'est Théo qui nous parle de jeux-vidéos, de rugby ou de je-ne-sais-quoi et on verra bien ce qui nous intéresse le plus !

- C'est pas juste, répliqua l'intéressé, je ne m'exprime pas aussi bien que Juliette, moi.

La mine déconfite de celle-ci eut l'air de se recomposer.

- Je pense que tu peux essayer en tout cas. Tu sais Démosthène avait tellement du mal à s'exprimer qu'il a dû s'entrainer à parler avec des galets dans la bouche ce qui ne l'a pas empêché de devenir l'un des plus grands orateurs !

- Merci pour la comparaison mais je n'ai aucune envie de bouffer des cailloux.

- Simple idée, dit-elle en haussant les épaules.

Pendant ce temps, Mathieu et moi avions rapidement fini notre assiette même si j'avais renversé mon verre deux fois et dû demander à Mathieu de couper ma viande, mes gestes étant trop imprécis. C'étaient d'assez bonnes raisons pour partir. Mathieu me jeta un regard entendu : Il était temps de discuter du problème d'Anna.

- Bon ce n'est pas tout mais Gabrielle et moi on doit bosser sur un projet important alors à tout à l'heure, déclara Mathieu en se levant.

- Un projet ? Mais les vacances sont dans une semaine ! répliqua Juliette.

- Euh oui mais c'est pour une histoire de stage, inventai-je.

- Hum...en tout cas maintenant on n'a personne pour servir de juges, soupira Juliette déçue.

- Désolée. Une prochaine fois ?

- Oui oui c'est ça.

Je lui fis un petit sourire désolé puis partis ranger mon plateau.

Adversus TenebrisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant