Je contemple la pluie. Depuis qu'elle a commencé hier, elle ne s'est pas arrêtée. Et tellement de choses se sont passées...
- Liam ?
Je soupire.
- Quoi ?
Miss Parfaite esquisse un mouvement de recul devant mon attitude agressive. Puis elle se reprend et me sourit, de ce putain de faux sourire que je hais du plus profond de mon cœur.
- Est-ce que tu peux regarder ça s'il te plaît ?
Elle me tend une fiche où s'étale sa belle écriture de première de la classe. Je ne prends même pas la peine de la lire.
- Fiche-moi la paix.
Du coin de l'œil, je la vois se mordre la lèvre, comme pour se retenir de pleurer. Puis elle tourne les talons. Je retourne à la fenêtre. Puis à la table. C'est pas vrai !
Je serre les dents. Elle m'a laissé sa fichue feuille de merde. C'est qu'elle est rusée cette Miss Parfaite. Douée même. Elle ferait une bonne voleuse. Est-ce que Renard Roux l'enrôlerait, elle ?
J'attrape la fiche et la parcours rapidement du regard. Des phrases. Ce ne sont que des phrases. Mais l'une d'elle retient mon attention.
« Au fond, les adultes sont tous des emmerdeurs. »
Surpris, je la relis plusieurs fois. Les adultes, des emmerdeurs ? Oui, je suis totalement d'accord avec ça, mais d'où est-ce qu'elle sort ça, elle qui est si parfaite ? Comment a-t-elle pu ne serait-ce que penser ça ?
Ma curiosité se réveille. Serait-elle comme moi finalement ? Peut-être qu'elle aussi trouve cette société franchement merdique. Peut-être que son sourire est faux parce qu'elle ne trouve pas sa place comme... moi ?
Hébété, je fouille la salle d'étude du regard. Je ne la vois nulle part. Où est-ce qu'elle peut être partie ? Et pourquoi disparaît-elle au moment où j'ai envie de discuter avec elle ?
Soudain, une idée me traverse l'esprit et me glace le sang. Si ma supposition est exacte, si elle se sent vraiment mal, est-elle partie... pour ne plus revenir ?
La panique me gagne subitement. Je ne le supporterais pas s'il lui arrivait quelque chose sans que j'ai pu l'empêcher. Si je l'ai vraiment mal jugée et que mes réactions l'ont vraiment blessée... Si elle se sent terriblement seule... Qui sait ce qu'elle pourrait faire ?
Je me lève précipitamment et sors de la salle. Où est-ce qu'elle est allée ? Au CDI ? Dans les couloirs ? Dehors, sous la pluie ?
Je cours. Pitié, ne me dites pas que... ne me dites pas que j'ai raison ! Et pourquoi me donner ça à moi ? Pourquoi pas à Maya, sa meilleure amie ? Pourquoi... pourquoi ?!
La sonnerie me coupe en plein élan. Ça veut dire que... je suis censé avoir cours de maths. Suis-je bête ! C'est l'endroit où je suis le plus susceptible de la trouver ! La salle de maths. Miss Parfaite ne louperait un cours pour rien au monde.
Mais au moment où je pousse la porte, je comprends que je me suis trompé. Personne n'occupe la place au premier rang qui lui est habituellement réservée. Maya est assise avec Jade. Personne ne semble se soucier d'elle.
Je repars en courant. Je croise le prof de maths, mais je m'en fiche. Oui, je vais sécher. Mais il y a une bonne raison à ça.
Bon sang, mais où est-ce qu'elle est ?! J'ai fouillé tout le lycée, et elle n'est pas dans la classe avec les autres. Alors où... ?
Je m'arrête brusquement. Et si...
Ça vaut le coup de tenter !
Je sors du lycée et cours vers les Quartiers. Heureusement, la pluie s'est arrêtée. Mais ce simple fait ramène aussi la foule dans les rues, ralentissant ma course.
Je traverse le No Man's Lands à toute vitesse lorsque quelqu'un m'arrête brusquement. Impatient, je me tourne vers la personne qui me tient le bras. Et me fige aussitôt.
- Ma... maman... ? je bredouille, toute mon énergie s'envolant d'un coup.
Elle me sourit et me lâche le bras. Mais je ne reprends pas ma course. Qu'est-ce que... qu'est-ce qu'elle fait là ?
- Comment tu vas mon chéri ? me demande-t-elle d'une voix mielleuse.
Je me reprends immédiatement et serre les dents. Elle ne se soucie de moi qu'après plus de deux ans d'absence. Et tout ce que j'ai vécu entre-temps, elle s'en fiche ou quoi ? Et c'est quoi ce grand sourire maquillé ? Elle essaie de me faire croire que je lui ai manqué ? La belle connerie.
Je décide de jouer le jeu. On verra bien qui en aura marre le premier de jouer la comédie !
- Ça va, et toi « maman » ?
- Et bien justement, puisque tu me le demandes, pas si bien que ça...
C'est bon, j'ai compris. Elle veut se plaindre à quelqu'un, voire même lui « emprunter » de l'argent. Et elle a dû se dire que son ex-mari pourrait la dédommager. Sérieusement... elle le connaît tout autant que moi, elle sait très bien qu'il est incapable de ne pas dépenser.
- Et bien dans ce cas, consulte un psy. Je suis juste le fils que tu as abandonné moi.
Ses yeux s'écarquillent. Moi, je ne laisse rien paraître. Après tout, c'est la vérité. Elle m'a abandonné avec mon salaud de père quand elle a divorcé. Ah, peut-être qu'elle est tellement cruche qu'elle ne s'en était pas rendue compte ? Ou bien peut-être qu'elle est suffisamment cruelle pour me faire croire que c'est le cas.
- Je te laisse, j'ai quelque chose à faire.
Je lui tourne le dos et me prépare à reprendre ma course lorsque sa main m'attrape de nouveau le bras. Sur le coup, je suis tellement en colère contre elle que je me dégage avec une brutalité qui la fait tomber par terre. Elle me dévisage comme si elle avait peur de moi.
- Mon dieu, mais qu'est-ce qu'il se passe ici ?
- On dirait qu'un jeune des Quartiers agresse une femme...
- Ils n'ont pas honte de faire ça quand il fait jour ?!
- Ce ne sont que des brutes de toute façon.
- Ils ne connaissent que la violence.
- On dit que certains d'entre eux ne savent même pas parler, qu'ils sont plus proches des bêtes que des humains.
Un cercle se forme peu à peu autour de espèce de femme-serpent qui vit au crochets des autres et moi-même. Sauf que les passants ne la voient que comme une victime, et moi comme le coupable. Ils ne savent rien et ils se permettent de juger. Quels hypocrites.
- Pourquoi es-tu si monstrueux avec ta propre mère ?! s'exclame ma génitrice en laissant couler quelques larmes.
Je serre les dents. Quelle bonne actrice...
- Tu devrais avoir honte salaud !
- Laisse ta mère tranquille !
- Tu ne vois pas qu'elle pleure ?
Plusieurs personnes aident ma génitrice à se relever. Elle fait mine de vaciller et de s'effondrer de nouveau avant de se rattraper de justesse à un homme. Je le plains. Il sera sans doute sa prochaine proie... Surtout avec ses beaux yeux bleus !
- Pouvez-vous me lâcher s'il vous plaît ? demande-t-il pourtant d'un air calme. Je suis pressé.
J'esquisse malgré moi un petit sourire. Ah... qu'il fait bon de la voir être rejetée au moins une fois !
Mais ma mère s'accroche encore plus à lui, comme si elle ne l'avait pas entendu. Quelle vipère... Je la hais, je la hais si fort que j'aimerais qu'elle disparaisse de la surface de la Terre. Une ordure pareille ne manquerait à personne. Et surtout pas à son fils.
Toujours accroché au même homme, elle me lance un regard hautain. Je serre les poings pour me retenir. Je ne dois pas, je ne dois surtout pas lui sauter à la gorge.
La tension monte, quand soudain une voix retentit derrière moi.
- Liam ? Mais qu'est-ce qu'il se passe ici ?
VOUS LISEZ
Hannah, Tome 2 ~ Nos blessures invisibles
RandomEntre son père alcoolique, sa mauvaise réputation dans le quartier et ses mauvaises notes à l'école, Liam a tout d'une vie abominable. Seuls ses collègues de la salle de sport où il travaille pour se faire quelques sous lui apportent un peu de récon...