Hannah, Tome 2 ~ Nos blessures invisibles

Confidences

( Maya )

- J'aime bien ta maison.

Surprise, étonnée, bouleversée, je dévisage Hannah. Elle qui habite à l'Élysée, elle qui vit dans le luxe, elle qui semble au-dessus de moi en tous points, elle aime bien ma petite maison du No Man's Land ?

- Ne sois pas si surprise, fait-elle en illuminant ma demeure de son doux sourire, je suis plutôt simple comme fille. Et contrairement à ce que tu as l'air de penser, je n'ai pas une maison luxueuse, juste un peu plus grande que celle-ci.

C'est comme si je découvrais une autre personne. Au lycée, elle est toujours plongée dans ses études, ou bien en train d'aider quelqu'un, ou encore en pleine discussion avec des professeurs. Là, elle me paraît plutôt comme une fille de mon âge, comme une fille qui sait s'amuser, comme une fille qui serait réellement mon amie.

- D'ailleurs tu sais que je vais à la salle non ?

J'acquiesce. En vérité, je n'en reviens toujours pas. La danseuse masquée, comme l'a appelée Liam, n'est pas la meilleure du cours loin de là. Mais elle danse de tout son être, de toute son âme, de toute sa force. Comme si sa vie en dépendait. J'ai souvent été hypnotisée par elle. Je me demandais qui elle pouvais être, mais jamais je n'aurais deviné que c'était Hannah.

- Il y a d'autres choses que je ne sais pas ? je lui demande en l'emmenant dans ma chambre.

Elle m'adresse un doux sourire que je sens triste. Tout son visage me semble accablé par un secret lourd à porter, mais dont elle ne peut se défaire. C'est comme si elle se retenait de s'exprimer pour le bien des autres, mais aussi pour se protéger.

- Hannah, si jamais tu veux parler, je sais écouter...

Elle ne répond rien et s'assied sur mon lit en tailleur, l'air perdue dans ses pensées. Moi, je reste debout à côté de mon placard. Clairement séparé en deux, il est dissimulé derrière deux rideaux : l'un d'un rose pâle, l'autre violet pastel. Derrière le rose pâle se trouve toutes les tenues que je déteste, mais que je mets au lycée. Et derrière le violet pastel, mon véritable style que je cache au monde entier.

- Tu sais, déclare soudainement mon amie, ce n'est pas la première fois qu'on me dit ça.

Attentive, j'attends la suite. Même si à l'origine elle est venue pour m'aider, je suis prête à lui venir en aide si elle en a besoin. Peut-être que de cette façon, nous deviendrons de vraies amies...

- Je n'ai pas souvent répondu, poursuit-elle, le regard dans le vague. J'aurais dû, je le sais maintenant.

Je l'observe. Elle semble avoir du mal à se laisser s'exprimer. L'en a-t-on empêchée ou bien s'est-elle bridée toute seul ? Je pencherais plutôt pour la seconde option.

- Mes parents sont morts il y a plus de 2 ans.

Mes yeux s'écarquillent sous le coup de la surprise. Je ne m'y attendais pas du tout. Il est vrai que je ne suis jamais allée chez elle, mais c'est surtout parce que l'occasion ne s'est jamais présentée. Et elle ne venait jamais aux réunions parents-professeurs. Je comprends pourquoi maintenant.

- Tu vis où ? est la seule chose que je parviens à dire.

- Chez mon grand frère et sa femme. Ils sont mes responsables légaux depuis l'accident.

Je reste silencieuse. C'est vrai qu'Hannah ne parle jamais de sa famille. Je comprends pourquoi maintenant. Elle veut sans doute éviter les regards compatissants. Je sais qu'ils sont souvent plein de bonne volonté, mais c'est insupportable.

- Ma mère est morte en me mettant au monde.

C'est à son tour de me dévisager. Une lueur de compréhension traverse son regard, et elle me sourit. Pas un sourire forcé ou triste, mais plutôt un sourire de solidarité. Un sourire d'amie sincère.