Tout est silencieux, on entendrait une mouche voler. Les membres de la Meute se sont tus. Mes amis et mon père sont figés. Renard Roux reste immobile. Gueule de Loup a une lueur inquiétante qui danse dans son regard. On dirait qu'il en veut plus, toujours plus.
Puis tout repart. La Meute hurle, ceux qui sont de mon côté m'acclament et Renard Roux me dévisage. Sans prévenir, il repart d'un coup. Mais cette fois je suis prêt. J'ai eu le temps de voir son rythme, de m'y habituer. Je ne dirai pas que je suis capable de le suivre, ça non. Mais je saurai peut-être y faire face.
Commence alors une danse étrange comme je n'en ai jamais menée. Je n'esquive pas, j'accepte les coups pour avoir la possibilité d'en donner. Je m'approche de lui pour qu'il ne puisse pas les éviter, il en profite pour me cribler de blessures. Mais je suis résistant à la douleur. Cela fait des années que mon père me frappe pour un oui ou pour un non, des années que je force mon corps à toujours faire plus, des années que je l'entraîne. Tous mes efforts avaient pour but ce combat, je le comprends maintenant. Tout mon être s'est tendu vers cet instant fatidique, se forgeant pour y faire face.
Je décèle plusieurs fois de la surprise dans le regard marron de Renard Roux. Quand j'enchaîne un coup après en avoir reçu un, quand je lui fait une blessure, quand parfois je l'évite. Il n'est pas habitué à combattre comme ça, c'est une première pour lui. Pourtant, je sais très bien qu'une fois qu'il s'y sera fait je n'aurai plus aucune chance. Tout se joue ici et maintenant.
Nous sommes tellement plongés dans ce combat que nous n'entendons plus rien. Je n'entends plus les cris de la Meute, je n'entends plus les encouragements de mes proches. Je n'entends que mon cœur qui bat, le bruit des mes poings contre sa peau, le bruit des siens contre la mienne. C'est un univers fermé, où il n'existe que nous deux.
Soudain, j'aperçois un mouvement du coin de l'œil. La seconde d'après, je suis sur les fesses, abasourdi. Renard Roux est dans la même situation. Nous n'avons rien vu venir, rien senti, rien entendu.
Stupéfait je découvre, plantée entre nous deux et faisant face à Gueule de Loup avec les bras croisés et un regard débordant de confiance, mon amie la plus chère, ma grande sœur, celle qui me comprend le mieux, Hannah. Hannah qui défie le chef de la meute du regard, Hannah qui nous a séparé alors que tout le monde ignorait qu'elle savait se battre, Hannah qui a à cet instant précis une aura presque aussi écrasante que celle de Gueule de Loup.
- Je peux savoir ce que tu fous ici ? rugit la voix du chef de la Meute.
Un ton agressif qui en aurait fait reculer plus d'un. Une aura menaçante à faire pipi dans son slip. Un regard effrayant à en faire des cauchemars. Mais Hannah reste plantée là, débordante de confiance.
- Et toi, je peux savoir ce que tu fais subir à mon frère ? réplique-t-elle d'une voix calme mais glaciale.
Je reste figé tandis que les larmes me montent aux yeux. Alors elle aussi, elle me voit comme ça ? Pour elle aussi, on fait partie de la même famille ? Pour elle aussi, on est frères et sœurs ?
- Ça serait toujours moins pire que ce que ton frère a fait à ma sœur.
Sa sœur ? De quoi il parle ? Je n'y ai jamais touché, je ne savais même pas qu'il en avait une...
Et puis je comprends. Ce n'est pas de moi qu'il parle, mais du grand frère d'Hannah. Adam. Je lui jette un coup d'œil. Son visage est décomposé, et il est tellement livide qu'Héloïse est obligée de le soutenir. On dirait qu'il peut s'évanouir à tout instant.
Pourtant, il repousse sa femme et s'avance. Sans trembler et malgré son teint blême, il s'avance seul dans ce milieu hostile. Pour protéger sa sœur.
VOUS LISEZ
Hannah, Tome 2 ~ Nos blessures invisibles
LosoweEntre son père alcoolique, sa mauvaise réputation dans le quartier et ses mauvaises notes à l'école, Liam a tout d'une vie abominable. Seuls ses collègues de la salle de sport où il travaille pour se faire quelques sous lui apportent un peu de récon...