Deux yeux bleus très clairs, si clairs, comme des cristaux, transparents. 'Fin j'sais pas, moi j'ai jamais vu des yeux de cette couleur. Elle est vraiment cheloue. Puis, entre les yeux, un peu plus bas, un nez fin se dessine. Et des joues creuses, blanches, sans imperfection, parsemés d'un nombre indéterminé de grains de beauté.
Des lèvres, enfin. Des lèvres ni fines ni pulpeuses, d'une forme inhabituelle. La lèvre d'en haut est bien tracée, un peu comme le mouvement d'une vague. Une ancienne cicatrice la rayait, vers l'aile gauche. La lèvre d'en bas ? Elle est plus charnue, rosie. Ses dents étant assez grandes, il garde la bouche entrouverte.
Ça, je le remarque que maintenant. Tout ces détails, toutes ces courbes. Je les ai jamais distingués auparavant. Ouais, parce que soyons honnête, y a aucune raison qui me pousserait à mater – plus d'une minute – la gueule de Alexis. C'est Alexis, quoi ; le mec avec qui j'bosse pour un projet de droit aussi chiant qu'important. Pourquoi, ce soir, son visage est si proche du mien ? 'Fin, je comprends même pas ce qui s'passe. C'est du n'importe quoi, cette situation.
Je suis sûrement entrain de faire un de ces rêves chelous. Ceux après lesquelles tu t'réveilles complètement sonné, ceux après lesquelles tu t'demandes : mais c'est quoi ce putain de rêve bizarre là ?
— T'aurais vu ta gueule, mec. Kesta ? il demande de sa voix chiante.
— Rien.
J'aurais préféré lui retourner la question. C'est pas lui qui me regarde ? Si, c'est lui. Moi, je fais que le mater en retour, juste pour tenter de lire dans ses yeux quelque chose. Mais ses pupilles sont vides, j'crois. Ouais, vides. Une boule de salive glisse dans ma gorge, lorsque ce mec se rapproche un peu plus de moi.
— Ça doit pas être si mal que ça... il prononce, avant de bouger son bras, remontant sa main vers le haut.
Ma voix fonctionne plus. Mon cerveau, bah, il fonctionne à moitié. Mon corps fonctionne plus du tout et ce, depuis quelques courtes minutes. Quant à ma respiration... putain. Elle s'arrête au moment où la main d'Alexis s'retrouve devant ma face. Qu'est-ce qu'il fout, wesh. J'arrive pas à anticiper ses gestes, j'arrive pas à deviner ses intentions.
— Chill, hein, reprend-t-il, puis même pas une seconde après, son doigt se place sur ma lèvre inférieure.
Son doigt, il reste immobile, il fout rien. Juste il est là, présent. Je ressens sa légère pression, sa petite pression. Rien de très sensationnel, en somme. Mais je sais pas... putain, je sais pas. Ça me stresse un peu, qu'il touche ma lèvre. J'veux qu'il retire son doigt. Je n'arrive pas à le supporter à cette place en particulier. Mais comment le lui dire, lorsque ma voix veut plus sortir de ma gueule. Y a un truc qui me retire la faculté de parler.
Lorsque j'ressens son souffle sur le bas de ma joue et que ses yeux font des allers-retours de mon cou à mes lèvres, j'comprends que je peux plus faire marche arrière. C'est fini. Trop tard. J'suis obligé. Ouais, obligé. Parce qu'à la question d'Alexis tu veux essayer, j'ai hoché la tête. C'est un oui, c'était clair, droit au but, sans quiproquo.
Essayer. C'est ce mot là qui change tout. On va juste essayer. Un essai gratuit, de quelques secondes. On perd rien, ouais. On gagne rien non plus. Notre geste sera neutre et sans importance. On s'en fout, un peu. On oubliera bien vite cette connerie. Demain matin, ça sera oublié. Ouais, ce n'est pas la mort non plus.
Je pensais que ça allait être plus rapide. Mais non, ça l'est pas. Ses lèvres à lui sont pas brutales, elles sont... je sais pas, en vrai. Tout ce que je sais, c'est que j'arrive à les sentir sur les miennes. Il sent bon, je vais pas le cacher. Il a mis du parfum – une marque chère – sur son cou ou sous ses oreilles. C'est pas un parfum féminin. Ouais, c'est loin d'être féminin. Alexis est un mec. Il met du parfum masculin. C'est genre, logique.
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JÉRÉMY, aime Alex
RomanceOuais salut, moi c'est Jérémy. Alors, par où commencer ? Je suis un simple étudiant en droit, mais j'ai beaucoup d'objectifs dans la vie. Comme m'acheter la nouvelle BMW. Sinon je suis un beau gosse - c'est pas pour me vanter - et je peux avoir tout...