OCTOBRE, NOVEMBRE : Abysse

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Froid.

Il fait froid.


Je sens mon corps être enveloppé dans une masse de plus en plus sombre.

Je me sens m'enfoncer dans les eaux sombres des océans.


Je vois la lumière du soleil, les faisceaux éclairant cet océan s'éloigner petit à petit.

Je tends mon bras, essaie de bouger, mais rien n'y fait. Je suis piégée.


Je ne peux plus bouger.

Mon corps est si frigorifié qu'il n'arrive pas à exercer le moindre mouvement.

Mes yeux, par contre, voient.

Ils assistent à ce malheur, à ce trouble qui parcours tout mon corps.

Il me montre m'enfoncer profondément, toujours plus profondément.


Avec toute la bonne volonté du monde, je n'arrive à rien faire.

Des souvenirs submerge mon esprit, comme lorsque l'on voit sa vie défiler devant nos yeux avant de mourir.

Ma vie n'est vraiment pas fameuse.


Entre problème parentaux, problème de fratries, familiaux de manière générale, abandons, violences physique et psychologique, je me vois être qu'un vulgaire pantin. « Aie de bonne note », je ne suis pas première de la classe, « Soit notre fierté », pression, « Continue comme ça, ramène-moi de bonne note, ne soit pas comme ta sœur », je ne pourrais jamais être comme elle, « pourquoi te rebelles-tu ? », j'ai mal, « tu n'es qu'une calculatrice », le suis-je vraiment ?, « manipulatrice ! », peut-être bien..., « sale fourbe », je voulais seulement être aimée, « Ne sois pas toi-même », je ne suis qu'une vulgaire machine.


Une machine qui commence à être rouillée.

Qui n'a plus de piles.

Ma batterie est morte.

Je ne suis qu'un vulgaire bout de métal qu'on a mis dehors.

La nature vient peu à peu dominer tout mon être.

Me voilà abandonnée, perdue de toute pensée, de toute individualité.

Ces mots sont ceux que je divulguais en parlant de moi avant.

En apprenant de nouveau à pleurer, j'ai compris que je n'étais guère un vulgaire bout de métal.

Alors que suis-je ? Qui suis-je ?


Un être humain premièrement. Je m'appelle Sarah-Ange, mais aussi Evan, prénom représentant mon autre identité de genre, genderfluid. Mais cette identité sera-t-elle acceptée par tous, y compris par mes proches ?

En attendant me voilà, m'enfonçant de plus en plus dans cet endroit froid, sombre, maintenant presque sans lumière. Je me suis encore plus enfoncée.


Les abysses m'absorbent, me dévorent.

Je pourrais essayer de respirer, mais je sais que je m'étoufferais automatiquement.

Je commencerais à me noyer, à étouffer.

De l'eau rentre dans mes poumons.

J'apporte mes mains à ma gorge.

J'essaie de recracher cette eau mais c'est peine perdue au milieu de l'océan.

Comment ai-je fait pour en arriver là ?


Les moindres bruits de bulles, de mouvement me fait mal aux oreilles.

J'aimerais leur demander de se taire.

Je sens mon ventre se creuser. Angoisse, peur, tristesse.

J'aimerais que quelqu'un m'aide à remonter à la surface.

Mais je sais pertinemment que je n'aurais pas l'aide de ma famille. Une possibilité rayée.

Je n'ai pas suffisamment d'ami·e·s pour que je me sorte de là.


Seul mon copain peut véritablement me soutenir.


Je perds peu à peu foi au monde.

Mes larmes que je libère à chaque moment où les journées deviennent plus sombres, qu'il soit au clair de lune ou en pleins soleil, se mêlent à cette eau gelée.

Je n'ai plus aucune force.

Plus la force de bouger les jambes.

De nager. De me sauver moi-même.

***

Quelques jours plus tard, je décide d'en parler aux enseignants chercheurs. On m'envoie des numéros d'aides, je prends en note celui de psychologues de ma faculté.

Je décide de me rendre en fin de semaine (samedi et dimanche) à l'association CFDJ Espoir, plus précisément dans les petites fermes d'espoir (celle-ci s'appelant « la ferme Eole », en référence au nom du chat de la ferme présent depuis la création de la ferme il y a déjà 2 ans) à but éducatif à côté de chez moi pour toute l'après-midi (13h-17h) puisque je suis désormais bénévole.


Ça me fait du bien.

Je me sens bien.

Être a proximité des animaux me fait sourire.

Mais être à proximité de ces poissons visqueux n'est pas aussi agréable que faire des câlins à une chèvre.

Je commence peu à peu à bouger les membres de mon corps.

Progressivement.


Je bouge le bout de mes doigts, de mes orteils. Mes pieds viennent ensuite, puis arrivent mes mains.

Je rouvre mes yeux. Une lueur m'aveugle. Le soleil.

Quelques autres évènements dans ma vie me les font refermer. L'hypocrisie de certaines personnes, me rendre compte que je suis qu'un outil pour eux. Je dois m'en séparer, je le sais, mais l'attachement que j'ai pour me fait rester auprès d'eux.elles.

Mais je ne peux me permettre de rester là, à ne rien faire, à m'enfoncer encore et encore et encore et encore.



Je dois me reprendre en mains

Aller à la surface.

Traverser les abysses.

Pourquoi je n'y arrive pas ?

Pourquoi est-ce aussi long ?



Dépression.

Quel est l'étymologie de ce mot ?

Journal des penséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant