24 Février 2022

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Cela fait longtemps – quand même deux semaines – que je n'ai exprimé aucune pensée sur le monde qui m'entoure. Mon absence s'explique, car j'ai beaucoup réfléchi à quels sujets sont pertinents ou non, et s'ils sont utiles à exprimer ou pas. En premier lieu, j'ai d'abord pensé que la banalité du quotidien n'intéresserai personne, bien que je suppose que les historiens des siècles qui suivront s'en donnerait à cœur joie, mais ensuite, j'ai pensé que mes réflexions sur le monde en temps que femme issue des classes populaires (bien que dans l'ordinaire j'utilise plutôt le mot « prolétaire » mais ma formation en licence de sociologie me socialise à utiliser le terme « classes populaires) pourrait au final être intéressant !

Je me suis aussi questionnée sur l'organisation, mais aussi la régularité que je pourrais prendre pour l'écriture de ce journal. En réalité, des tonnes de réflexions me viennent à l'esprit au quotidien, mais j'ai cependant tendance à les oublier... Je me suis donc acheté un petit carnet me permettant de noter ces pensées, ou les sujets auxquels je dois réfléchir, penser et qui me permettront donc de construire un chapitre dédier à eux. En ce qui concerne la régularité, j'essaierai au maximum de faire peut-être un chapitre par semaine, ou alors toutes les deux semaines le temps d'avoir trouvé un sujet de réflexion qui me plaît et est à mon sens pertinent d'en parler.

Aujourd'hui le thème que je veux aborder est un sujet dont j'ai déjà subtilement fait écho auparavant : les violences faites aux femmes, ces victimes qui sont presque invisibilisés et dont je fais partie.  

Ce qui m'a « motivée » à choisir ce sujet mais surtout à en parler, est la révélation d'une tentative de féminicide dont j'ai été tenue au courant via les réseaux sociaux et au hashtag #justicepourjohanna. Je résume ce fait qui est pour moi monstrueux : lundi 21 février, à Nice, 6h45, Said Boutaleb, l'ex-conjoint de Johanna, a tenté de la tuer d'abord en l'étranglant et ensuite en la poignardant à plusieurs reprises devant ses trois enfants de 5, 6 et 7 ans. La victime aurait déjà porté plaintes à maintes reprises pour violence conjugale, et la dernière plainte pour tentative de viol dans son sommeil. L'agresseur sera présenté le 24 février 2022 au juge d'instruction pour « tentative de meurtre aggravé ».

Voilà la situation qui m'a donc poussé à écrire ce chapitre.

Lorsque je sors dehors, que je passe à côté d'un homme, quand je suis un peu trop proche d'eux dans le métro, dans la rue, dans une salle de classe, dans un lieu isolé, la nuit, je ne me sens pas en sécurité. Et cette peur est apparue lors de ma première agression sexuelle lorsque j'étais en cinquième ou en quatrième – je ne sais plus et je pense que mon cerveau a voulu supprimer toutes informations, souvenirs à ce sujet – et qu'un homme, derrière moi dans un ascenseur, m'a touché alors que je lui répétais d'arrêter. J'en ai déjà parlé dans un chapitre précédent, mais je n'ai jamais évoqué précisément ce que j'avais ressenti à ce moment-là.

J'étais terrifiée

Tétanisée

Ayant toujours eu une position de soumission envers les personnes plus âgées que moi – en particulier des hommes – j'ai donc de ce fait toujours eu un comportement plutôt timide. Et lorsque cet homme caressait avec insistance une partie très intime de mon corps et très accessible pour lui, car se trouvant derrière moi, cette soumission s'est accentué par la peur que je ressentais. Chaque parole que je prenais était pour moi comme une immense épreuve à surmonter. Et lorsqu'il continuait, même après que je lui disais d'arrêter, l'épreuve était de plus en plus dure. Chaque seconde dans cet ascenseur était de plus en plus longues, de plus en plus éternelles. Et lorsque je suis enfin sortie de cet ascenseur pour entrer chez moi, je vérifiais s'il ne me suivait pas. Par miracle, ce n'était pas le cas.

Je n'en ai jamais parlé à mon père. Je ne pouvais en parler à ma mère, car elle n'était pas à la maison, absente depuis l'âge de mes 9 ans environ. 2012, l'année où elle m'a abandonnée. De toute façon, à cette période mon père ne m'écoutait pas, il n'écoutait aucun de ses enfants. Occupé à boire de l'alcool, faire des bêtises mais aussi de manière plus positive, à s'occuper de la maison de temps en temps, lorsqu'il n'était pas ivre. Il m'a interdit jusque mes 14 ans de sortir avec mes ami·e·s dehors, en particulier avec des garçons, soi-disant pour ma « sécurité ». Je pense qu'il ne se doutait absolument pas que j'étais en insécurité partout. Que ce soit dehors, lorsque j'allais au collège ou rentrais de ce dernier, au sein même de cet établissement, chez mon ancien petit-ami de l'époque ou même dans mon immeuble, à l'intérieur même d'un ascenseur.

Journal des penséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant