Chapitre 2 - Louis

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Nous avons travaillé plus longuement aujourd'hui. Elin et Adam ont conversé avec Charlotte et se sont mis tous les deux sur mon dos. Ils ont appelé en renfort Iliane, le prof de sport. Pour commencer un peu plus en douceur, il m'a jeté dans le bassin et me fait faire de la musculation dans l'eau. Mon corps me semble léger ainsi immergé et les exercices sont plus faciles à exécuter. Ça fait trois jours qu'on répète les mêmes mouvements et même si je suis un peu fatigué, je ne me plains pas ; les mots de Charlotte se rappelant à mon esprit.


La piscine m'a aussi permis de retrouver un peu d'appétit et tout le monde semble s'en féliciter ; même Augustin, l'un des pensionnaires qui s'est fracturé le col du fémur, et qui effectue ses exercices avec moi dans le bassin. Je me suis pris d'affection pour ce papi qui me rappelle un peu le mien. Alors, malgré le fauteuil, je sors du centre avec lui de temps en temps, pour prendre l'air. Augustin est intarissable et, assis sur le banc près de moi, il a toujours une anecdote à me raconter sur sa jeunesse, sa famille. Comme moi, il est bien loin des personnes qui lui sont proches. Sa fille et son gendre viennent en général lui rendre visite le dimanche. Au rythme où évolue ma rééducation, Augustin aura quitté le centre avant moi.

Et il n'y a qu'à moi que je peux m'en prendre...


Nous terminons notre séance et pendant que le viel homme rejoint le bord de la piscine, je reste accoudé à la margelle. Le soleil brille aujourd'hui, c'est une belle journée comme nous en connaissons depuis plusieurs jours. Je dois bien reconnaître que l'air frais et vivifiant me manque. Mon regard se perd vers la plage alors qu'Iliane se plante devant moi. Il me fait signe d'avancer pour sortir de l'eau. Tout le personnel du centre est bienveillant et chacun aide toujours les patients dans leur déplacement. Compte tenu de mon état, je ne suis pas censé obtenir l'aide d'un soignant ; je suis là depuis bientôt huit semaines. Je suis censé être à la fin de ma rééducation et non au milieu du cycle.


Iliane m'observe monter les quelques marches, la main droite fermement agrippée à la main courante. Je jette un regard circulaire. Aucun fauteuil pour m'accueillir mais une paire de béquilles familières, à force de les observer dans ce coin de ma chambre.


Adam prend le relais sur Iliane et me tend son bras auquel je m'agrippe. Prévenant, il glisse son autre bras autour de ma taille, au cas où je vacille.


"J'ai parié avec Elin... Ne me fait pas perdre ! chuchote-t-il.

- Quel est l'enjeu ? je l'interroge.

- Un dîner. Elle refuse toutes mes propositions. J'ai fini par obtenir un "oui" si tu te déplaces avec ces putains de béquilles."


Je ris. Tant d'amusement que de nervosité.


"Qu'est-ce que j'y gagne, moi ?

- En dehors de l'autonomie ? demande Adam avec sournoiserie. Je te ramènerai un doggy bag...

- Ouais...

- On y va ? Tu peux le faire Louis.

- On y va. Doucement.

- Bien sûr !"


Adam presse ma main sur son avant-bras. Nous avançons de deux pas jusqu'à Iliane qui nous tend la paire de béquilles. Je souffle et tremble d'appréhension mais les deux hommes se tiennent à mes côtés, prêts à intervenir si je venais à m'effondrer.

LA REEDUCATION DES COEURSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant