Chapitre 33 - Harry

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⚠️ Une scène peut heurter la sensibilité de certains lecteurs ⚠️

Je tente de contrôler le mouvement de ma jambe qui tressaille sous la table. Ma tasse de thé entre les mains, j'écoute ma mère me parler de ma sœur ; mon père, comme à son habitude, muré dans un silence sûrement plein de jugement, malgré ce que ma mère peut en dire.

Je porte ma boisson à mes lèvres pour m'éviter de hurler. Deux versions de l'histoire et pourtant, c'est quand même à moi de faire des efforts. C'est quand même elle qui doit être pardonnée et soutenue. Je regrette de constater que mes parents ont une mémoire sélective.

J'inspire. Je mords l'intérieur de mes joues en glissant un regard discret vers la pendule. Je ne suis là que depuis vingt-cinq minutes. J'étais venu proposer à mes parents de venir dîner chez moi.

Dans notre appartement à Louis et moi.

Nous sommes installés depuis deux mois maintenant. La vie a repris son cours et je tente de ne pas sombrer. Retrouver Louis chaque soir, m'occuper de lui en l'écoutant me raconter ses journées de travail, soulager ses épaules et ses jambes. J'apprécie ces moments-là. Mais ils sont trop courts, furtifs.

Mes journées sont pourtant occupées par mon travail et mes passages express au bureau. Mais mon projet personnel est au placard. Je n'ai pas ouvert le document depuis notre retour d'Ariège.

J'étouffe.

La main de ma mère sur mon avant-bras me sort de ma torpeur. Je relève mon regard vers elle, sentant qu'elle attend une réponse de ma part à une question que je n'ai pas entendu.

"Pardon ? je lui demande de répéter.

- Gemma m'a clairement dit qu'elle était blessée et qu'elle n'était pas sûre de répondre à ton appel, mais ce serait bien que tu le fasses...

- Evidemment, je souffle en secouant la tête de gauche à droite.

- Ta sœur est si peinée de cette situation, tu sais.

- Et moi donc, maman... Est-ce que tu me défends autant auprès d'elle que tu ne le fais pour elle ?

- Harry ! gronde mon père. Vous n'êtes plus des enfants.

- Justement. Nous ne sommes plus des enfants et on est en droit de ne plus avoir à se supporter si nos vies ont pris des chemins radicalement opposés, je tempête.

- Mais nous étions une si jolie famille... ajoute ma mère.

- Est-ce ma faute si nous en sommes là ? Moi j'ai juste choisi de vivre ma vie. Vous, vous avez juste fait semblant de l'accepter jusqu'au jour où j'ai compris que vos sourires étaient faux, votre soutien feint. Alors j'ai pris de la distance et je me suis rendu compte de tout ce que j'avais accepté, subi, simplement pour garder cette image de la famille que je croyais soudée."

Je quitte la table et soupire fortement, les larmes au bord des yeux. Je ne suis décidément pas le fils fort que mon père espérait que je sois.

"Je vais y aller, je dis en ramenant ma tasse vers la cuisine.

- Harry, ne le prend pas comme ça, tente ma mère. Je suis maladroite.

- La maladresse a bon dos Maman. Je ne te demande pas de choisir entre tes deux enfants. Juste que tu comprennes, que vous compreniez tous les deux, que Gemma n'est pas la seule victime de ce désaccord, qu'elle n'est pas non plus toute blanche. Je pense qu'elle a tu certains de ses comportements envers moi. Ce qui m'attriste le plus, ce n'est pas que vous preniez son parti, non. C'est que vous oubliez trop facilement les conversations qu'on a pu avoir quand vous n'aviez pas d'œillères et que vous vous aperceviez parfois de sa toxicité."

LA REEDUCATION DES COEURSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant