Là, debout sur ce pont, il s'apprêtait à sauter. Non, en réalité il ne sauterait pas et il le savait, Jonathan avait toujours été d'une nature, de caractère, de physionomie (?) lâche. Bien sûr, qu'il ne sauterait pas. Pourtant, il était debout sur ce pont, les jambes presque droites, le buste presque intrépide, comme si, il allait le faire. Peut-être avait-il trop bu, peut-être pas. Lui-même savait-il d'où venait cette sensation d'enivrement ? Cette frénésie trop longtemps tarie, cette excitation d'un plaisir nouveau pour une fois. D'un danger nouveau... Oui, c'était ça, ce mensonge de petit garçon qu'il s'infligeait depuis des années, qui le guettait continuellement dans l'ombre, comme pour lui dire «tu mens, tu te mens, tu leur mens, tu nous mens», et qui finalement l'avait rattrapé. Où croyait-il aller comme ça ? L'océan fougueux de son regard pouvait en tromper plus d'un, mais lui-même ? Sûrement pas.
Cela dit, il avait résisté, abondamment, et il n'en était pas peu fier. Mais soudain, quelque chose, quelqu'un, un geste, une parole, un son, un bruit... Avait réveillé la vérité, comme une nourriture si abominable que la vie n'avait eu d'autres choix que de lui vomir au visage. Comme damné dès lors et pour toujours.