Chapitre 13 : Déserter

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Le réveil est difficile, la présence de gros bras numéro 2 dans sa chambre n'arrange rien. Elle est persuadée que sa présence si matinale n'est pas anodine. Elle l'entend déjà lui hurler dessus comme si elle était une sous merde. Lui rappeler non sans mépris que les caméras existent et sont braquées sur sa personne. La menacer de lui sucrer des privilèges auxquels elle n'a jamais eu droit, qu'elle ne goûtera sans doute jamais. Mais il n'en fut rien, gros bras numéro 2 lui pris la tension, effectua une prise de sang. Elle s'étonna de le voir effectuer ses gestes, elle qui l'avait pris pour un simple gardien sans cervelle. Sans un mot il quitta la pièce. Le cliquetis de la serrure surprit la jeune fille. Le pédiatre fit son apparition dans la chambre. Il était seul. Il s'assit face à sa patiente sur la chaise scellée au sol.

- Jessie, commença t il, Jessie ? tu es avec moi ? 

 La jeune fille ne répondit pas. Le médecin réitéra son interpellation et la jeune fille daigna le regarder. 

- Ça y'est, finit il par lancer le praticien, tu es avec moi ? 

En guise de réponse, la jeune fille hocha la tête. 

- J'ai trouvé un créneau pour effectuer la biopsie, elle est prévu pour demain. En cela, nous devront faire un bilan régulier de ton état de santé au cours de cette journée, c'est entendu ? Pour ce faire, nous allons te donner un biper, je t'explique, à chaque fois que celui sonnera tu auras le temps nécessaire pour venir dans mon local afin qu'on puisse procéder aux bilans. Sois consciente qu'on te laisse une chance de nous prouver qu'on peut avoir confiance en toi, à la moindre faute nous t'entraverons à ton lit sans regret ! Tout est clair ? 

 Jessie resta muette. Le pédiatre se leva et quitta à son tour la chambre de sa patiente prenant garde de laisser la porte entrouverte. Il y'a tant à faire , pensa t elle... 

Quelques minutes plus tard, elle fit un pas hors de sa chambre, regarda à droite puis à gauche, personne, pas la moindre présence la surveillant. Elle mourrait d'envie de rejoindre sa chambre de le rejoindre lui, de l'étreindre, l'embrasser mais elle éjecta rapidement cette idée de sa tête, il y'avait plus urgent à régler pour l'instant. Elle fit le tour des chambres de son étage, aucune trace, mais il en fallait plus pour qu'elle renonce. Elle passa près d'un placard, l'ouvrit et y vit des seringues, des médicaments, des bandages. Elle mit un flacon et des bandages dans ses chaussures. 

Après un bon quart d'heure de recherche elle tomba nez à nez avec THE porte, THE écriteau, THE chambre. Plus de doute possible. Elle sentit un voile frais lui balayer le visage, la porte n'était pas verrouillée, elle toqua à la porte. Son cœur battait la chamade. Les secondes d'attente paraissaient interminables. Personne ne répondit, elle entreprit d'appeler la résidente de la chambre par son prénom mais sans grand résultat. Elle poussa lentement la porte et vit une silhouette masculine dos à elle, accoudée à la fenêtre, s'amusant du spectacle extérieure.

- Ce n'est pas trop tôt, lui lança l'homme.

- Et merde, dit-elle en se pinçant les lèvres. 

 - Viens t'asseoir. 

 Jessie prit une chaise, s'étonna de la mobilité de celle-ci puis se mit à bonne distance du psychiatre. 

 - J'ai eu une grosse discussion avec Mélanie... à propos de toi, de vous, commença t il. 

 - Qu'est ce qu'elle vous a révélée exactement ? 

 - Tout, enfin j'imagine, ce qu'elle a eu le courage de m'annoncer. 

Jessie soupira, elle avait des crampes abdominales atroces, si seulement ce bipper de malheur pouvait se mettre à sonner dans l'immédiat pensa t elle. Peut être qu'il bluffe finalement, Mélanie n'est pas si faible que ça ! Elle n'a pas pu TOUT lui dévoiler quand même ! 

- Si je te parle d'une maison située près d'une montagne ? Au 13 chemin des amants ? 

Jessie serra ses poings, ses yeux brulaient de fureur mais resta à sa place. 

 - Effectivement ça me parle, répondit –elle. 

 - Elle a évoquée certains évènements, comportements et a parlée de ta mère... 

 - Taisez -vous...je...s'il vous plait, le coupa Jessie. 

 - C'est douloureux je comprends mais tu dois en parler, sinon tu ne passeras jamais à autre chose, tromper tout le monde, changer de lieu, quitter les personnes qui tiennent à toi, changer de nom n'y fera rien, c'est en toi, cela fait partie de ton histoire que tu le veuilles ou non. 

Bip...Bip...Bip...Bip

La sonnerie du biper retentit mais il était déjà trop tard, elle était démasquée. Tel un zombie, elle se leva et sortit de la chambre, longea plusieurs couloirs, heurta d'autres âmes en peine, pénétra dans un ascenseur, se laissa guider et en sortit lorsque la porte s'entrouvrit. 

Soudain elle leva la tête et vit des portes coulissantes qui semblaient donner vers la sortie. Sans hésiter elle s'extirpa à l'extérieur de l'établissement et se débarrassa du sweat jaune si reconnaissable. Il faisait beau, les rayons du soleil sur son visage lui redonnaient une mine acceptable. Elle s'éloigna du bâtiment et arriva sur un parking. Elle vit une Twingo, elle savait comment crocheter la serrure et la faire démarrer. C'était un jeu d'enfant pour elle, elle avait eu à le faire à de très nombreuses reprises. Une fois à l'intérieur de l'habitacle, elle fouilla la boite à gant et y trouva un téléphone ainsi qu'une paire de lunette. Posa les lunettes sur son nez, elle paraissait ainsi plus âgée et moins reconnaissable, trifouilla quelques minutes le portable et démarra le véhicule. Elle alla en direction du centre ville sans même savoir dans quelle ville elle se trouvait finalement.

Après plusieurs minutes de conduite, elle pu comprendre qu'elle se trouvait à Marseille. La jeune femme s'arrêta un moment sur le bord de la route. Alluma l'autoradio, un CD était déjà à l'intérieur... 

 « Je te promets le sel au baiser de ma bouche, je te promets le miel a ma main qui te touche, je te promets le ciel au dessus de ta couche des fleurs et des dentelles pour que tes nuits soient douces... jamais des adieux rien que des aux revoir». 

Sur ces paroles, Jessie ne pouvait plus retenir ses larmes, elle se souvenait de cette mélodie, et pour cause, sa mère la lui avait fredonné un nombre incalculable de fois pour la rassurer. Mais ça c'était avant, avant que tout son monde s'effondre...Jessie se ressaisit, abandonna la voiture sur le bas côté, fourra le téléphone et le CD dans sa poche de pantalon et marcha en direction de la gare se trouvant face à elle. 

« Le train TER numéro 4936 à destination de Lyon Part Dieu va entrer en gare voie F ». 

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