M. Cotty s'arrêta d'avancer à une dizaine de mètres de distance d'Alex. Ils prirent un instant pour se toiser mutuellement, plantés l'un en face de l'autre. Alex était terrifié et faisait de son mieux pour le cacher. Il aurait adoré pouvoir s'enfuir à toutes jambes en hurlant, mais ne pouvait pas abandonner aussi prêt du but. Et il voulait également venir en aide au génie. Personne ne méritait de finir prisonnier d'une personne aussi détestable que cet horrible sorcier confiscateur d'objets.
— Monsieur Godard, cracha le CPE d'une voix rauque. Ne vous imaginez pas que je n'arrive pas à reconnaître une vermine comme vous malgré votre grotesque nouvelle apparence ! Je vous ai bien vite percé à jour. La magie laisse des traces indélébiles. Mais, bien sûr, vous l'ignorez.
Apparemment, il ne pouvait s'empêcher de vouloir rabaisser Alex dans toutes les circonstances. Ce dernier décida de ne pas s'en formaliser. Et puis, il était vrai qu'il ne connaissait strictement rien à la magie. Ce qui était plutôt normal : il était un lycéen ordinaire qui étudiait les mathématiques ou le français, pas un sorcier en formation. Il se redressa donc de toute sa hauteur sur ses talons hauts, déterminé à ne pas se laisser trop intimider.
— Rendez-moi ce téléphone, ordonna-t-il, la main tendue.
Bien évidemment, le méchant sorcier n'obtempéra pas. Cela aurait été trop beau. Il se mit au contraire à ricaner.
— Vous le rendre ? gloussa-t-il. Il m'appartient !
— Le génie n'appartient à personne, affirma le jeune homme d'une voix qu'il fut content d'entendre ferme. Vous le détenez en captivité contre son gré.
M. Cotty se remit à ricaner.
— Je l'ai soumis à moi, espèce d'ignorant. Sa puissance est à moi. Sachez que je n'ai utilisé jusqu'à présent qu'un seul vœu. Je serais plus que ravi d'user du deuxième pour régler votre compte une bonne fois pour toute.
Alex déglutit en reculant la main. Les choses ne s'annonçaient pas très bien. Il était sans doute grand temps de commencer à élaborer un plan génial pour se tirer d'affaires. Cela tombait bien : c'était sa spécialité.
— Euh... Ne vous donnez pas cette peine. C'est tout de même du gâchis. Il y a sans doute des milliers de vœux plus intéressants à faire..., tenta-t-il.
Le sorcier lui sourit. Il lui manquait une dent en plein milieu de la mâchoire. Celles qui lui restaient étaient d'une affreuse couleur jaunâtre.
— Bien sûr que vous n'en valez pas la peine, M. Godard. Mais, voyez-vous, vous voir souffrir me procurerait tout de même un immense plaisir. Quand j'en aurai terminé avec vous, vous regretterez d'avoir un jour osé toucher à mes affaires, misérable petit voleur.
Sur ce, M. Cotty brandit le téléphone comme une baguette magique en marmonnant des paroles dans une langue gutturale.
Mais Alex fut plus rapide. Sans réfléchir, d'un geste étonnamment habile, il lança l'objet qu'il tenait toujours depuis tout à l'heure. Le fidèle boomerang se mit à tournoyer sur lui-même avec enthousiasme dans un bruit de sifflement. Il effectua un mouvement circulaire et vient faucher le téléphone qui, emporté par l'élan, finit dans la main droite d'Alex !
— Génie ! cria ce dernier en brandissant à son tour le portable. J'ai trouvé mon troisième vœu : je souhaite annuler les deux premiers !
Le corps d'Alex se retrouva aussitôt enveloppé par un halo de chaleur. Tous les pores de sa peau picotaient, ce qui n'avait rien de bien agréable. Enfin...
— Dernier vœu en cours, clama le téléphone d'une voix sonore. Je suis libre !
Alex entendit un éclat de rire métallique sortir du téléphone qui s'échappa de ses mains. L'instant d'après, un ruban de fumée noire surgit de son antenne. Le génie avait brisé le sort et était en train de s'extraire de sa prison. Sous sa véritable forme, il ressemblait à une sorte de long nuage doté d'yeux et d'une très grande bouche aux dents acérées. Le jeune homme se dit qu'il avait dû se sentir très compressé dans le téléphone qui était bien étroit pour son grand corps. Et qu'il était encore plus terrifiant que le sorcier. Ce dernier ne s'y laissa pas tromper et poussa un cri étranglé. Il tenta de fuir mais la créature fantomatique fut plus rapide. Deux bras décharnés munis de griffes d'une longueur impressionnante sortirent du ruban de fumée et attrapèrent M. Cotty par les cheveux pour le soulever dans les airs. Ce dernier se débattit en hurlant.
— Nooooon !
Mais c'était au tour du génie de ricaner terriblement.
— Tu vas payer pour ce que tu m'as fait, sorcier !
— Et pour ce qu'il m'a fait à moi aussi, voulut faire préciser Alex.
Mais personne ne l'écoutait. M. Cotty était trop occupé à crier et le génie à savourer sa vengeance. Il maintenait le CPE d'une seule main sans difficulté apparente à plus d'un mètre du sol. Il claqua des doigts de l'autre. L'air ondula sur lui-même alors qu'un grand vent s'élevait dans la caverne.
Alex dut retenir ses cheveux qui s'étaient mis à voler dans tous les sens. Ses vêtements claquaient autour de lui. Le tapis volant avait essayé de fuir mais s'était retrouvé plaqué contre une paroi. Alex lui-même devait lutter pour ne pas se faire emporter par le tourbillon qui ne cessait de grossir encore et encore. Quelque chose était en train de s'ouvrir en son centre. Une sorte de trou béant. Alex n'y connaissait toujours rien en magie, mais cela ressemblait à un portail interdimensionnel. Il supposa qu'il menait au monde dont était originaire le génie. Ce dernier s'apprêtait à rentrer chez lui.
Puis le jeune homme se rappela qu'il s'était promis de se montrer aimable avec son ancien portable.
— Merci pour tout ! lui cria Alex juste avant que ce dernier ne s'engage dans le portail avec sa victime.
Certes, le génie n'avait pas toujours été très tendre avec lui. Mais, après tout, sans toute cette aventure abracadabrantesque, Alex n'aurait peut-être jamais rien su des sentiments que Jean-Baptiste nourrissait pour lui.
Le génie tourna un œil vers lui et répondit quelque chose, mais le vacarme qui s'élevait désormais dans la grotte était tel que le jeune homme n'en saisit pas un mot. Il devait le remercier également. Ou lui donner un ordre quelconque. Ou l'insulter, tout simplement. On ne savait jamais avec ce génie. Il avait tout de même un sale caractère. Puis il plongea tête la première dans le portail en entraînant sa victime. Alex voyait les pieds du sorcier s'agiter en vain dans les airs. Il ne réussit qu'à expulser l'un de ses mocassins qui roula lourdement sur le sol avant de s'immobiliser. Et ils disparurent tous les deux de l'autre côté.
Alex ramassa le téléphone qui gisait dans la poussière. Le visage s'était effacé et le jeune homme trouva le portable étonnamment léger. Il avait certes perdu toute magie mais il le glissa tout de même dans sa poche. Après tout, il pourrait toujours l'utiliser pour quelque chose d'aussi trivial que téléphoner. Ou pour servir de réveil. Son appareil flambant neuf allait disparaître une fois le vœu accompli, à présent que le jeune homme allait redevenir pauvre. Ce qui lui était complètement égal car Jean-Baptiste l'aimait et cela valait beaucoup beaucoup mieux que toutes les richesses du monde.
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Alex ou le portable merveilleux (bxb) [terminée]
Lãng mạnAlex Godard déteste sa vie. En plus d'être pauvre, il est brimé par l'administration de son lycée qui le traite comme un délinquant. Et il n'ose dire à personne qu'il est gay. Et surtout pas à Jean-Baptiste Aubigny, son ancien meilleur ami, dont il...