Chapitre 18

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Alex passa très certainement les pires vacances de Noël de toute sa vie. Il n'avait jamais connu une période de fête aussi déprimante. Pas même la fois où il avait attrapé une grosse gastro le soir du réveillon et avait passé la nuit à vomir des chocolats avant de garder le lit pendant une semaine (cela ne lui avait même pas permis de manquer les cours. Être malade pendant les vacances ne présentait aucune espèce d'intérêt). Au moins sa mère avait-elle été à ses côtés à ce moment-là, pour lui tendre une bassine ou le convaincre d'ingurgiter un médicament dégoûtant qui, de toute façon, refusait de rester dans son estomac plus de quelques secondes. Cette fois-ci, il était complètement seul, même si sa forme physique semblait excellente, surtout par contraste avec son état mental déplorable.

Sa mère lui manquait terriblement (elle n'était toujours pas revenue du Japon et ne semblait pas prête à le faire de sitôt lorsqu'il parvint à lui parler à nouveau brièvement au téléphone). Son vieux chat de gouttière lui manquait (la version de luxe de Pompon continuait à l'ignorer, sauf quand le chat réclamait ses croquettes, et encore). Même le génie lui manquait, malgré son caractère exécrable ! Au moins, cela lui aurait fait quelqu'un avec qui parler ou se disputer. Il en était arrivé à un point où il prenait plaisir à se faire insulter par son téléphone... Avec son abondant argent de poche, le jeune homme avait pu se procurer un nouveau portable dernier cri. Mais aucune pièce de monnaie ne pouvait acheter de l'affection.

Alex n'avait même plus d'ami vers qui se tourner. Timothée s'était révélé être un pervers. Nathalie lui en voulait de l'avoir traitée de voleuse. Et il refusait de n'être qu'une simple connaissance de Jean-Baptiste.

Quoique...

Après deux jours entiers passés sous sa couette, Alex décida qu'il était grand temps de reprendre sa vie en main. S'il devait désormais exister en tant que fille, eh bien il serait une fille. Tant qu'il n'aurait pas d'autre choix... Il devait se résigner à n'être qu'un garçon coincé dans le corps d'une fille. Il pourrait bien sûr se faire un jour opérer plus tard. De nos jours, la science parvenait parfois à égaler la magie, ou presque. Il pourrait obtenir à nouveau une morphologie d'homme, mais ne serait plus jamais celui qu'il avait été. Au fond, il n'y avait pas tant de différence que cela entre une fille et un garçon, contrairement à ce qu'il s'était imaginé. Le corps avait quelques différences parfois gênantes, certes (aussi bien en bas qu'en haut), mais, à l'intérieur, il était juste un être humain comme les autres, avec des rêves, des aspirations et des difficultés à surmonter (même si Alex trouvait qu'il rencontrait personnellement particulièrement beaucoup de difficultés. La faute à son mauvais karma).

Il fallait tout de même réfléchir aux points positifs : il était en vie et en bonne santé. Il disposait de revenus plus que confortables. Et, avec l'apparence d'Alexandra, il pourrait sans doute séduire n'importe quel type hétéro, ou presque. Mais c'était Jean-Baptiste qu'il voulait. Ce dernier était en réalité le seul être humain pour qui il ait jamais ressenti une véritable attirance. Peut-être n'était-il d'ailleurs pas vraiment gay. Il était peut-être juste amoureux d'une seule personne qui se révélait par hasard être un autre garçon. Oui, c'était peut-être cela. Dans ce cas, il devrait tout simplement mettre une croix sur l'amour. Beaucoup de gens passaient leur vie seul. C'était donc possible.

Vaguement revigoré, Alex s'extirpa hors de son lit en robe de chambre pour réfléchir à ce qu'allait être le reste de son existence. Il commença par ouvrir son placard à vêtements pour faire du tri. Il était hors de question qu'il remette un jour une robe. Ce n'était pas confortable du tout à porter et cela attirait inutilement l'attention. Il avait toujours été jaloux du fait que les filles avaient un choix de vêtements plus vaste que les garçons, en mettant par exemple indifféremment des robes ou des pantalons sans être jugées. Et, à présent qu'il avait rejoint les rangs féminins, il s'était rendu bien vite compte qu'une sorte de pression sociale essayait de leur imposer d'être toujours élégamment vêtues. Comme si une femme se devait d'être décorative ! Alex n'avait pas la moindre envie de jouer le rôle d'une plante verte. Ah, ça non !

Alex ou le portable merveilleux (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant