P- Écrits de Noël.

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W Preston Street, Baltimore.
Aden weaver, 11 ans et des poussières.

Si Noël était le plus beau jour dans la vie de certains, dans la mienne çà ne l'était pas. Et ce depuis deux ans maintenant.
Comme dans un vieux film de Noël, aujourd'hui était l'anniversaire de la rencontre de ma mère avec mon, plutôt avec son mec.
J'étais dans le salon, ils dansaient; j'écrivais. Stupide ? Oui. Un garçon qui écrit dans un journal intime.
Je vivais avec lui, avec ce journal. Il était là quand je n'arrivais plus à parler, quand je coulais un peu plus. Je me disais alors, si je n'arrive plus à remonter à la surface; si mon poids devient trop lourd; si mes poumons se remplissent d'eau et que je me noies, je veux qu'elle sache. Je veux qu'elle ouvre ce carnet et qu'elle le lise. Je veux qu'elle sache.
J'étais décidé à lui dire, mais pour l'instant elle était heureuse. J'aimais vraiment la voir comme ça; j'aime la voir heureuse et souriante. J'aime ma mère parce que même sans rien elle rayonne. Même en vivant dans ce quartier pourrie elle vit. Même en aimant un clochard, elle va bien.
Elle ne le sait pas que c'est un clochard.
J'étais monté dans ma chambre, je savais ce qui allait ce passer ce soir. Je savais que j'allais encore plus détester les jours de fête, Noël, mon anniversaire, le nouvel an. Ces jours étaient devenus des cauchemars. Je pouvais encore entendre sa voix, le jour de mon anniversaire, me disant « tu n'as pas eu ton cadeau de ma part ».
Je hais ses cadeaux.
À une époque, je pensais que c'était normal. Il m'avait dit que c'était normal. J'ai compris que non.
Tout à commencé, je n'avais que 9 ans.

En relisant mes mots, je me rends compte que maman a peut-être raison. Je deviendrais écrivain. J'écrirais ma vérité. Elle adore me voir écrire, me voir plongé dans mes mots. Parfois, quand je n'arrive plus à parler, elle me donne une feuille et elle me dit d'écrire. D'écrire ce qui me passe par la tête.
Je ne le fais pas.
Si je le faisais elle saurait la vérité et pour l'instant je ne veux pas. Je veux qu'elle continue de sourire, de rire, d'être joueuse. Et je ne veux pas qu'elle meurt.
Il me l'a dit.
Si j'ouvre la bouche, maman meurt. J'aime maman.
Chut. C'est l'heure d'ouvrir mon cadeau.

Il est déjà minuit passé. Maman accepte que je veille tard les jours de fête; elle accepte parce qu'elle ne sait pas que je veille tard tout les soirs. Des fois elle me le dit, elle dit que j'ai beaucoup de cernes mais que c'est sûrement naturel; elle me dit aussi que j'ai les yeux rouges mais elle pense que c'est parce que je suis dans le coin quand le connard il fume.
C'est peut-être pour ça qu'il est comme il est ? Peut-être que la nicotine y est pour quelque chose ?
Je suis qu'un gamin, pourquoi j'essaye de comprendre ?
D'ailleurs, ma mère m'a offert une voiture électrique et une BD. Je lui avais dit que je ne voulais rien, je sais qu'elle a des problèmes d'argent en ce moment. Elle m'a quand même acheté des cadeaux. Deux. Ce qui n'est vraiment pas commun, d'habitude j'en ai qu'un.
Mais bon, je ne suis pas à plaindre.

C'est l'heure d'aller se coucher, maman dort déjà. Elle a beaucoup bu, elle ne tient pas l'alcool et elle le sait.
C'est de la faute à son connard de mec. Il l'incite à boire pour être tranquille après.
Peut-être que si je m'endors avant qu'il arrive je serais tranquille.

Maman sauve-moi. Il monte.

J'espère que tu n'auras jamais à lire ce cahier maman. J'ai recommencé, en vrai je n'avais jamais arrêté. Mais aujourd'hui, ça me fait mal. J'ai appuyé trop fort sur la lame.
Il y avait du sang partout sur mon bureau.
Maman, il est venu me réveiller.
Je dormais; je m'étais endormi.
Il c'est allongé à côté de moi, il c'est collé à moi. Il bandait.
Il m'a dit « Joyeux Noël mon fils ». Il n'est pas mon père.
Il a caressé mon corps. Maman, j'ai mal.
Comme je ne me réveillais pas, il a attrapé mon cou et m'a poussé au sol. Il m'a relevé pour me plaquer contre le mur. Il a commencé, comme il le fait toujours. Il m'a fait mal, encore.

Maman, mon papier sera froissé parce que je suis un petit garçon faible. Parce que je ne me plaint pas de mes cauchemars; c'est ton mec mon cauchemar. Je suis vraiment faible maman. Je pleure moi aussi, pas quand je tombe, mais quand il me touche. Il fait comme avec toi, mais avec moi.
Maman pourquoi il veut me baiser tout le temps ? Pourquoi il me touche tout le temps ?
Pourquoi c'est mon corps qui l'intéresse ?
Maman, je n'ai que 11 ans. Je n'avais que 9 ans.
Par pitié, quitte le maman.

Le soleil se lève, on est le 25 décembre. Un nouveau jour de galère. Maman, je veux te le dire. Je vais te le dire.
Pas maintenant, ça te ferait trop mal. Tu aimes les fêtes, tu aimes les vacances. Je ne veux pas gâcher ton bonheur.
Je ne veux pas que tu meurs.
Je ne veux pas mourir moi aussi.
Maman, je suis obligé ? Pourquoi je veux me faire du mal ? Je n'ai pas envie de te perdre. Je veux rester avec toi toute ma vie. Maman pourquoi mon cerveau veut que je meurs ?
Maman lit mon carnet.
Arrête de vouloir me laisser de l'intimité. Lit le s'il te plaît.

Maman, je ne sais plus quoi faire. J'entends des voix. Maman c'est ma voix. Je veux pas mourir.
Je ne veux pas s'il te plaît maman.

FERME TA GUEULE.

LOVE KILLSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant