Disparu ?

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Peter attendait la tempête.

Ce n'était qu'une question de temps.

Les choses allaient trop bien depuis son retour de la Tour Stark. James n'avait plus évoqué son désir de le voir déguerpir de chez lui, il s'était même montré amical et compatissant, remerciant chaleureusement Tony d'avoir pris soin de lui et ébouriffant ses cheveux d'un geste qui lui avait douloureusement rappelé son oncle. Sur le chemin de l'appartement, il les avait emmenés au fast-food, May et lui, pour se remettre de leurs émotions. Après qu'ils aient dévoré leurs burgers dégoulinant de cheddar et avalé leurs frites, il avait insisté pour offrir à l'adolescent un milk-shake à la banane surplombé d'un épais nuage de crème Chantilly. Lorsque May s'était éclipsée aux toilettes, Peter n'avait pu s'empêcher de lui demander, méfiant :

— Pourquoi tu fais tout ça ? Tu ne veux plus me mettre à la porte ?

James avait semblé sincèrement étonné :

— De quoi tu parles, bonhomme ? Je n'ai jamais voulu te mettre à la porte.

— Bien sûr que si, tu m'as même crié dessus au téléphone ! Mon tympan droit s'en souvient parfaitement.

James se gratta la tête, les yeux écarquillés de manière presque comique.

— J'ai peut-être haussé la voix, mais c'était uniquement parce que j'étais inquiet pour toi, concéda-t-il finalement avec une certaine réticence. Je n'ai jamais, au grand jamais, voulu te chasser de chez nous ! Tu as du mal comprendre.

Peter avait failli en recracher son milk-shake :

— Je n'invente rien, tu m'as menacé ! Tu as dit que si je remettais un pied à la maison, je le regretterai !

— Tu ne dramatiserais pas un peu les choses, mon grand ? avait rétorqué James avec un clin d'œil amusé.

Peter avait voulu le contredire, mais May était revenue des toilettes, interrompant leur échange. Après avoir essuyé ses mains humides sur les serviettes en papier de l'établissement, elle s'était enquis, curieuse :

— Alors, les garçons, de quoi parliez-vous ?

— De rien, de rien. Je crois que ton neveu a beaucoup d'imagination, avait simplement éludé James.

May avait souri sans comprendre le sous-entendu de son petit ami.

— Peter a toujours aimé les histoires, n'est-pas poussin ?

La désinvolture de sa tante lui avait donné l'impression de recevoir un coup de massue en plein cœur. Alors, ravalant tant bien que mal ses protestations, il s'était contenté de hausser les épaules et de plonger le nez dans son milk-shake.

Et, depuis cet échange, il attendait le moment où James exploserait.

Le compagnon de sa tante était de trop bonne humeur. Trop affable. Trop gentil. Il lui proposait de jouer au football, lui offrait des jeux vidéos, lui conseillait d'inviter Ned et MJ pour le dîner... Il ne levait plus la main sur lui, s'inquiétait sans cesse de sa santé, vérifiait scrupuleusement qu'il n'oubliait pas de prendre son inhalateur partout où il allait, se montrait presque plus attentionné à son égard que Ben n'avait pu l'être — et Peter avait la sensation d'être devenu fou.

Le James sévère et inébranlable, qui s'était mis en tête de faire de lui un homme, avait-il disparu ? Où était-il toujours tapi quelque part, derrière ses sourires veloutés et ses paroles mielleuses ?

Tony, quant à lui, ne lui écrivait presque plus. Peter pouvait passer de longues minutes à contempler le fond d'écran de son téléphone — une photographie sur laquelle Ned et lui faisaient la grimace au-dessus de leur paillasse de chimie — dans l'espoir de voir son nom s'afficher... en vain. Il en avait conclu que l'homme était occupé avec sa famille. Les émois de Peter lui passaient probablement bien au-dessus de la tête ; peut-être même estimait-il, après l'avoir rencontré, que James était le mentor qu'il lui fallait, et qu'il n'avait donc plus besoin de lui ?

Behind green eyesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant