Alrighty Aphrodite

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La nuit était tombée quand ils avaient repris leurs esprits. 
-

Hey Harrington, réveille toi, murmura Eddie. 
Il avait froid sans sa veste, mais refusait de bouger de peur de réveiller Steve. Il avait passé un moment à regarder le visage du sportif, suivi mentalement le contour de ses sourcils, le tranchant de ses mâchoires, le bombé de ses lèvres entrouvertes qui laissaient passer une respiration profonde et apaisée. 

Ce n'est que lorsque Harrington ouvrit un œil que Munson remarqua qu'il souriait lui même. 
- Ça va la belle au bois dormant ?
- C'est toi qui m'a réveillé, ça fait techniquement de toi mon prince charmant, esquissa Steve sans avoir l'air de réaliser ce qu'il disait. 
- Prends pas ton rêve pour des réalités Harrington, repondit Eddie avec un sourire en coin et provocateur dont il avait le secret. Il bouscula doucement Steve. Aller, debout. Le prince charmant à besoin d'un chauffeur. 

Le trajet du retour fut silencieux. Pas de ceux pesants. Plutôt de ceux apaisés. Ils n'avaient pas besoins de remplir le vide. Eddie sortit deux cigarettes de son paquet, les porta à ses lèvres pour les allumer et en offrit une a Steve. 
- Je t'ai fumé ta weed et tes clopes Eddie. 
- T'inquiète pas pour ça va. J'en ai tout un stock. 
- Ça veut dire qu'on remet ça ? 
- Pourquoi pas, c'etait plutôt sympa. 
Et Eddie monta le volume de l'auto radio. 

Une fois arrivé au trailer park, Steve insista pour raccompagner Eddie jusqu'à la porte de chez lui. 
- D'habitude c'est pas la princesse qui escorte le prince, Harrington. 
- Je savais pas que t'étais si vieux jeu. Finalement tu te la petes avec tes tatouages mais t'es un vieu con, le provoqua Steve en riant. 
- C'est ça ouais, un vieu con, rétorqua Eddie en lui m'étant un coup dans l'épaule et en souriant. Bah voilà c'est chez moi. Merci de m'avoir raccompagné. On se voit demain au lycée. 

Et l'air de rien Eddie prit Steve dans ses bras pour une courte accolade. Il se surprit lui même. C'était spontané et agréable. 

- Salut mec, et le rocker était déjà de retour dans son antre. 


Au lycée la matinée ressemblait à toutes les autres matinées du monde. Les cours étaient du même ennuie, les populaires se moquaient des mêmes marginaux et les têtes d'ampoules s'inquiétaient toujours pour l'intero de la deuxième heure. La seule chose différente, et qui étonnement ne fit ni trembler les murs ni exploser les fenêtres, ce fut le spectacle à l'extérieur du lycée sur les bancs du déjeuner. 

- T'as pas peur d'être vu avec les Loosers Harrington ? 

Cette phrase fut lancée par Gareth, le batteur du groupe dont Eddie était le fondateur, le manager, l'auteur, le compositeur, le chanteur, le guitariste et le premier fan. 

- J'vois pas de Loosers ici, repondit Harrington pour l'amadouer. 

- Ah détrompe toi Harrington, reprit Munson. Nous on est fier d'être des Loosers dans la chaîne alimentaire du lycée. On le revendique. On veut pas jouer le jeu des sportifs et des pompom girls. 

- Ah c'est pour ça que vous allez rester puceau jusqu'à 21 ans rétorqua Steve amusé en lançant doucement son poing dans le biceps d'Eddie. 

- Petit con, tu vas voir, lança discrètement Eddie en direction de Steve avec un regard mutin et ce fameux regard en coin. 

A la fin des cours, Steve attendait Eddie sur le parking. 

- Je vais finir par m'habituer à avoir un chauffeur moi, dit il en déposant sa guitare sur la banquette arrière. 

- J'avais presque oublié que tu jouais de la guitare. 

- Tu veux dire que t'avais oublié l'existence du meilleur groupe de rock d'Hawkins et des alentours ? Tu me déçois beaucoup Harrington, repondit Eddie faussement outré. 

- Comment j'ai pu oublier Corroded Coffin. Je me souviens encore du spectacle de fin d'années y'a quelques années où vous êtes montés sur scène tout peinturluré en noir et blanc. 

- Tu connais pas Kiss ? Fit Eddie, vraiment outré. 

- Aujourd'hui oui, mais à l'époque pas du tout... Enfin bref, je revois encore Mme Carpenter faire le signe de croix en vous voyant arriver. C'était hilarant, continua t il en riant. Il marqua un temps puis : "J'ai toujours pensé qu'il fallait une sacrée paire de testicules pour faire un truc pareil... J'étais impressionné". 

Eddie ne sut même pas comment se moquer de Steve a cet instant précis. Il était flatté, choqué, interloqué... 

- Alors pourquoi tu nous faisais vivre un enfer ? 

Steve se crispa. 

- A l'époque je me rendais pas compte de ce que je faisais. Je suivais le mouvement. J'avais l'impression que c'était un espece de jeu consenti entre toutes les parties. 

- Tu crois qu'on était okay pour se faire humilier et frapper ? Pour qui tu nous prends ? Et je parle au passé mais ça continue. Eddie tentait de contenir sa rage mais sa colère était perceptible. Y'a une semaine quand tu m'a retrouvé sur le bord de la route, tu sais très bien que c'est tes potes qui m'ont cassé la figure. 

- J'y étais pas moi, dis Steve piteux. 

- T'as laissé faire. T'es complice Steve. 

Ils regardaient tous les deux droit devant eux. Ils ne voulaient pas croiser leur regard. Steve parce qu il avait trop honte. Eddie aussi. Et qu'il était déçu. Il savait qui était son nouvel ami mais il avait tenté d' enfouir les mauvais souvenirs. Pas suffisamment visiblement... 

Eddie alluma une cigarette et n'en proposa pas à Steve. Harrington se mordit la lèvre. 

- Ramène moi chez moi s'te plaît. 

Steve ne repondit pas et pris la direction de la clairière où ils avaient passé la soirée. 

- Hey tu vas où là ? 

Il roula en silence, sorti de sa voiture, fit le tour pour ouvrir la portière d'Eddie et le tira par le bras pour le faire sortir. 

- T'as perdu la boule Harrington ? 

- Non, au contraire. Steve qui était un peu plus grand que Munson planta ses yeux dans ceux du rocker. Il tenta de ne pas être perturbé par leur intensité même si la colère qu'il y voyait le déstabilisait. 

- J'ai jamais été aussi lucide qu'aujourd'hui. Je sais que j'ai été un connard pendant des années. Je me pensais au dessus des autres, j'ai fait du mal à beaucoup de gens. Et j'ai essayé de me dédouaner. C'était pas de ma faute, je suivais le mouvement de mes coéquipiers et puis on faisait rien de grave. Mais c'est faux. Et si j'ai compris ça c'est grâce à toi Eddie. Ça fait un moment que j'ai arrêté mes conneries mais j'avais pas compris la gravité de mes actes et ma responsabilité, jusqu'à toi. Jusqu'à ce que je te vois blessé comme ça sur le bord de la route... 

Steve avait du mal à contenir son émotion. Eddie était bouche bée. Littéralement. Il ne savait pas comment réagir. Mais à mesure que Steve déroulait son monologue, la colère de Munson s'estompait, pour tout à fait disparaître. 

- Je crois que ce que je veux dire avec tout ça c'est que je te présente mes excuses. Et je te remercie. Et je voudrais qu'on continue à se voir si t'es d'accord. Même si je suis pas complètement sûre de le mériter. 

Steve avait gardé sa main accrochée à la veste d'Eddie. Le rocker la saisie lentement et enlaça très doucement Harrington qu'il sentit se relâcher entre ses bras. Munson ressera son étreinte et les deux jeunes hommes restèrent l'un contre l'autre un long moment. 

The Great Gig in the SkyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant