Chapitre 4

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Pour faire du pole dance, il faut : être souple, être belle, et être un mec d'1m90 tatoué et barbu ou une vieille de 70 ans

Mercredi. Mon soi-disant jour de repos. Mais depuis que je suis ici sans connaître personne, il s'est tranformé en mon pire cauchemar. La cause ? L'ennui profond qui submerge tout mon corps, essayant de me noyer pour que je rejoigne Bob l'éponge. Alors quand Anita m'a vu débarquer à 9 heures vêtue de ma plus belle combinaison bleue à fleurs jaunes et de ma veste pleine de nuages, tout sourire, j'ai cru qu'elle allait me tuer ou me torturer en me coupant les doigts de pieds pour en faire un pendentif — je ne doute pas de la créativité de ma patronne.

J'ai campé pendant une heure entière jusqu'à ce qu'elle accepte que je travaille uniquement ce mercredi. Ce qui m'a aidé dans ma conquête de travail, c'est qu'elle a encore un rendez-vous et ça l'arrange de me laisser le café le temps qu'elle puisse revenir. Au moins comme ça, elle ne le ferme pas et moi ça me permet de m'occuper.

Les derniers jours passés ensemble se sont bien passés : elle a continué à me former, à critiquer mes tenues tous les jours pour finir par s'excuser. Elle m'a donné des conseils douteux sur les garçons ou des idées pour se faire des amis et elle a continué de me nourrir de ragots sur les clients. Je m'entends plutôt bien avec elle donc je travaille dans la joie, tout en gagnant pas mal d'argent pour un job de serveuse. Il faut dire qu'elle n'a pas dû avoir beaucoup de serveur de toute sa vie et ça se voit. J'ai beau adorer Anita, ses habitudes au café sont bien encrées, alors il arrive très souvent — trop souvent — qu'elle oublie mon existence. Mais je dois reconnaître que sa confiance envers moi est incroyable et me réchauffe le cœur un peu plus chaque jour. C'est un peu comme la grand-mère que je n'ai jamais eu, sauf qu'elle ne me ressemble en aucuns points.

Vers 15 heures, elle remet les pieds dans le café, tablier bien droit sur elle, après un petit message me prévenant de son arrivée quelques minutes plus tôt.

- C'est vrai que je ne te l'ai pas dit, mais ta tenue d'aujourd'hui est correcte, m'annonce-t-elle en dépoussiérant son tablier jaune.

- Anita ? Tout va bien ? demandé-je une main sur la bouche comme choquée. C'est la première fois que vous me faites un compliment sur ma tenue.

- Ne rêve pas trop petite, c'est juste que mon tablier va bien avec ta tenue du coup.

- En même temps, la veste à petit nuages que j'ai trouvé dans un magasin hier est juste incroyable ! Elle va parfaitement avec mes petits tournesols.

Elle lève les yeux au ciel en souriant pendant que je ris, tournant sur moi-même pour mieux lui montrer ma tenue. Je ne pensais pas que le mercredi était aussi calme, et je crois que j'aime tout aussi bien. Nous nous posons tranquillement derrière le comptoir pour papoter un peu en attendant des clients.

- Ma petite, j'ai réfléchi, annonce Anita sérieusement cette fois. Depuis que tu es arrivée, j'ai l'impression que tout est plat en ville. Pas au café ! Tu es un vrai petit soleil et tu le sais, mais il ne se passe rien, même pas de nana enceinte ou de voisin qui trompe sa femme avec une caissière du supermarché ! Rien, aucun ragot. Je t'en raconte des vieux mais il ne se passe rien.

- Excuse-moi, dis-je en riant, j'avoue que depuis que je suis ici ma vie est assez tranquille aussi, mais je ne vais pas m'en plaindre. J'ai peut-être amené de mauvaises ondes à mon arrivée faisant cesser les conflits et les drames familiaux ! Je devrais penser à ouvrir un cabinet en sorcellerie moi.

- Mais il faut vivre ! Tu vas finir toute seule si tu continues ! s'exclame-t-elle comme si je n'étais pas intervenue dans la conversation. Je ne doute pas de la bonne compagnie de peluches ou d'une vieille dame comme moi, mais il te faut des amis pour sortir, pour rompre le sort de l'ennui de cette ville et de ta vie !

Agapi Mou -T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant