Chapitre 38

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Quand l'oisillon brise la coque

À peine l'avion a atterrit et que nous avons récupéré la petite valise faite à la hâte, nous sautons dans le taxi que j'ai réservé. Après que Greyson nous ai déposé à San Francisco pour notre vol, j'ai cru mourir pendant les 10 heures de vol qui m'ont paru une éternité.

Alors quand mes pieds ont touché la terre ferme de l'aéroport d'Orly, j'ai failli pousser un cri de soulagement et de douleur. Je n'ai jamais eu la nuque aussi raide de ma vie !

L'angoisse mélangé à la peur et les doutes n'ont fait qu'amplifier mes douleurs, me rendant très irritable auprès de Gareth. Déjà qu'il m'a accompagné, il doit supporter mon humeur des plus fracassante. Mais jamais il ne s'est plaint. Jamais il n'a fait quoi que se soit pour me contrarier. Il s'est contenté de me caresser les cheveux quand je me suis endormie sur ses genoux, sans un mot. Quand nous sommes arrivés à l'aéroport, il m'a suivi partout, zigzaguant entre les gens aigris d'un bon matin parisien. Jusqu'ici, il n'a pu avoir aucun doute sur l'origine de mes râlements.

Dans le taxi, il ne dit rien nous plus, les yeux brillants en regardant Paris défiler par la fenêtre. Moi, ça ne me fait rien. Je n'y vois plus que des touristes, des déchets, et des personnes détestables. Mais pour lui, c'est une découverte et une aventure. J'aurais aimé lui offrir ce voyage dans d'autres circonstances.

Une fois à l'hôpital, je m'occupe d'essayer de voir ma mère — chose qu'on me refuse — tout en veillant sur Gareth qui ne parle pas un mot de français. Le pauvre, il semble totalement perdu.

Si je n'étais pas aussi stressée et énervée contre ma mère, je pourrais passer des heures à regarder ses yeux ébahis par chaque personne, chaque croisement de rue, chaque panneau qu'il essaye de lire.

- Allez vous asseoir là-bas, me dit la très jeune secrétaire en désignant une salle d'attente bondée. Nous reviendrons vers vous quand elle sera en état de vous recevoir.

J'acquiesce doucement sans m'énerver et fais signe à Gareth de me rejoindre. Il me suit, valise à la main, dans la salle d'attente la plus silencieuse que je n'ai jamais vu.

Assis à deux places côte à côte, j'observe toutes les personnes qui attendent. Il y a aussi bien des familles en pleurs que des gens qui ont arrêté de pleurer, mais tout en eux crie qu'ils sont en miettes.

Super rassurant.

- La secrétaire m'a expliqué qu'on devait attendre pour la voir, j'explique en anglais à Gareth. Normalement ce n'est pas du tout l'heure des visites mais il y a certaines situations où on peut la voir. Je sais qu'il est très tôt et que tu dois être épuisé, excuse-moi.

- Tu n'as pas à t'excuser, Eden. Ta mère est à l'hôpital, c'est légitime.

Il me prend la main et me regarde, ses yeux bleus sont accompagnés de grosses cernes grises, signe qu'il n'a pas dormi une seule fois dans l'avion. Je rectifie, je m'en veux beaucoup de lui faire subir ça.

- Et je suis désolée de mon comportement, aussi, je lui ajoute en baissant la tête pour ne pas le regarder plus longtemps.

Il comprend ce que j'essaye de faire et me prend le menton, m'obligeant à le regarder de nouveau.

- De quoi tu parles Eden ?

- Que je sois partie. Je me sois enfuie comme ça. Je ne sais faire que ça, m'enfuir quand tout se complique. Et je ne le fais même pas exprès. Et regarde, ça ne m'attire que du mal, maintenant ma mère est à l'hôpital.

- Eden, on en a déjà parlé non ? Toi-même tu l'as dit, c'était le mieux pour nous. Tu n'as pas fui parce que tu es là, avec moi. Et ta mère, ça n'a rien à voir. Un accident ça peut arriver n'importe quand à n'importe qui. Ne te crois pas coupable de ça, ce n'est pas ta faute, tu n'étais même pas dans le même pays ! Et venir aux États-Unis, ce n'était pas fuir. C'était accepter de vivre pour de bon sans avoir à gérer les problèmes de ta mère. Je t'admire pour ça, je n'en aurais pas eu le courage.

Agapi Mou -T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant