Le dernier liseur de Wakfu - La rencontre

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Cinq printemps s'étaient écoulés après la mort d'Adamenthe et l'âme rebelle du jeune éniripsa s'était éteinte avec lui. Ascètyl ne tentait plus de fuir les responsabilités que la matriarche attendait de lui. Il passait ses journées dans le temple à obéir aux moindres ordres de la vieille pandawa. Sa mère, Lilit, s'était arrêtée de se battre pour la vie. Elle s'était plongée dans une profonde dépression et il semblait que personne ne pourrait l'en sortir. Continuellement alitée, elle ne parlait plus et ne se nourrissait plus.

Quand le fils prodigue terminait ses journées, il rentrait chez lui pour s'occuper de sa mère. Tard dans la soirée il quittait la maison pour se réfugier dans la forêt comme il le faisait autrefois. Chaque nuit il dormait dans le creux des racines de l'arbre qui avait été témoin de sa transformation. Plus le temps passait, plus l'éniripsa rentrait dans une mécanique monotone qui effaçait lentement sa personnalité. Il ne voulait plus vivre dans un monde qui lui apportait tant de souffrance, lui qui depuis toujours se sentait incomplet. Pourtant il se devait de vivre, pour sa mère, pour la matriarche et tous les autres qui attendaient de lui de devenir leur nouveau guide, le successeur au titre de liseur de Wakfu. Il tenta donc de ne devenir plus qu'un pantin dépourvu de pensée et de désir.

Alors qu'il plongeait petit à petit dans l'oubli et l'abandon, une rencontre inattendue brisa le mécanisme macabre qu'il avait lui même élaboré. Ce soir là, Ascètyl se dirige vers la forêt pour y passer la nuit. À l'orée du bois, une immense dragodinde à la couleur sombre boit dans un sceau que tient un homme encapuchonné. L'éniripsa croit reconnaître le blason qui était gravé sur l'armure de la dragodinde.

- Vous êtes Sorin, le guérisseur. N'est-ce pas ?

La silhouette se tourne vers lui tout en caressant sa monture.

- Bonsoir mon garçon, je devais arriver plus tôt dans la journée mais cette vieille Dragonia supporte de moins en moins les longs voyages.

- On raconte que vous êtes l'un des éniripsas les plus puissants de tout Bonta, qu'est ce qui vous amène dans un si méconnu village et si loin de votre patrie ?

L'homme encapuchonné prend les rennes de sa dragodinde puis s'avance vers Ascètyl.

- Je suis un vieil ami de ta famille et on m'a demandé de regarder ce que je pouvais faire pour Lilit.

- Vous êtes venu pour ma mère ? Je ne vois pas ce que vous pouvez faire de plus que ce que je n'ai déjà tenté.

Sorin semble amusé par les réflexions de l'adolescent, il ricane un instant puis pose sa main droite sur l'épaule d'Ascètyl.

- Mon garçon, tu seras gentil de m'amener à l'auberge. Pour le moment j'aimerai dormir, demain nous verrons les choses que je ne puisse faire mieux que toi

Avant de courir s'enfoncer dans les bois, c'est avec le regard sombre que le jeune éniripsa montre du doigt la vieille bâtisse qui sert d'auberge. Avant la mort de son père, c'était sa mère qui était en charge de tenir l'auberge. Maintenant qu'elle ne pouvait plus assurer ce rôle c'était les parents de Kain qui s'en chargeaient. Quand il atteint l'arbre-refuge il se pose contre son tronc et fait glisser ses doigts le long des écorces. Il s'endort dans le creux des racines, témoins de ses rêves.

Une sombre lande vide de tout, on ne peut voir qu'une immensité de hautes herbes bleuies par l'obscurité de la nuit qui s'étend jusqu'à l'horizon; telle une mer d'herbes folles. Parmi les ténèbres végétales se faufile un ruban d'argent semblable à un long et sinueux serpent. Ascètyl arpente ce chemin en terre battu, alors qu'il croit cette route interminable il atteint un carrefour dépourvu d'indication. Au centre du chemin l'homme encapuchonné l'attend. Sorin retire sa capuche et montre du doigt l'un des quatre chemins. À l'horizon le jeune éniripsa croit percevoir une faible lumière, et elle semble l'attirer inexorablement. Sorin le fait sursauter de surprise quand il pose ses mains sur ses épaules alors qu'il murmure à son oreille des mots étranges qu'il n'arrive pas à comprendre. Il le fait avancer vers la lueur et il finit par disparaître dans une brume noire. Ascètyl continue à marcher mais il hésite à revenir en arrière. Sa marche lui semble plus difficile et ses pieds s'enfoncent dans le sol. La lumière devient plus forte et il voit qu'il marche dans une rivière pourpre dont le liquide visqueux le ralentit. Une odeur de fer monte à ses narines et lui donne la nausée. Il finit par trébucher et tomber. L'odeur du liquide irrite sa gorge. Quand il réalise que c'est du sang, il est trop tard, le courant le pousse vers la lumière. Il ne parvient pas à faire demi tour. Plus il se débat, plus il avance là où il ne veut pas. Quand il se retourne pour faire face à la lumière, c'est une immensité de flammes qui se dresse devant lui.

Les Faiseurs de ChaosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant