Elle arpente la terre de cendre le regard vers l'horizon, espérant trouver un paysage différent. Depuis qu'elle avait laissé Iris aux mains du Roi-Sorcier elle ne voyait rien d'autre que l'étendu dévasté de son terrible royaume. Pourtant elle est sûre de suivre la bonne direction. Comme il lui avait dit, elle avait marché en suivant la direction que pointe le pic du palais. Les alentours sont toujours les même, des arbres brûlés, des cendres... l'air transporte une odeur suffocante de charbon et de braises, pourtant aucune trace de feu ou de fumée.
Elle n'ose pas se retourner par peur de constater que le palais persiste dans son champ de vision. Elle a beau marcher pendant des heures elle n'a pas l'impression d'avancer vers sa cible. La sadida ne peut s'empêcher de penser que le Roi-Sorcier l'a flouée l'envoyant sur une piste interminable pour garder Iris auprès d'elle à jamais. Il suffirait néanmoins qu'elle ouvre les yeux et, de retour sur le plan physique au pied de l'arbre de vie, constater que la petite altesse se trouve toujours face à elle. Du moins son corps.
Ann ne sait si ce sont les cendres qui, enchantées, lui auraient absorbée tout espoir ou si c'est seulement elle qui manque de persévérance. Elle s'effondre de fatigue, ses mains plongeant dans les cendres. L'épuisement, la colère, le désespoir la vident de toute énergie. Aussitôt, elle ressent un froid immense comme si elle se rendait enfin compte que ce désert blanchâtre de cendre n'était rien d'autre que la banquise. Engourdie par la froideur, elle s'assoupit dans la poussière.
Un instant ou une éternité. C'est le vent qui souffle contre sa peau qui la réveille. Loin au dessus du sol elle a quitté l'odeur étouffante de brûlé pour sentir l'air frais. Les esprits qui les avaient guidées, elle et Iris, l'avaient retrouvée. Ils l'avaient décollée du sol pour l'emmener vers son point d'arrivée. Un léger sourire se dessine sur ses lèvres, elle retrouve espoir. Elle entrevoit enfin une chance de libérer Iris. Elle observe le relief et un sentiment de soulagement l'inonde quand elle réalise qu'elle a finalement quitté le royaume du Roi-Sorcier.
Les choses sont beaucoup plus rapides en volant mais constatant leur vitesse, l'inquiétude de manquer son objectif l'empoigne. Elle regarde derrière elle pour voir les esprits qui la portent.
- Euh... vous savez où je dois aller n'est-ce-pas ?
Impassibles. Elle se dit que vraisemblablement elle n'a pas le talent d'Iris. Il ne lui restait plus qu'à espérer d'arriver à bon port. Les douze soient loués, les esprits la déposent au pied d'une falaise parsemées d'habitations troglodytes. Des lumières et de la fumée émanent des nombreuses cavités. Sans trop de conviction elle se tourne vers les esprits pour leur demander où se trouve celui pourquoi elle est ici.
Ils lévitent un instant pour se diriger vers l'une des demeures.
- Bien j'imagine que c'est celle-ci.
Elle s'approche de la porte et ne connaissant rien des règles de courtoisie en vigueur dans le monde des esprits elle toc à la porte. Silence... prise d'impatience elle pénètre à l'intérieure de l'habitation. Au milieu de la pièce un feu brule dans un large foyer en pierre ronde. Pourtant elle ne trouve personne. Des babioles jonchent la moindre parcelle de la maison. Les tables, les étagères, le sol sont recouverts de bibelots de toutes les couleurs, de toutes les formes. Elle se tourne vers ses compagnons éthérés.
- Je ne pensais pas les esprits aussi...
Elle ramasse une des breloques.
- matérialistes.
Soudainement l'objet qu'elle tient se met à trembler, s'arrache de son emprise pour se dresser devant elle. Simultanément toutes les autres babioles se mettent à se rassembler, à former une silhouette.
- Mais qu'est ce que...
Le processus finit, l'ensemble formé par les objets ressemble à une sorte d'immense et grosse chouette mécanique et multicolore. Une voix au timbre métallique résonne dans la pièce.
- Qui vous a permit de me réveiller sale humaine ?!
Les esprits qui l'accompagnent tremblent de peur, reprennent leur forme de feu follet pour se cacher dans le dos de Ann. Elle jette un oeil au dessus de son épaule avant de se dresser face à la chouette en masquant sa crainte.
- Je suis navrée, c'était involontaire.
Elle empoigne les inscriptions du Roi-Sorcier et les tend vers la chouette automate.
- C'est un de vos amis qui m'envoie.
Le regard de l'esprit se tourne un instant vers la feuille puis retourne sur Ann.
- Cet immonde sorcier autoproclamé roi... hein.
Un grincement désagréable retentit aussitôt.
- Depuis son arrivée je n'ai jamais vu autant d'humains trainer ici. Enfin... plus vite je te donne ce que tu es venue chercher plus vite je serai débarrassé de toi.
Il arrache la note des mains de la sadida pour la jeter au feu. Le papier s'effrite, se consume, les cendres s'envolent au dessus du foyer et la chouette grince à nouveau. Les cendres se rassemblent à nouveau, reforment un feuille vierge.
- Voilà la liste des ingrédients pour ta potion de rappel, mémorise la bien avant de retourner dans ton monde. Et vite !
Il se fout de moi ? Il n'y a rien d'écrit la dessus. Le papier cesse de léviter, atterrit dans ses mains. Vide d'inscription, mais au contact de sa peau des lettres luminescentes, couleur de braise, se dessinent sur la feuille. Elle retient un hoquet de surprise.
- Merci beaucoup. Encore une fois, pardon de vous avoir réveillé.
- Oui c'est ça ... du vent !
La chouette se désarticule et les objets se séparent à nouveau pour revenir à leur place. De retour au pied de la falaise les feu-follet changent à nouveau de forme.
- Bien, maintenant on retourne voir cet hideux sorcier et on sort Iris de là.
Comme pour acquiescer, les esprits la saisissent et décollent en direction du palais rocheux. S'approcher du royaume de désolation la ramène dans cet air suffoquant d'odeur calciné. Une grimace cisaille son visage à mesure qu'elle se rapproche de la demeure du Roi-Sorcier. Elle masque son visage de sa main. Les esprits la déposent au pied du pic et comme la première fois, disparaissent aussitôt arrivés.
Elle prend une profonde inspiration, tousse à cause de l'air vicié, et pénètre dans l'odieux palais. Elle suit le chemin des candélabres suspendus dans les corridors pour rejoindre la salle du trône. À l'intérieure elle remarque l'apparition d'un second trône, plus modeste, juxtaposant le premier. Iris y est assise, vêtue d'une longue robe en voile noir et gris. Elle secoue la tête comme pour faire disparaître cette vision dont elle ne veut pas croire l'existence.
- Je... j'ai trouvé ce pourquoi je suis venue. Libérez Iris à présent.
Un sourire narquois tranche les lèvres du Roi-Sorcier. Il dresse son index, et répète ce geste pour dire non... le même que la première fois lorsqu'elle quitta le palais. Et ce bruit de succion...
- Tutt tutt... ma petite fleur est formelle, elle préfère rester dans le monde des esprits à mes côtés. Bien sûr, elle en deviendra la reine.
Ses longs doigts crochus caressent la pommette rosée d'Iris.
- Quoi ?! C'est... c'est un mensonge ! Iris dis moi qu'il ment.
- Non Ann, il dit la vérité. Je n'en peux plus de rester enfermée dans ma chambre. Le monde des esprits est ma maison. Là où je ressens que j'ai ma place. Libre de voir ce que je veux, de voler dans le ciel, de courir dans les herbes folles... je veux rester ici.
Elle tremble, ses poings se serrent.
- Que lui as-tu fait sale bête immonde ?!
Un rire terrible ébranle le torse chétif du Roi-Sorcier.
- Absolument rien voyons.
- Je jure que si tu ne la laisses pas partir je détruis la seule assurance de ton immortalité.
Elle concentre son énergie dans ses paumes et les plaque sur le sol pour invoquer de puissantes ronces. Pourtant rien ne se passe. Il rit à nouveau.
- Pauvre idiote... ta magie ne fonctionne pas dans ce monde.
Elle grince des dents.
- Très bien, pas besoin de magie pour t'étrangler.
Elle s'apprête à se jeter sur lui mais un violent haut-le-coeur la fait trébucher. Son coeur a un raté. Puis un autre. Elle se tient la poitrine par peur que son coeur ne s'arrête.
- Qu'est ce qui se passe ?...
Sa vision devient floue, et peu à peu il ne reste devant elle que l'obscurité. Le monde disparait et elle n'entend plus rien que le rire atroce du Roi-Sorcier.
Elle ouvre les yeux sur des lueurs familières. Elle est de retour au pied de l'arbre de vie. Des sadidas de la garde royale sont entrain de la secouer, elle et Iris.
- Qu'avez-vous fait ?! Pourquoi la princesse ne se réveille pas ?
Elle se frotte légèrement la tête, essaye de prendre la parole mais aucun son ne sort de sa bouche.
- J-je... je...
- Lady Iris, réveillez-vous !
- Elle est enfermée... dans le monde des esprits.
Les gardes amenèrent le corps endormit de la princesse dans sa chambre auprès d'une infirmière eniripsa. Ann quand à elle fut contrainte de se présenter devant la cour et de répondre des actes qui eurent lieux dans l'antre de l'arbre de vie. Sa tristesse, sa rancoeur, ses remords n'y changèrent rien. Elle fut jugée coupable et le roi exigea son exil, lui obligeant ainsi de ne plus jamais venir au Royaume Sadida et attirant le déshonneur sur la famille Sylveronce.
Dans le bateau qui l'emporte loin du royaume elle ne peut contenir ses larmes et penser à Iris. Qu'aurait du-t-elle faire ? N'a-t-elle pas raison ? ... ne serait-elle pas plus heureuse dans cet autre monde plutôt qu'enfermée dans sa tour d'ivoire ? Non ! pas avec cette hideuse créature pour l'accompagner ! Les vents sont favorables et le voyage en mer est des plus rapides. De retour à Bonta, sur les côtes du fourrée de Tonkult, elle rejoint le point de rendez-vous pour retrouver Ascètyl. Une petite cavité dans une falaise où ils avaient prit l'habitude d'y faire bruler un feu et d'installer un campement. Elle raconte à l'eniripsa son aventure dans le monde des esprits et lui fait part de la liste des ingrédients qu'elle avait prit soin de retenir pour concevoir la potion de rappel qui les mènera à la fiole de stasis rouge.
La nuit finit par tomber. Dans la lueur projetée par les flammes du feu de camp, elle observe un instant le corps endormit d'Ascétyl qui lui tourne le dos. Il semble dormir paisiblement. Elle, n'arrive pas à trouver le sommeil. Elle quitte le campement pour se diriger non loin de la falaise, vers un petit bois où elle aimait passer du temps pour communier avec les arbres, un magnifique point d'eau repose en son centre, son endroit préféré.
Telle la tranche d'une épée, le clair de lune transperce l'obscurité de la nuit pour se planter sur l'onde du lac cristallin. Au milieu de l'écrin d'arbres dont les ténèbres ne laissent apparaître que des silhouettes sombres, le miroir d'eau prend des couleurs argentées. Elle se tient là, les remous de l'eau lui tendent les bras. Les bras serrés sur sa poitrine, elle enfonce doucement ses pieds dans la froideur liquide. Elle continue d'avancer pour atteindre le centre du lac, observer la pleine lune qui se dresse au dessus d'elle.
- Ann ? ...
Elle entend le bruit des mouvements de l'eau se rapprocher à mesure qu'il s'avance mais elle ne se retourne pas. Il pose sa main sur son épaule.
- Ça ne va pas ?
- Je ne t'ai pas tout dit Ascétyl. La potion... elle a un prix. La petite... je n'ai pas pu la sauver. J'ai été exilé du Royaume. Iris est enfermée dans le monde des esprits pour toujours.
Ses larmes plongent dans le lac, imitant le doux son de la pluie. Il fait glisser ses mains sur sa taille pour la tourner vers lui. Mêle ses lèvres aux siennes. Elle lui rend son baiser, se serre contre lui, glisse ses doigts dans sa chevelure bleue. C'est doux et chaud. Elle sent la chaleur s'emparer de son corps, la conquérir. Elle ne ressent d'ailleurs plus la froideur de l'eau du lac qui enserre ses jambes, ses hanches.
Elle n'est plus là, ils sont ailleurs, nulle part. Leur union provoquant l'obsolescence du monde, il s'est éteint pour ne laisser qu'eux. Elle et lui, c'est tout. Le reste n'a plus d'importance et disparaît. Leur baiser a le goût des larmes mais le feu qui l'envahit finit par calmer ses sanglots. Ascétyl fait lentement remonter sa main le long de son ventre pour s'emparer d'un de ses seins. Elle frisonne alors qu'il lui mordille le creux de son cou. Elle passe ses mains sous sa veste pour caresser son dos, toucher sa peau brulante, le griffer au rythme de ses morsures.
Il redresse son visage pour s'enfouir dans sa chevelure, sentir le plus doux des parfums, puis, sa bouche proche de son oreille, lui susurrer l'inaudible dont la douceur la pénètre. Le timbre caressant de sa voix exalte une tendresse voluptueuse. Elle ne s'était pas changée depuis son bannissement et est toujours vêtue de ses atours de camériste. L'eniripsa entreprend alors de la dévêtir, chaque caresse devient une excuse pour ôter chacune de ses soieries. Elle frémit quand le vent nocturne et la fraicheur de l'eau heurtent sa peau nue.
Le froid et l'émoi mêlé raidissent la pointe de ses seins. Elle sent la langue de celui devenu son amant s'y égarer un instant. Ses dents viennent tendrement à la rencontre de ses mamelons, lui arracher un gémissement. Il réveille en elle l'avide désir, son regard assoiffé dévore son corps et à son tour, elle l'extirpe du lin de ses habits. Sa main dextre s'insinue dans ses sous-vêtements pour enlacer la raideur dissimulée. Leur soupirs s'entremêlent, ils frissonnent au rythme de leurs gestes érotiques.
Sa virilité s'érigeant, elle lui enlève le dernier voile couvrant sa nudité, le sort des derniers effets qui le confinent. Elle continue à le caresser en le guidant vers l'orée du plaisir. Il enserre ses cuisses, se glisse vers le chemin du jardin secret où il s'enlise. Ensemble, ils abandonnent leur fleurs vierges, goutent pour la première fois aux voluptés charnelles. La saveur du miel, de l'ambre et du sang. Ils souhaitent que l'instant dure pour l'éternité car c'est quand ils ne font plus qu'un qu'ils se sentent au plus près de la plénitude.
Leur ballet de caresses brulantes et de plaisirs délicieux se dénoue en une ultime jouissance fatale. À la frontière du sable et de l'eau, ils s'endorment nus, lovés l'un contre l'autre.
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Les Faiseurs de Chaos
FanfictionDans l'univers de Dofus et Wakfu, le monde des douze, suivez les aventures épiques de trois héros aux pouvoirs uniques : un Eniripsa, une Sadida et un Zobal. Ils affrontent les manigances maléfiques d'un dangereux shushu, ils feront de leur mieux p...