Tuer le père : Poison

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À chacun de ses pas il se dit ô combien il a été lâche. Quel idiot respecterait les ordres au prix de la vie de son commandeur ? À intervalle régulier il regarde par dessus son épaule, comme s'il espérait la trouver entrain de courir derrière lui; mais à chaque oeillade, il ne voit rien d'autre que les arbres, la forêt qu'il vient de fuir. Est-ce que le garrot suffira pour la sauver ? Il ne s'arrête pas, se répète les ordres inlassablement pour luter contre son envie dévorante qui lui hurle sans arrêt : Retourne-toi ! Va la chercher, va la sauver ! Bon sang mais c'était qui ce type ?! Qu'est ce qu'il nous voulait... pourquoi... Ses jambes s'amollissent tout à coup. La sensation d'un liquide froid s'insinuant dans ses veines, le glace de toute part. Il frisonne frénétiquement, ses dents se mettent à claquer et il s'écroule dans un parterre de fleurs rouges.

[ . . . ]

« Qu'est ce que tu fais là ? »

Tout est incroyablement sombre... il ne distingue même pas la silhouette qui se trouve face à lui.

- C'est quoi cet endroit ?!

Il entend un rire rauque.

« Tu le sais bien. »

L'ombre nébuleuse lui désigne l'épais bloc de marbre qui trône devant lui. C'est un plateau d'échec sculpté à même la roche, le jeu semble avoir déjà commencé. Les pièces de verre et d'obsidienne sont dispersées sur tout le support.

« La partie ne peut pas continuer sans toi. »

- La partie...

Il s'approche du jeu avec hésitation, il ne se souvient pas avoir un jour participé à une telle chose et n'a aucune idée des règles. Pourtant s'il en croit son interlocuteur, les premiers coups ont déjà été joué. La main fébrile, il attrape une des pièces faisant aussitôt éclater le bruit éraillé du rire de son adversaire.

Le corps frissonnant par la sueur qui le recouvre, un sursaut le réveille et la panique le prend quand il constate qu'il se trouve dans un lieu inconnu. Il entend de l'eau bouillir et un feu de bois crépiter non loin de lui. Il essaie de se redresser mais retombe aussitôt. Dans l'entrebâillement de la porte il distingue la silhouette d'un homme torse nu recouvert de tatouages. Il rentre dans la pièce, un récipient en bois dans la main.

- Enfin réveillé ?

Il s'assoit au pied du lit, lui tend la boisson fumante.

- Bois ça, c'est brulant mais c'est ce qu'il faut pour enrayer l'infection.

Pan ne pose pas de question et boit. Le liquide lui embrase la gorge, il ne sait pas si c'est à cause de la chaleur ou du gout atroce de fer. Il tousse légèrement et arrive enfin à se redresser. L'inconnu apporte un long objet effilé au soleil, un éclair éblouit la pièce un infime instant, comme une lame rutilante sous la lumière. Il lui demande de lui tendre le bras. En s'exécutant il se rend compte que sa peau arbore plusieurs piqûres rouges le long de son avant-bras. En appuyant la pointe de la dague contre sa peau il fait perler une goutte de sang. Il retire son bras aussitôt.

- Par Sadida ! Ça fait mal !

L'homme sourit, il se retourne pour ranger la dague dans son fourreau.

- Tu devrais t'estimer heureux, ton corps s'est enfin débarrassé des neurotoxines. Ça fait plusieurs jours que j'essaie de te soigner. Je commençais à perdre espoir.

Un frisson de stupeur le submerge, il attrape son bras pour voir son visage à nouveau.

- Plusieurs jours tu dis ? Je peux pas rester là, je dois partir prévenir l'Ordre que les autres...

Les Faiseurs de ChaosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant