Tuer le père : Légats

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Partie 1 : La Chasse

Le gamin ouvre la trappe dissimulée sous la malle où il range ses vêtements. Il est toujours là, le masque cornu, arborant ce sourire qui monte jusqu'aux tempes, ces dents peintes sur le bois laqué. Ça recommence, sa main est attirée de manière irrésistible, il veut l'attraper. Son bras tremble, il l'agrippe aussitôt avec son autre main pour le ramener vers lui puis referme la trappe. Il avait promit aux villageois de s'en défaire... et il avait bien essayé !


Le soir même où il avait tué ce mulou, il s'était dirigé vers le plus grand brasier du village, la fournaise qui brûlait à l'entrée du grand portique rouge foncés. Il était bien décidé et rien n'aurait du l'empêcher de le jeter dans le feu ce soir là. Pourtant, quand il posa son regard un dernier instant sur le masque avant de le projeter, il entendit à nouveau le murmure qu'il avait perçu la première fois qu'il l'avait touché. Instantanément, il repensa à ses rêves d'héroïsme et il ne put s'empêcher d'arriver à la conclusion que si aucun des douze dieux ne voudraient de lui, il ne lui restait plus qu'à trouver des forces extérieures. Le masque pourrait lui donner la puissance dont il avait besoin pour atteindre le panthéon des héros et entrer dans la légende, le défunt mulou en avant témoigné malgré lui.

Alors, heureux de voir enfin pointer son rêve à l'horizon, la première fois qu'il lui semblait quasi atteignable, il s'éloigna du flambeau pour retourner dans sa chambre. Sur le chemin il repensa à la parole qu'il n'avait pas tenu, il ne voulait pas décevoir le village, sa mère... et si jamais ils découvraient qu'il avait conservé le masque, il était certain qu'ils ne perdraient pas un instant pour le lui arracher et s'en débarrasser aussitôt. Aucun doute, il devrait le cacher en lieu sûr. Les cachettes d'un enfant sont souvent les mêmes, et il ne trouva rien de mieux que de l'enfouir dans un coin de sa chambre.

Quand il recommence à ne plus croire en ses rêves, il le contemple, à chaque fois son corps envahit par un sentiment d'exaltation et de terreur mêlé. Cette peur qui se bat sans cesse avec son excitation l'empêche de reporter le masque, mais pour combien de temps encore ? Il a beau s'être convaincu qu'il avait devant lui l'outil pour réaliser ses désirs, il repense toujours à cette nuit où il perdit le contrôle de son corps, devenu la simple marionnette du masque — ou de la force qu'il renferme.

Avoir accès à une telle puissance sans pour autant être certain de pouvoir en rester le maître est effrayant. Il le sait, cette nuit où il tua ce monstre, il n'avait pas le moindre souvenir de ses actes et il eut bien du mal à reconnaitre que c'était son oeuvre. Il ne veut pas se mentir, s'il n'était plus lui même sous l'influence du masque il aurait très bien pu faire du mal à son entourage sans même le savoir. Cette idée lui est insoutenable et reste le seul frein véritable face à son envie de porter le masque pour gouter à nouveau à son incroyable puissance.

Cette lucidité fut suffisante pour quelques années mais quand il approcha du jour de son seizième anniversaire, d'autres motivations vinrent mettre à mal la résistance contre son envie dangereuse, celles-ci valant sans nul doute plus le risque qu'aucunes autres. Jamais il n'aurait pu imaginer qu'on lui ramènerait bien plus tard, les souvenirs de cette nuit là.,

Il est encore dans le jardin martial à s'entrainer avec les combattants du village. Cette grande cour entoure la tente centrale des rassemblements et où devait se tenir chaque jour pendant plusieurs heures le porte-parole actuel. Bien qu'il n'y avait pas de chef à proprement parlé, une figure d'autorité était désigné à tour de rôle parmi les membres les plus sages du village, vers laquelle on se remettait pour établir les grandes décisions ou trancher quand cela été nécessaire.

Même si on pensait qu'il n'y avait pas lieu à dresser une défense autour de ce lieu de siège, et que l'on ne désignait aucun soldat pour en assurer la protection, le jardin martial qui l'entourait faisait office de camp d'entrainement pour les villageois et d'une certaine façon, barricader la zone. Pan y passait le plus clair de son temps, enfant quand il avait entreprit son premier entrainement, il s'était dit que s'il devenait assez fort il n'aurait besoin d'aucun dieu et d'aucun masque pour atteindre ses objectifs. Aujourd'hui il le perdure par simple plaisir d'endurance.

Les Faiseurs de ChaosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant