𝕺𝖍, 𝖜𝖍𝖔 𝖎𝖘 𝖘𝖍𝖊 ? // [𝑴𝒆𝒓𝒄𝒓𝒆𝒅𝒊 𝑨𝒅𝒅𝒂𝒎𝒔]

Chapitre XVIII

La foret offrait un cadre parfait pour la solitude.

Il était précisément 18h02 quand j'avais été prise par la subite envie de sortir pour aller marcher dans les environs de l'Académie. Contre toute attente, contourner les interdictions de Murphy avait été un jeu d'enfant.

J'inspirais profondément l'odeur de bois qui régnait dans la foret. Les nuages voilaient le soleil couchant à la façon d'un linceul. Les arbres, grands et imposants, semblaient faire barrage à tout élément extérieur. Cette foret était une énigme. Austère et lugubre au premier abord, elle semblait renfermer de nombreux secrets. Et, même si elle avait été le théâtre d'évènements macabres, elle avait un effet apaisant sur moi.

Ces derniers temps, ma vie avait pris une tournure atrocement surprenante. D'abord le retour de Tyler, pour qui il m'était difficile de donner un avis prononcé ; puis l'attaque d'Enid, et ces recherches qui ne donnaient rien.

J'avais besoin de calme pour me poser et faire le point.

Quelles étaient réellement les intentions de Tyler ? S'était-il montré honnête avec moi ?

Qui avait sauvagement blessé Enid ? Et pourquoi ?

Ce n'était que l'introduction de toutes les questions qui traversaient sans relâche mon esprit. Des tas de mystères, que je me jurais de percer.

***

J'étais toujours en proie à d'intenses réflexions lorsque je sentis quelque chose d'humide s'écraser sur ma nuque. 

Une goutte de pluie.

Je relevai la tête. D'épais nuages gris avaient pris possession du ciel, et le vent s'était levé. L'averse, d'abord ténue, se changea en pluie torrentielle. Je savourais la fraîcheur de l'eau sur ma peau.

Bientôt, je fus trempée.

Soudain, je perçus le craquement d'une branche qu'on écrase. En plissant les yeux, je distinguai une silhouette qui se dirigeait droit vers moi. Je reconnus sa voix avant même de savoir de qui il s'agissait.

-Mercredi ? Qu'est ce que tu fais ici ? S'étonna Tyler, dont les contours devenaient plus visibles à chaque pas.

Il était également trempé, mais ne semblait pas s'en préoccuper outre mesure.

Je m'écartai, méfiante.

-Je pourrais te poser la même question.

- On en discutera dès que tu auras quelque chose sur le dos, répondit-il en commençant à retirer sa veste. Tiens, prends la.

- Garde-la. La pluie ne va pas me tuer.

-Oh, je sais. Mais ...je m'en voudrais de te laisser comme ca. Tu vas avoir froid.

Je croisai les bras.

-Très bien, si ça peut apaiser ta conscience de parfait gentleman, ironisai je, sarcastique.

Il avança de quelques pas et m'aida à enfiler sa veste.

-Je n'ai pas besoin qu'on me materne.

Il rit.

- Je le sais bien, crois moi.

Je baissai les yeux sur la veste. Bien sûr, elle était bien trop grande ; les manches recouvraient presque entièrement mes mains , et elle m'arrivait à peine au dessus des genoux.

- Revenons-en au sujet principal, repris-je. Que fais tu ici ?

Il se remit à avancer, les mains dans les poches.

- J'avais besoin de calme. J'ai du mal à m'habituer à l'Académie. Je sais que tout le monde me déteste...et en même temps, je les comprends. Mais j'avais besoin de m'isoler...Juste un peu. Pour échapper aux regards noirs, même si c'est juste pendant une heure ou deux.

Je méditai ses paroles en silence. Pour la toute première fois, l'évidence me sauta aux yeux : Tyler et moi avions beau être différents, nous avions un point commun. Celui d'être différents, peu importe le milieu ou nous nous trouvions. Nous possédions tous les deux cette part sombre, qui faisait de nous ce que nous étions aujourd'hui.

-Bon, et toi alors ? Tu aimes les promenades nocturnes, à ce que je vois.

-En effet. C'est le moment et l'endroit idéal pour être seule. J'avais besoin de faire le point.

Il tourna son visage vers moi. Une goutte de pluie s'échoua sur son visage et traça un sillon sur sa pommette droite, telle une larme.

- Et alors, c'est réussi ?

Je rivai mon regard sur l'horizon.

-Je l'ignore. A vrai dire, je me pose des dizaines de questions, et toutes restent sans réponses. Je ne me suis jamais sentie aussi impuissante. L'époque ou je décapitais mes poupées, sans me soucier de rien d'autre que de l'efficacité de ma guillotine à vapeur, me manque.

-Je comprends, murmura-t-il. Je crois qu'il faut savoir être patient. Les réponses aux questions peuvent prendre du temps à arriver, mais quand l'évidence se trouvera sous tes yeux, tu ne pourras pas passer à coté. Et qu'importe quelles questions tu te poses, je sais que tu perceras leur mystère.

Il ancra son regard dans les nuages, et je fixai son visage.

La pluie continuait inlassablement de tomber.

-Cela me fait mal de l'admettre, mais tu n'as pas tort.

- Je ne pensais pas t'entendre dire ça un jour...dit-il en souriant.

Il tourna ses yeux vers les miens, et je fis de même.

- Comme quoi, tout est possible, repris-je.

- Tu sais, je viens souvent ici. C'est le seul endroit ou je me sens...en paix avec moi-même. Et en même temps, il me rappelle tout ce que j'ai commis. Tu dois trouver ça vraiment bizarre.

- « Bizarre » n'est pas vraiment un terme adapté pour des Marginaux.

-C'est vrai, approuva-t-il en riant. Mais dans tous les cas, j'aime bien venir ici. Surtout en ce moment...Il y a encore des tas de choses que je ne comprends pas. Des démons que j'essaie de combattre, par peur qu'ils me rattrapent. Laurel a... détruit quelque chose chez moi . Je ne saurais pas l'expliquer. Mais quand je suis ici, j'arrive à ...décompresser. Même si c'est pour quelques heures seulement.

Nous continuâmes à marcher en silence. L'averse commençait à peine à se calmer.

-La vérité, c'est que cette ...part d'ombre en moi me fait peur. Parfois, il y a des émotions brutales qui me saisissent. Et je sais que ce ne sont pas les miennes...mais celles du Hyde.

Il soupira.

- Nous avons tous une part d'ombre enfouie en nous. La plupart des gens la cache, mais elle est aussi existante que chez toi et moi, dis-je calmement.

Il sembla pensif.

-Merci.

Je ne compris pas pourquoi il me remerciait. Certaines choses me resteraient toujours inconnues.

Soudain, Tyler s'arrêta brusquement.

-Mercredi, je...je dois t'avouer quelque chose. Je t'ai menti...