Chapitre XX

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Je grimpais lentement les marches menant aux dortoirs. Une trainée de boue se formait derrière chacun de mes pas, souvenir de l'averse que nous avions essuyée dans la foret.

Je fronçai les sourcils. Il allait falloir que je revienne nettoyer, avant que tout le monde ne se doute que je n'avais aucunement respecté le couvre feu.

Quelques secondes plus tard, j'étais enfin dans la chambre. Je restai immobile un moment après avoir fermé la porte.

Je naviguais dans des eaux troubles et tempétueuses. Je perdais le contrôle. C'était une sensation terriblement étrangère et détestable pour la personne psychorigide et perfectionniste que j'étais.

Je m'étais juré de ne plus approcher Tyler. Pourtant, en plus d'être allés ensemble au bal, nous venions tout juste de nous embrasser.

est donc passée Mercredi Addams, réputée pour son absence d'émotions et sa froideur si légendaires ?

Sans prévenir, le visage de Tyler surgit dans mon esprit.

« Il y a une alchimie...inexplicable entre vous deux »

Mais jusqu'où cette alchimie pouvait-elle nous mener ?

***

J'adorais les hôpitaux. Tout y était d'une blancheur immaculée, rangé avec une précision chirurgicale. De plus, le fond sonore- cris d'agonie, pleurs- sonnait comme la plus douce des mélodies à mes oreilles.

Cela me rappelait la berceuse que me faisaient écouter mes parents pour m'endormir. C'était un enregistrement des hurlements de toutes les victimes de mon père, rattachés les uns aux autres sur fond de musique macabre.

Ceci dit, je n'étais pas ici pour me remémorer les tendres souvenirs de mon enfance.

Chambre 166, 3eme étage ; d'après l'une des infirmières, c'était celle d'Enid.

En effet, après de maintes négociations auprès de Murphy, j'avais réussi à obtenir une autorisation de sortie d'une heure.

J'ouvris la porte avec précaution.

Enid était étendue là, sur son lit d'hôpital. Sa peau avait pris une teinte pâle et maladive, signe qu'elle n'avait pas vu la lumière du jour depuis bien longtemps. Ses poignets étaient reliés à des poches de médicaments par des perfusions et un moniteur cardiaque émettait paisiblement son affreux bruit strident.

Une chaise avait été placée juste à coté d'elle. Sans attendre, je m'y installais.

Je la fixai en silence.

Je ne la reconnaissais pas.

Même sa voix aigue et ses gloussements avaient laissé un vide béant dans notre chambre.

-Tu manques à la Chose, déclarai-je d'une voix claire. Il adorait vos séances manucure.

Je marquai une courte pause.

-Ajax est très touché par ta situation. Il prétend être atteint d'allergies, mais ses yeux rouges ne trompent personne. Son excuse n'est pas crédible, même pour un garçon aux capacités intellectuelles aussi limitées que les siennes. Ce ne serait pas un bon criminel, il est évident que ce n'est pas lui qui t'as attaquée. Ceci dit, il fallait envisager toutes les possibilités, conclus-je.

J'entendis une infirmière vociférer dans un couloir lointain.

-Quant à moi, je pense à toi chaque fois que j'ai la nausée à la vue d'un arc en ciel ou d'une licorne. Même l'absence de tes affreux conseils à propos de ma vie sentimentale inexistante ont laissé un trou béant dans chacune de mes journées. De plus, je sais que tu seras sans doute comblée d'une joie atrocement débordante en apprenant qu'un semblant de rapprochement a eu lieu entre Tyler et moi. Cette phrase codée a pour but d'expliquer ... que nous nous sommes embrassés hier soir.

𝕺𝖍, 𝖜𝖍𝖔 𝖎𝖘 𝖘𝖍𝖊 ? // [𝑴𝒆𝒓𝒄𝒓𝒆𝒅𝒊 𝑨𝒅𝒅𝒂𝒎𝒔]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant